Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

Défense nationale (gouvernement de la), (suite)

Malgré la distance temporelle, et même si le cœur de Gambetta est finalement placé au Panthéon le 11 novembre 1920, les jugements d'une partie de l'historiographie ont longtemps été marqués par la controverse : des historiens favorables à la Commune ont critiqué le manque de résolution du gouvernement et sa crainte du mouvement populaire ; d'autres, conservateurs, reprenaient encore récemment des reproches de la commission d'enquête de 1871.

Deffand (Marie-Anne de Vichy-Chamrond, marquise du),

femme de lettres (château de Chamrond, Mâconnais, 1697 - Paris 1780).

Épistolière et hôtesse d'un célèbre salon, la marquise est entrée dans l'histoire des mœurs et de la littérature par la conversation. Destin conforme à ce que la société d'Ancien Régime, les philosophes et les médecins des Lumières concédaient à la nature féminine : le tact subtil, l'intuition immédiate, le don de la conversation, le talent des échanges épistolaires et du roman, bref, une sensibilité en accord avec la fugacité des choses quotidiennes et des sentiments, mais rebelle aux méditations réfléchies de la raison masculine.

À partir de 1747, après des années de préparation auprès de la duchesse du Maine, Mme du Deffand ouvre son propre salon à Saint-Germain-des-Prés, deux ans avant sa principale rivale, Mme Geoffrin. Comme auparavant celui de Mme de Lambert, son salon mêle aristocrates et intellectuels (d'Alembert, Montesquieu, Turgot, etc.). Mais l'originalité de la marquise est que, loin de s'effacer, elle adopte un ton détaché, élégamment ironique, et se pose elle-même comme l'attraction principale, par la variété et la subtilité de son esprit, par une franchise inattendue, en rupture savante avec les normes de la sociabilité mondaine.

Frappée de cécité à partir de 1754, elle accueille auprès d'elle Julie de Lespinasse (1732-1776). C'est alors, dans la conjugaison des talents acides et de la grâce juvénile, l'apogée de son salon, avant que Julie ne fonde en 1764 son propre cercle, avec l'aide de d'Alembert et de Turgot. La tonalité aristocratique et de plus en plus anti-encyclopédique du salon s'accentue, tandis que la marquise épanche dans ses lettres son noir désenchantement à l'égard des idées et des hommes, cibles d'une ironie féroce. Mais son abondante correspondance (qui sera publiée en 1809) n'est pas seulement l'exutoire de la discipline mondaine : la contrainte douloureuse du masque s'y retrouve également, au cœur même de la passion. Dure et blasée, au fond indifférente à tout - le siècle et elle-même appellent cela « l'ennui » -, Mme du Deffand doit maquiller en amitié sa passion pour le flegmatique Horace Walpole (1717-1797), auquel elle légua ses lettres.

Elle savait la valeur de ces lettres : à la fois, miroir cruel des salonniers et remède contre l'ennui - mal qui, en rongeant son existence, donne un peu de chaleur noire à cette aristocrate brillante, attachée à Voltaire et à d'Alembert, hostile à l'Encyclopédie et à Rousseau.

Defferre (loi-cadre),

loi votée le 23 juin 1956 et entrée en application en février 1957, qui permet l'accession à l'autonomie des territoires d'outre-mer et leur marche pacifique et rapide vers l'indépendance. Elle est reconnue comme l'un des succès de la IVe République.

À partir de 1955, après la conférence des pays non alignés à Bandoung et l'annonce de l'indépendance de la Gold Coast et du Nigeria britanniques, le statu quo semble difficile à conserver en Afrique noire française. Le Rassemblement démocratique africain (RDA), puissant parti animé par Houphouët-Boigny et allié à la SFIO, pousse en effet à des réformes profondes. Il revient à Gaston Defferre, qui connaît bien l'Afrique, et alors ministre de la France d'outre-mer dans le gouvernement Mollet, de proposer ces réformes. Les assemblées territoriales d'Afrique-Occidentale et d'Afrique-Équatoriale françaises et de Madagascar sont désormais élues au suffrage universel avec collège unique, ce qui ôte toute influence politique aux Français locaux, du reste peu nombreux. Elles disposent de compétences considérablement élargies et élisent un « conseil de gouvernement » responsable devant elles, présidé par le représentant de la République française, mais dont le vice-président, africain, est élu. Si ces institutions, prévues pour durer, ne fonctionnèrent qu'un an et demi comme telles, elles permirent aux peuples africains d'expérimenter une véritable autonomie, avant d'accéder à l'indépendance complète.

Delcassé (Théophile),

homme politique (Pamiers, Ariège, 1852 - Nice 1923).

D'abord journaliste, Delcassé gravite dans l'entourage de Gambetta, puis se joint aux radicaux. En 1889, il est élu député de Foix et siège avec les modérés du Parti radical. En janvier 1893, sa carrière politique prend un tour nouveau : il est nommé sous-secrétaire d'État, puis ministre des Colonies, poste qu'il occupe jusqu'en janvier 1895. Il incarne alors, avec d'autres (Poincaré, Barthou), une nouvelle génération d'hommes politiques qui prend la relève aux affaires d'un personnel laminé par le scandale de Panamá. Il est le type même du républicain ministériel. Son action s'inscrit dans un contexte favorable à l'expansion outre-mer, qui n'est plus jugée inconciliable avec l'espoir de reconquérir sur l'Allemagne les provinces perdues. Cette politique se traduit par la constitution de l'Afrique-Occidentale française et l'expédition de reconquête à Madagascar.

En 1898, Delcassé est nommé ministre des Affaires étrangères, poste qu'il occupera pendant sept ans. Il mène alors seul - ou presque - la politique extérieure de la France, bénéficiant de la confiance quasi aveugle des présidents du Conseil successifs, de l'indifférence de la Chambre comme de la nation, plongées dans des luttes intestines (affaire Dreyfus, combisme), mais aussi du soutien d'un excellent réseau d'ambassadeurs, tels les frères Cambon. Parvenu aux affaires dans une phase de relative détente avec l'Allemagne et de conflit latent avec l'Angleterre, adversaire outre-mer, Delcassé va modifier profondément les orientations diplomatiques de la France. Hostile aux Empires centraux, il cherche à les isoler par un jeu d'alliances. Il resserre - imprudemment - les liens avec l'Empire russe (1899) et négocie un accord secret avec l'Italie (1900), qu'il espère éloigner de l'Allemagne. Surtout, après avoir mis un terme définitif à l'affaire de Fachoda, il répond au souhait d'Édouard VII de ressusciter l'Entente cordiale et signe, en avril 1904, un accord qui reconnaît l'influence anglaise en Égypte et le protectorat français au Maroc. Cette politique entraîne toutefois un risque de conflit : lorsqu'en 1905 Guillaume II intervient brutalement au Maroc pour contrer les ambitions de la France, Delcassé cherche l'affrontement. Mais le président du Conseil Maurice Rouvier désavoue son ministre, qui doit démissionner.