Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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La Fayette (Marie Joseph Paul Roch Yves Gilbert du Motier, marquis de), (suite)

L'« insurgent » monarchiste.

• Issu d'une famille d'ancienne noblesse d'Auvergne alliée aux plus grands noms du royaume, La Fayette ne se satisfait guère d'une morne carrière militaire ou des honneurs de la cour. En 1777, en quête de gloire, il s'embarque pour l'Amérique afin de combattre aux côtés des Insurgents. Il a alors 20 ans, et sa fougue, ce qu'il représente - l'aide potentielle française - comme l'amitié de George Washington lui valent d'emblée le grade de major général de l'armée américaine. Revenu en France en 1779, il négocie l'intervention officielle française, avant de regagner l'Amérique (avril 1780) avec 4 000 hommes, et de participer activement à la victoire décisive de Yorktown (19 octobre 1781).

À son retour, il est fêté comme un héros et devient la coqueluche de Paris comme des multiples capitales qu'il visite. Incarnant alors le réformisme de la noblesse libérale, le fringant général est de tous les salons politiques mais aussi de toutes les modes. Franc-maçon (1782), « citoyen » américain (1784), membre de la Société des amis des Noirs (1788), il milite en faveur des droits civiques et est assurément l'une des personnalités les plus en vue du parti national, menant une active campagne pour la réunion des états généraux de 1789.

Héros et proscrit.

• Élu député de la noblesse d'Auvergne en mars 1789, il ne brille guère à l'Assemblée constituante, où il est toutefois le premier à proposer une « Déclaration des droits de l'homme » inspirée par l'Américain Jefferson. Le 15 juillet 1789, il est nommé par acclamation commandant général de la puissante Garde nationale parisienne. Cependant, confronté à l'agitation parisienne permanente, le populaire et modéré général, qui rêve d'être le sabre de la Révolution et joue sa carte personnelle, est bientôt pris dans l'étau des extrêmes et s'isole, dénoncé par la cour comme par les démocrates, qui l'accusent de césarisme. S'il est à l'apogée de sa popularité lors de la fête de la Fédération de 1790, son étoile décline lors de l'affaire des suisses de Château-vieux (31 août 1790) puis s'éteint lorsque la Garde nationale, qu'il commande, tire sur la foule rassemblée au Champs-de-Mars (17 juillet 1791). Feuillant dès l'origine, La Fayette, allié au triumvirat, n'a alors qu'un credo : la Constitution de 1791. Après avoir quitté la Garde nationale (octobre 1791), il est nommé comman-dant de l'armée du Centre, puis de l'armée du Nord au printemps 1792. Le 16 juin 1792, il proteste violemment contre les jacobins, puis, refusant de cautionner la journée du 20 juin, il quitte sans autorisation son armée et se rend à Paris le 28 pour tenter un coup de force, lequel échoue. Après la chute de la monarchie, il est décrété d'accusation par l'Assemblée (19 août), et doit s'enfuir, faute d'avoir su entraîner sa troupe contre Paris pour rétablir le roi. Arrêté en septembre 1792 par les Prussiens, qui le livrent aux Autrichiens, il est emprisonné à Olmütz (Moravie) jusqu'à sa libération, en septembre 1797, mais ne rentre en France qu'en 1800, après avoir été rayé de la liste des émigrés.

Le personnage de légende.

• Cependant, hostile au régime de Napoléon Bonaparte, il vit dans la retraite jusqu'en mai 1815, date à laquelle il est élu député de la Chambre des Cent-Jours, où il œuvre à l'abdication de l'Empereur. Sous la Restauration, symbole de 1789, plusieurs fois député, il est l'un des chefs de l'opposition libérale et participe aux complots de la Charbonnerie en 1821 et 1822. Sa légende est intacte sous les Trois Glorieuses : il est acclamé commandant de la Garde nationale par les combattants (29 juillet 1830) puis ouvre la voie à Louis-Philippe, qu'il accueille à l'Hôtel de Ville de Paris. Bientôt déçu par le nouveau régime, qui se méfie de lui, il démissionne de la Garde nationale en décembre 1830 et évolue vers le républicanisme. Survenant peu après le massacre de la rue Transnonain, sa mort n'est toutefois pas exploitée par les républicains.

Laffemas (Barthélemy de),

économiste et administrateur (Beausemblant, Dauphiné, 1545- Paris vers 1612).

Issu de la petite noblesse protestante, il appartient à l'entourage d'Henri de Navarre, futur Henri IV, dont il est le « tailleur », puis le « valet de chambre » dans les années 1560. Il exerce un temps le commerce des étoffes à Paris, et se fait remarquer aux états de Rouen en 1596, où il propose un plan de développement des manufactures. Il est ainsi le premier, au lendemain des désastres des guerres de Religion, à formuler un programme mercantiliste, préconisant la protection de l'industrie nationale et l'exportation de produits manufacturés afin de procu-rer à l'État le plus de ressources possi-bles. Sur ses instances pressantes, Henri IV crée en 1601 une commission du Commerce, et octroie à Laffemas la charge éphémère de « contrôleur général du Commerce et des Manufactures », charge où il se consacre surtout au dévelop-pement de la sériciculture et de la soierie. Il inspire également le projet avorté d'une Compagnie française des Indes orientales en 1604. Mais ses moyens d'action sont limités, car la politique menée par Sully découle d'autres impératifs : le redressement financier et agricole a la priorité sur l'effort consacré à l'essor des manufactures. De fait, la commission du Commerce semble vite tomber en sommeil. Mais les nombreux pamphlets et écrits théoriques de Laffemas inspireront Montchrestien et son Traité de l'économie politique de 1615, ainsi que l'action économique de Richelieu, puis de Colbert.

Laffitte (Jacques),

banquier et homme politique (Bayonne 1767 - Paris 1844).

Fils d'un charpentier de Bayonne, il est propulsé dans la haute banque parisienne à l'âge de 21 ans, lorsqu'il est engagé par le banquier Perrégaux, qui le prend comme associé en 1795, et à qui il succède en 1808 à la tête de la maison Perrégaux Laffitte and Cie. Avec Casimir Perier, Laffitte est l'une des grandes figures des élites parisiennes, associant fortune politique et financière. Menant un train de vie fastueux, il aime à se parer du titre de « roi des banquiers et banquier des rois ». C'est en effet un banquier ambitieux, imaginatif, un brasseur d'affaires omniprésent qui contribue puissamment à l'activité économique des débuts de la révolution industrielle. Il est actionnaire et banquier des Messageries générales de France, d'une compagnie d'éclairage au gaz, de compagnies minières, d'assurances, du Journal du commerce, et il entreprend même, sans doute trop tôt, de lancer une grande banque d'affaires au capital de cent millions de francs.