Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Religion (guerres de). (suite)

La radicalisation des deuxième et troisième guerres.

• Un événement extérieur à la France (la répression espagnole aux Pays-Bas) contribue au déclenchement de la deuxième guerre civile ; dans ce contexte, le prince de Condé, par la « surprise de Meaux » (28 septembre 1567), tente de s'emparer de la personne royale, justifiant son action au nom du bien public et de la défense de l'État. Il subit un échec militaire lors de la bataille de Saint-Denis (10 novembre) et négocie la paix de Longjumeau (23 mars 1568). Charles IX et sa mère sont alors convaincus que les chefs militaires huguenots constituent un obstacle à la pérennité de la paix civile, et tentent pour cette raison de les capturer (29 juillet 1568) : l'entreprise échoue.

Débute la troisième guerre de Religion, qui voit une radicalisation : engagement royal dans une l'éradication du calvinisme, textes huguenots évoquant le droit de résistance au Prince qui empêche son peuple de vivre dans la vraie foi, politiques de violence systématique de part et d'autre. Les opérations tournent d'abord au détriment des armées protestantes : défaites à Jarnac, où le prince de Condé est exécuté (13 mars 1569), et à Moncontour (3 octobre). Coligny redresse la situation, au terme d'une marche qui le conduit d'abord en Languedoc, dans la vallée du Rhône, et lui permet ensuite de menacer l'Île-de-France (bataille d'Arnay-le-Duc). Le pouvoir monarchique, face à l'impossibilité d'une solution militaire, renoue avec sa philosophie de la concorde : le 8 août 1570, il promulgue l'édit de Saint-Germain, qui concède aux religionnaires la liberté de conscience et l'exercice du culte là où il était pratiqué avant la guerre, ainsi que quatre villes de sûreté pour une durée de deux ans.

À la recherche de l'« âge d'or »...

• Cette paix ne s'impose que difficilement : les chefs huguenots se tiennent éloignés de la cour jusqu'en septembre 1571, dans une attitude de méfiance. Quant aux catholiques « exclusivistes », leur mécontentement reflète leur angoisse car les prédicateurs, depuis plusieurs décennies, les ont persuadés que les calvinistes sont les faux prophètes de l'Apocalypse.

La paix n'est dès lors qu'illusion, et un châtiment imminent est annoncé. Dieu déclenchera sa fureur contre le Prince qui aura édicté une loi contre la Loi. Accepter de vivre dans la division religieuse, c'est entrer dans un temps de malédiction : « C'est une torche qui allumera un feu si grand qu'il consumera tout le royaume de France : voire, qui sera pour consumer tout le monde. » S'ajoute une revendication des Guises, qui demandent justice contre Coligny, accusé d'avoir fomenté l'assassinat du duc François, en 1563.

Malgré ces tensions, qui maintiennent un état de guerre dans les esprits en dépit de la cessation des hostilités, Charles IX et sa mère réussissent à remettre en confiance la noblesse calviniste en paraissant favorables à une intervention française aux Pays-Bas. En avril 1572, ils signent le contrat de mariage de Marguerite de Valois et d'Henri de Navarre. La cérémonie, retardée par la mort de Jeanne d'Albret, a lieu le 18 août 1572, dans une capitale où sont venus nombre de gentilshommes protestants. Pour Charles IX, elle conditionne l'entrée dans un « âge d'or » de réconciliation de ses sujets.

La coupure du massacre de la Saint-Barthélemy.

• Mais, à la suite de l'attentat contre l'amiral de Coligny (22 août), a lieu le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août). Probablement décidé par le roi - à moins que l'initiative en revienne à de grands seigneurs catholiques -, il devait viser à l'origine un nombre restreint de capitaines protestants. Mais le massacre est sanglant, parce que la milice parisienne et des éléments du prolétariat urbain entament jusqu'au 28 août une action d'éradication des réformés. La province est également touchée.

Les conséquences sont capitales : en France du Nord, les Églises sont affaiblies par un mouvement d'abjurations ou d'exils. La Réforme devient un fait principalement méridional : dans le Midi, la résistance est structurée par une confédération qui s'approprie, par des assemblées politiques, la souveraineté « par provision » (décembre 1573). Sont publiés des traités « monarchomaques » qui justifient la résistance au tyran au nom de la souveraineté du peuple. Et la guerre reprend, marquée par l'échec, devant La Rochelle, de l'armée royale : elle dure jusqu'à la publication de l'édit de Boulogne, qui accorde la liberté de conscience et, de manière limitative, celle de culte (11 juillet 1573).

Catholiques ligueurs contre catholiques modérés alliés aux protestants

L'histoire des guerres de Religion subit une inflexion capitale après la mort de Charles IX : l'avènement de son frère Henri III voit d'abord les catholiques modérés du Languedoc, derrière le maréchal de Damville, conclure une alliance avec les protestants.

Le front des « malcontents ».

• La fuite du duc d'Alençon de la cour, où il était quasiment retenu prisonnier, permet la constitution d'un front de « malcontents » : c'est un nouveau programme qui justifie l'engagement militaire, codifié dans une remontrance demandant le libre exercice de la religion réformée, sans restriction de lieu, de temps ou de personnes. Grâce au soutien d'une armée de 20 000 mercenaires allemands commandés par Jean Casimir, fils de l'Électeur palatin, les adversaires d'Henri III obtiennent une manière de capitulation : la paix de Monsieur, avec la promulgation de l'édit de Beaulieu (6 mai 1576), consacre la réhabilitation des victimes de 1572, autorise l'exercice du culte protestant partout dans le royaume, sauf à Paris et dans les résidences royales, concède aux protestants huit places de sûreté et l'institution de chambres mi-parties dans chaque parlement.

La première Ligue et la paix retrouvée.

• La réaction catholique prend immédiatement forme avec la constitution de la première Ligue : est rédigé, à l'initiative du gouverneur de Péronne, un manifeste nobiliaire dont les articles définissent un programme d'exclusivisme catholique, de restitution des droits et privilèges des provinces et villes, de contrôle des états généraux sur la monarchie. Aux états généraux, réunis à Blois (novembre 1576), le roi prend parti pour le rétablissement de l'« unité de foi ». S'ensuit une sixième guerre. Henri III bénéficie alors du ralliement de Damville, et surtout de son propre frère, le duc d'Alençon - devenu duc d'Anjou -, à qui le commandement de l'armée royale est confié. Malgré le succès de la prise de La Charité (1er mai 1577), et en raison de difficultés financières, il doit signer la paix de Bergerac (17 septembre 1577), confirmée par l'édit de Poitiers, qui restreint les avantages accordés par la paix de Beaulieu. Quelque peu modifié par la suite (traité de Nérac, 28 février 1579 ; paix de Fleix, qui met fin à la septième guerre, 26 novembre 1580), ce texte régit la vie du royaume. Puis, dans ce contexte de stabilisation relative, intervient la mort du duc d'Anjou (10 juin 1584) : le plus proche héritier du trône en ligne directe est désormais Henri de Navarre, qui, depuis 1581, a été élevé à la dignité de « protecteur » de tous les protestants du royaume.