Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

saints (culte des), (suite)

Vers la définition d'une nouvelle sainteté.

• Au XXe siècle, le nombre de canonisations augmente fortement (106 en quatre-vingt-cinq ans), contribuant à rajeunir le panaroma de la sainteté (45 canonisations et béatifications de personnes décédées depuis 1900) et à élargir sa « géographie » à tous les continents. Cette série de canonisations s'inscrit dans les perspectives antérieures, avec une orientation renouvelée : mise en exergue du modèle des prêtres représenté par le curé d'Ars, canonisé en 1925. L'exaltation du modèle des martyrs, avec la béatification d'un grand nombre de martyrs de la Révolution, mais aussi du modèle de la sainteté humble, fruit de l'expérience intérieure et de l'amour du Christ, participe de cette nouvelle orientation, dont témoignent la canonisation de Thérèse de Lisieux en 1925, celle de Bernadette Soubirous en 1933, ou celle de Marguerite-Marie Alacoque en 1920. La canonisation de Frédéric Ozanam (1813-1853), à l'occasion des Journées mondiales de la jeunesse de 1997, illustre la volonté papale de proposer aux jeunes un modèle d'action sociale conforme à la nouvelle idéologie humanitaire et évangélique prônée par l'Église.

Saisset (Bernard),

évêque de Pamiers, en Languedoc (1232 environ - 1311).

Saisset est à l'origine d'une grave crise politique entre le roi Philippe IV le Bel et le pape Boniface VIII. Issu de la noblesse méridionale et abbé de Saint-Antonin de Pamiers, il s'oppose aux officiers royaux au sujet de la seigneurie de la ville de Pamiers. Proche du pape Boniface VIII, il obtient de ce dernier l'érection de l'abbaye en évêché et devient le premier évêque de Pamiers en 1295. Il accentue alors son opposition à l'administration royale et va jusqu'à comploter contre le roi en proposant au comte de Foix de s'emparer de la souveraineté sur le Languedoc, intégré depuis peu au domaine royal. Averti, le roi fait arrêter l'évêque et le fait conduire, en octobre 1301, à Senlis, où il organise solennellement sa mise en accusation pour hérésie, haute trahison et lèse-majesté, en dépit de l'embarras de plusieurs grands ecclésiastiques, dont l'archevêque de Reims. Lorsqu'en décembre 1301, par la bulle Ausculta fili, Boniface VIII proteste contre ce qu'il considère comme un empiétement royal sur la juridiction ecclésiastique et convoque à Rome l'ensemble des évêques français, l'affaire prend de l'ampleur. Elle débouche sur une véritable confrontation entre la papauté et la royauté capétienne et, au-delà, sur l'opposition irréductible entre deux conceptions du pouvoir, la théocratie pontificale et la monarchie sacrée. Soucieux de ne pas laisser l'affaire se prolonger, Philippe le Bel finit par exiler l'évêque hors du royaume. Bernard Saisset meurt à Rome, à la cour pontificale, en 1311. L'affaire Saisset s'inscrit ainsi dans le cadre du renforcement du pouvoir royal au XIVe siècle.

Salan (Raoul),

général (Roquecourbe, Tarn, 1899 - Paris 1984).

Cet ancien élève de Saint-Cyr réalise l'essentiel de sa carrière dans l'armée coloniale, principalement en Extrême-Orient, à partir des années vingt. Il succède au général de Lattre à la tête des troupes françaises d'Indochine. Inspecteur général de la défense du territoire en 1954, « le Mandarin » - son surnom d'alors - doit à sa réputation républicaine d'être nommé, en novembre 1956, commandant en chef en Algérie. Il dispose de pouvoirs considérables. D'abord mal accueilli par les plus actifs des partisans de l'Algérie française, qui l'accusent de vouloir brader le pays, il est victime, le 16 janvier 1957, d'un attentat au bazooka commandité, semble-t-il, par des extrémistes gaullistes. Le 13 mai 1958, hésitant, il laisse Massu occuper le devant de la scène, mais son ralliement public à de Gaulle, le 15, facilite le règlement de la crise. Ses réticences à se soumettre aux volontés du nouveau gouvernement lui valent une mutation en métropole, où il exerce les fonctions d'inspecteur général de la défense puis de gouverneur militaire de Paris. Il prend sa retraite en 1960. Installé en Espagne, il s'engage de façon déterminée pour l'Algérie française. Au moment du putsch des généraux d'avril 1961, il rejoint Alger sans avoir été sollicité. Mais sa présence est bien accueillie et, après l'échec du putsch, il entre dans la clandestinité et devient le chef de l'OAS, cherchant d'abord à présenter l'organisation sous un jour acceptable puis l'entraînant sur la voie du terrorisme. Arrêté à Alger le 20 avril 1962, il est traduit devant la Haute Cour de justice, qui le condamne à la détention criminelle à perpétuité. Il est libéré en 1968, puis bénéficie de la loi d'amnistie en 1982.

Salengro (Roger),

homme politique (Lille 1890 - id. 1936).

Issu d'un milieu de classes moyennes, Roger Salengro milite à partir de 1909 dans la fédération du Nord de la SFIO, alors profondément marquée par l'influence de Jules Guesde. Hostile à la « loi des trois ans », inscrit sur le « carnet B » (répertoire des éléments suspectés d'antimilitarisme et susceptibles d'être emprisonnés en cas de guerre), Salengro, qui pourtant ne refuse pas le principe de la défense nationale, est incarcéré en août 1914, avant d'être incorporé et de participer à la bataille de Champagne. Le 7 octobre 1915, il tente, après un assaut meurtrier, de ramener le cadavre d'un ami mort au combat. Parti seul, il est fait prisonnier. Après une dure captivité, au cours de laquelle il est condamné par un conseil de guerre allemand pour avoir incité ses camarades à refuser d'exécuter des travaux non conformes à la convention de Genève, il est compris dans un échange de prisonniers et peut regagner la France.

Au lendemain de la guerre, il réalise une rapide ascension au sein de la section lilloise et des structures nationales de la SFIO. Parallèlement, il est élu maire de Lille en 1925, puis député du Nord en 1928. Devenu ministre de l'Intérieur du gouvernement Blum en juin 1936, il joue un rôle décisif dans la conclusion des accords Matignon et signe le décret de dissolution des ligues factieuses. La droite nationaliste ne le lui pardonne pas : une campagne de presse est engagée contre lui dès l'été 1936, orchestrée par une feuille à très gros tirage, Gringoire. On l'accuse d'avoir déserté et d'être passé à l'ennemi le 7 octobre 1915. Malgré une conclusion rendue en sa faveur par une commission d'anciens combattants, et malgré un vote de la Chambre qui repousse les accusations dont il est l'objet, le ministre, nerveusement épuisé, se donne la mort le 18 novembre 1936.