Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Bastille, (suite)

Parmi les causes d'embastillement, la politique, la religion et les crimes économiques contre le roi (faux en écritures ou malversations) prédominent ; mais, depuis que le lieutenant général de police (charge créée en 1667) a le droit d'embastiller sur ordre du roi, l'essentiel des prisonniers est composé de militaires indisciplinés, duellistes, espions, maris libertins ou fils rebelles (enfermés à la demande des familles), sacrilèges, faux prophètes, sodomites, libellistes, libraires, imprimeurs, colporteurs, auteurs de complots et petits délinquants. Le trait le plus caractéristique demeure la volonté de contrôler l'opinion publique, volonté qui se traduit par l'embastillement en nombre croissant d'auteurs - et de leurs complices - de paroles ou d'écrits jugés subversifs.

Le nombre de prisonniers varie ; il augmente à l'époque de la prise effective du pouvoir par Louis XIV ou à l'occasion d'événements importants, tels la révocation de l'édit de Nantes, la condamnation du jansénisme (l'adhésion aux thèses jansénistes est le premier motif d'embastillement sous Louis XV), l'attentat de Damiens, la guerre des Farines, ou l'affaire du Collier de la reine, qui suscite tant d'écrits insultants contre Marie-Antoinette. Les nobles, qui représentent un tiers des embastillés sous le règne de Louis XIV, n'en forment plus qu'un sixième sous celui de Louis XV, qui marque ainsi une rupture par une sorte de banalisation sociale mais aussi par le recours de plus en plus fréquent à la Bastille. Dès lors, et jusqu'en 1789, les membres du tiers état constituent les trois quarts des embastillés. La Bastille connaît un relatif déclin sous Louis XVI, qui use deux fois moins de ce moyen de répression que ses prédécesseurs. Les conditions de détention dans cette forteresse (dirigée par un gouverneur) sont bien plus douces que dans les prisons ordinaires, surpeuplées et affermées aux geôliers qui se paient sur leurs prisonniers.

Moyen d'écarter les mauvais sujets de la société en étouffant le scandale, l'embastillement évite aux détenus, dont l'entretien est payé par le roi, le déshonneur d'un procès ainsi que les peines infamantes et corporelles. Entourée d'un secret impénétrable, propice aux rumeurs les plus folles, et située à la jonction du populeux faubourg Saint-Antoine et du Marais aristocratique, la Bastille, qui menace nombre de Parisiens, terrorise et fascine tout à la fois. Au XVIIIe siècle, sous l'influence des Lumières et de l'anti-absolutisme, elle devient un symbole de l'arbitraire royal, violemment dénoncé à partir de 1770.

La prise de la Bastille.

• La peur est à l'origine de la révolte de l'été 1789 : les troupes rassemblées par Louis XVI autour de la capitale, sans doute pour dissoudre la toute récente Assemblée nationale, le renvoi du populaire Necker, mais aussi l'extrême cherté du pain, aliment de base, tout concourt à l'idée d'un complot aristocratique contre le peuple. Au matin du 14 juillet, après deux jours de désordres et de pillages, la foule, en quête d'armes pour se défendre contre la troupe, s'empare aux Invalides de 32 000 fusils, puis se dirige vers la Bastille dans l'espoir d'y trouver poudre et munitions. Cependant, le gouverneur Launay refuse de livrer la forteresse défendue par un peu plus de 100 soldats, qui finissent par ouvrir le feu : la fusillade fait une centaine de morts parmi les assaillants. Mais Launay capitule lorsque des gardes-françaises, venus en renfort, pointent leurs canons sur les portes. Six défenseurs sont tués ; Launay et le prévôt des marchands, Flesselles, décapités, leurs têtes, exhibées sous les fenêtres du Palais-Royal. La Bastille ne recèle pas d'armes et n'y sont enfermés que sept prisonniers, qui sont délivrés par les Parisiens. Pourtant, l'assaut, qui a raison de Louis XVI (il fait retirer les troupes, rappelle Necker et arbore la cocarde tricolore) et marque l'irruption du peuple en armes sur la scène politique, devient d'emblée le symbole de la liberté conquise. Il trouve un formidable écho dans tout le pays, dont certaines régions vont être traversées par le mouvement de la Grande Peur.

La permanence d'un symbole.

• Décidée dès le 15 juillet 1789, la démolition de la « citadelle du despotisme » est aussitôt commencée par l'entrepreneur Palloy, qui a l'idée de tailler dans les blocs de pierre des maquettes de la Bastille qui sont envoyées dans toute la France. Ornant les sièges des clubs et des sociétés populaires, elles sont bientôt portées en procession lors des fêtes révolutionnaires. Le 14 Juillet est commémoré tout au long de la Révolution jusqu'au Premier Empire. Dès 1790, la fête de la Fédération célèbre à la fois cette journée révolutionnaire et l'unité des Français. À cette occasion, un diplôme de « vainqueur de la Bastille » est attribué par décret à 662 assaillants, dont 400 survivants seront encore pensionnés par la monarchie de Juillet. En 1812, la place de la Bastille est ornée de la maquette d'une fontaine en forme d'éléphant, avant-projet d'un immense monument qui ne verra jamais le jour. Puis la colonne de Juillet, surmontée du génie de la Liberté, y est inaugurée en 1840 en mémoire des combattants de la révolution de 1830. Malgré la volonté des régimes successifs de neutraliser la charge symbolique de la prise de la Bastille, la place demeure au XIXe siècle un haut lieu révolutionnaire : la République y est fêtée en 1848 et les gardes nationaux de la Commune y prêtent serment en 1871.

bâtard.

À partir du XIIe siècle, quand l'Église précise la législation sur le mariage, s'affirment des discriminations légales et honorifiques entre enfants légitimes et illégitimes.

Le bâtard d'un noble hérite, certes, de la condition de son père, dont il porte les armoiries avec une barre transversale, mais il ne peut entrer dans les ordres, ni hériter de ses parents si ceux-ci meurent intestats. Le bâtard est exclu de la succession aux fiefs, et il est indigne d'être fait chevalier. Dans la réalité, ces dispositions sont détournées, et l'opinion reste tolérante. Le fils naturel de Louis d'Orléans est connu de tous sous le nom de « Bâtard d'Orléans », et Charles VII le fait comte de Dunois.