Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Saint-Clair-sur-Epte (traité de),

nom donné à un accord conclu entre le chef viking Rollon et le roi Charles III le Simple, en 911, et qui est à l'origine de la formation de la Normandie.

À la suite de sa défaite face aux armées franques devant Chartres, Rollon est conduit à négocier avec le roi. Les deux hommes se seraient rencontrés à Saint-Clair-sur-Epte et seraient parvenus à un accord, sans qu'il soit vraiment possible de parler de traité. Sur les conseils des archevêques Gui de Rouen et Hervé de Reims, et avec le consentement du marquis de Neustrie Robert, le roi Charles concède à Rollon et à ses guerriers le droit de s'installer définitivement dans la basse vallée de la Seine, entre l'Epte, l'Eure, la Dive et la mer, autour des cités de Rouen, Lisieux et Évreux. En contrepartie, Rollon accepte de se convertir au christianisme, de devenir le fidèle du roi et d'assurer la défense de la vallée de la Seine contre toute attaque viking. Rollon reçoit alors le titre de comte des Normands et, en 912, il est baptisé, avec ses guerriers, par l'archevêque de Rouen.

Contrairement aux allégations d'une tradition tenace, le « traité » de Saint-Clair-sur-Epte est loin d'être défavorable au roi. Il lui permet tout d'abord de gagner des populations païennes à la foi chrétienne et d'apparaître ainsi comme le continuateur des grands souverains carolingiens engagés dans l'extension de la chrétienté en Germanie. Il garantit en outre la sécurité du royaume : à partir de 912, la France du Nord est effectivement préservée des attaques vikings. Enfin, il permet au roi d'accroître son réseau de fidélité au sein de la haute aristocratie. Plus durablement, l'accord de Saint-Clair-sur-Epte marque la naissance d'une nouvelle principauté territoriale, bientôt appelée « Normandie », du nom de ces guerriers venus du Nord, qui continuent à s'y installer tout au long du Xe siècle et qui finissent par se mêler aux populations gallo-romaines et franques. C'est ce dont témoignent, au XIe siècle, Dudon de Saint-Quentin dans son Histoire des ducs de Normandie et, au XIIe siècle, le poète normand Wace dans son Roman de Rou, c'est-à-dire de Rollon.

Saint-Cyr (École spéciale militaire de),

école de formation des officiers de l'armée de terre.

Créée le 28 janvier 1803 par Bonaparte, elle est installée initialement à Fontainebleau, puis transférée en 1808 à Saint-Cyr, près de Versailles, dans les anciens locaux de la Maison royale de Saint-Louis (fondée par Mme de Maintenon en 1686). Les nouveaux élèves ont entre 16 et 18 ans et reçoivent durant deux ans une formation générale et une instruction militaire. Toutefois, durant l'Empire, en raison des besoins importants de l'armée, ils quittent souvent l'école avant l'achèvement de leur préparation. Il s'agit alors essentiellement de jeunes gens issus de l'ancienne ou de la nouvelle noblesse, qui entrent ensuite dans un corps de cavalerie ou d'état-major. Dès la Restauration, l'école, réorganisée par Gouvion-Saint-Cyr, n'est accessible que par un concours qui exige un bon niveau de culture générale et auquel prépare le collège de La Flèche (Sarthe). De plus, le diplôme de bachelier ès sciences est exigé pour l'inscription au concours à partir de 1853. La préparation de Saint-Cyr implique donc un investissement financier qui ne peut être le fait que des catégories sociales aisées aptes à assumer une scolarité qui coûte 1 000 francs par an. Or, la vocation militaire n'est pas forte dans ces milieux, du moins jusqu'en 1850 ; aussi, la proportion de fils d'officiers est-elle élevée parmi les élèves, d'autant que des bourses sont attribuées aux plus nécessiteux d'entre eux : sous le Second Empire, 45 % des élèves de Saint-Cyr sont boursiers. Par ailleurs, nombre des fils de la noblesse impériale figurent dans les promotions successives. À l'issue des deux années d'école, les saint-cyriens rejoignent un régiment de cavalerie ou d'infanterie, à moins qu'ils ne fassent partie des vingt premiers, qui sont admis à l'École d'application du corps d'état-major. Réfugiée à Aix-en-Provence en 1940, l'école s'installe à Guéret en 1943 ; solidaires de l'armée d'Afrique, la plupart de ses élèves rejoignent le maquis en juin 1944. Établie à Coëtquidan (Morbihan) depuis 1946, l'École spéciale militaire de Saint-Cyr forme aujourd'hui encore une partie des officiers de l'armée.

Saint-Cyr (Maison royale de Saint-Louis, à),

institution d'éducation des jeunes filles pauvres de la noblesse, créée par Louis XIV en 1686 et supprimée par décret de la Convention le 16 mars 1793.

L'initiative de cette fondation royale revient à Mme de Maintenon, obsédée par le souvenir de son enfance négligée et désireuse de se ménager une retraite à l'écart de la cour ; le roi lui-même n'est pas insensible au sort de familles nobles que le manque de fortune empêche de tenir leur rang et de servir l'État. Dès 1684, les premières pensionnaires s'installent à Noisy, avant que Mansart construise à Saint-Cyr un vaste édifice, inauguré en août 1686. Encadrées par trente-six dames professes et vingt-quatre sœurs converses et réparties en quatre classes - rouge de 7 à 11 ans, verte de 11 à 14 ans, jaune de 14 à 17 ans, et bleue de 17 à 20 ans -, deux cent cinquante demoiselles y reçoivent une solide instruction religieuse, que complètent, dès la classe verte, des éléments d'histoire et de géographie, puis, à partir de la classe jaune, des leçons de dessin, de musique et de danse ; les travaux d'aiguille et les taches ménagères participent aussi de la formation de jeunes filles appelées, soit comme dames, soit comme mères de famille, à perpétuer cette éducation d'ordre. Après les remous provoqués en 1689 par le succès des représentations d'Esther devant la cour - pièce composée par Racine pour les protégées de Mme de Maintenon -, puis par la crise du quiétisme (1694), la maison de Saint-Cyr se fige dans un formalisme rigide, qui lui fait traverser le siècle des Lumières sans rien renier de l'esprit de ses fondateurs.

Saint-Cyran (Jean Duvergier de Hauranne, abbé de),

théologien janséniste (Bayonne 1581 - Paris 1643).

D'une famille de bonne bourgeoisie, tonsuré dès 1591, il étudie la théologie à Louvain, mais c'est à Paris, en 1609, qu'il rencontre Jansénius et devient son ami. Pendant cinq ans, ils travaillent ensemble, puis restent en correspondance, établissant en commun le plan de l'œuvre fondatrice du jansénisme, l'Augustinus. Celui qui est depuis 1620 abbé de Saint-Cyran en Brenne passe, selon Richelieu, pour « le plus savant homme de l'Europe », lié à Bérulle, à Vincent de Paul et à l'élite dévote. Il défend l'autorité des évêques contre les jésuites. Angélique Arnauld en fait le directeur spirituel de Port-Royal. Méfiant envers le mysticisme, Saint-Cyran prône une voie humble, empreinte de piété mariale, où la prière brève mais répétée place l'homme devant un Créateur incommensurable : « Il suffit que nous nous mettions humblement devant Dieu et que nous nous estimions trop heureux qu'Il nous regarde. » Depuis la mort de Bérulle, il fait figure de maître du parti dévot, hostile aux alliances de Richelieu avec les protestants allemands. Son intransigeance irrite le ministre, inquiet du retrait hors du monde que conseille Saint-Cyran aux élites laïques. Arrêté le 14 mai 1638, enfermé à Vincennes mais continuant à diriger ses pénitents, celui que Richelieu juge désormais « plus dangereux que six armées » n'est libéré que le 6 février 1643, après la mort du Cardinal, et meurt le 10 octobre.