germinal an III (journées des 12 et 13),
émeutes parisiennes survenues les 1er et 2 avril 1795, visant à obtenir des mesures contre la disette et l'application de la Constitution de 1793.
À l'automne 1794, après la chute de Robespierre, les thermidoriens procèdent à une première vague d'épuration politique (fermeture du Club des jacobins, reprise en main des sections parisiennes...) et abandonnent le dirigisme économique, notamment le maximum (contrôle des prix). Tandis que les militants « terroristes » sont pourchassés et que les muscadins tiennent le haut du pavé, la disette et la flambée des prix ont à nouveau lieu durant l'hiver - le plus rigoureux depuis 1709 -, et font des ravages parmi les plus pauvres. Le 12 germinal, une foule tumultueuse, provenant de quartiers populaires, envahit la Convention nationale, demandant du pain, la liberté des patriotes arrêtés et l'application de la Constitution de 1793. Cette manifestation - aussi aisément dispersée que la réunion, le lendemain, d'un millier de personnes au faubourg Saint-Antoine - démontre l'extrême désorganisation du mouvement populaire, et accélère la réaction politique. La déportation sans jugement en Guyane de Barère de Vieuzac, Billaud-Varenne, Collot d'Herbois et Vadier, et l'arrestation de députés montagnards sont ainsi suivies par le désarmement des « terroristes » (décret du 10 avril ), qui sonne le début de la Terreur blanche dans tout le pays. Quant à la Constitution de 1793, elle est déclarée inapplicable par une commission nommée le 3 avril, bientôt chargée de rédiger un nouveau texte constitutionnel.
Gerson (Jean Le Charlier, dit Jean de),
universitaire, théologien et prédicateur (Gerson, Ardennes, 1363 - Lyon 1429).
Issu d'une famille modeste de Champagne, Gerson fait des études à l'école cathédrale de Reims, avant d'être envoyé comme boursier au Collège de Navarre, en 1377. Disciple de Pierre d'Ailly (1350-1420), il gravit progressivement tous les échelons de la carrière universitaire jusqu'au grade de docteur en théologie, qu'il obtient en 1393. Ses talents le conduisent à prêcher devant le roi et la cour dès 1391, et, en 1393, il devient l'aumônier du duc de Bourgogne, Philippe II le Hardi, grâce à qui il peut occuper la charge de doyen du chapitre de Bruges. En 1395, Gerson prend la succession de Pierre d'Ailly en tant que chancelier de l'Université.
Sa nouvelle fonction et sa réputation l'entraînent progressivement à jouer un rôle majeur dans les affaires de l'Église, divisée par le Grand Schisme depuis 1378, et dans celles du royaume, déchiré par la guerre civile qui oppose, à partir de 1407, les Orléans-Armagnacs aux Bourguignons. Partisan de la modération, Gerson engage les différents papes à la « voie de cession », puis devient rapidement un des promoteurs du conciliarisme. Il participe ainsi activement au concile de Constance (1414-1418), qui met fin au schisme ; il y obtient la condamnation de Jean Hus. En France, Jean Gerson obtient de l'évêque de Paris et de l'Université la condamnation de l'apologie du tyrannicide faite par Jean Petit pour justifier l'action du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, commanditaire de l'assassinat de Louis d'Orléans en 1407. Cette position lui vaut l'hostilité de la maison de Bourgogne et le conduit, après 1418, à l'exil en Bavière, puis à Lyon, où il restera jusqu'à sa mort.
Outre les questions politiques, Gerson s'est aussi beaucoup préoccupé de la pastorale. Grand prédicateur, il est l'auteur de plus d'une centaine de sermons, tant en latin qu'en français. En 1409, il obtient la cure parisienne de Saint-Jean-en-Grève, où il prêche régulièrement. Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages didactiques traitant de la confession et de la catéchèse. Enfin, sa théologie mystique, ouverte aux nouveautés de la devotio moderna, ainsi que sa proximité de pensée avec des cercles réformateurs - autour de Philippe de Mézières et de Nicolas de Clamanges - font de lui un maître spirituel dont l'œuvre connaît une grande diffusion au cours du XVe siècle, tant en France que dans les pays germaniques.
Gévaudan (bête du),
animal mythique qui fut, au XVIIIe siècle, au centre d'un fait divers devenu légendaire.
De 1764 à 1767, dans la région de Langogne, aux confins du Gévaudan et de l'Auvergne, une centaine de personnes sont victimes d'un animal mystérieux et insaisissable. D'énormes moyens sont mobilisés pour traquer la « bête », que ni la noblesse locale ni les dragons ou les louvetiers appelés en renfort ne parviennent à débusquer. L'émotion est telle que Louis XV dépêche son lieutenant des chasses, Beauterne, qui, le 21 septembre 1765, abat un loup d'une taille peu commune. Mais la « bête » continue ses ravages et, le 19 juin 1767, un second loup énorme est abattu, mettant un terme à une affaire qui, en trois ans, a fait une centaine de victimes, entraîné l'extermination de dizaines de loups et tenu le royaume en haleine. Car la presse, l'imagerie populaire et la chanson s'emparent de l'événement, propageant les rumeurs les plus folles. Sans doute, le carnage est-il à mettre au compte de plusieurs loups géants, à une époque où, à cause des guerres et de l'interdiction faite aux paysans de porter des armes, les loups prolifèrent en Europe. Mais, vu le nombre exceptionnel de victimes et l'inefficacité de la longue traque, s'accrédite dans la population l'idée d'une bête fantastique : lion, caïman, être hybride mi-fauve mi-reptile, loup garou... Le discours religieux, qui puise dans la littérature apocalyptique pour évoquer un « fléau de Dieu », favorise le transfert du réel au fantastique. Le fait divers accède alors au rang de mythe.
Ainsi, cet épisode, qui constitue l'un des temps forts de la « guerre du loup », éclaire de manière exemplaire la permanence des vieux mythes de la bête anthropophage et démoniaque inséparables de la figure du loup.
Gide (André)
écrivain (Paris 1869 - id. 1951).
Son ascendance protestante et l'éducation rigide qu'il reçoit, largement évoquées dans son autobiographie Si le grain ne meurt (1926), influencent durablement son inspiration et sa vie personnelle.
Comme tout aspirant littérateur des années 1890, il se reconnaît dans la nébuleuse symboliste de la Revue blanche, où il croise Léon Blum et Marcel Proust. Il s'inscrit dans cette mouvance avec les Nourritures terrestres (1897), ouvrage qui a un immense retentissement sur la jeunesse, et dans lequel il exalte l'ivresse des sens et la quête d'une absolue liberté. Lorsqu'en 1908-1909 il fonde avec un groupe d'amis - Jacques Copeau, Henri Ghéon et Jean Schlumberger - la Nouvelle Revue française, c'est autant pour en finir avec le décadentisme « fin de siècle », reliquat d'un symbolisme épuisé, qu'avec le naturalisme hérité de Zola. Les trois lettres NRF unies à la maison d'édition Gallimard (née en 1911) vont exercer dans le monde des lettres de l'entre-deux-guerres un magistère absolu et encore inégalé, représentant les lieux cardinaux de la légitimité artistique. André Gide, l'auteur des Faux-Monnayeurs (1926), et le pilier de la maison Gallimard, « contemporain capital » au même titre que Paul Valéry ou Paul Claudel, incarne alors le règne de la littérature et le prestige de l'homme de lettres, tout comme Jean-Paul Sartre symbolisera celui de la philosophie après 1945.