Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Portalis (Jean Étienne Marie),

avocat, conseiller d'État, ministre (Le Beausset, Var, 1745 - Paris 1807).

Né dans une famille de la bonne bourgeoisie provençale, Portalis est formé chez les oratoriens de Toulon et de Marseille, puis il poursuit ses études à la faculté de droit d'Aix-en-Provence, où son père est professeur. Sa réputation grandit rapidement au barreau d'Aix, où il exerce le métier d'avocat depuis 1765 : il est d'ailleurs désigné comme l'un des administrateurs de la Provence en 1778. En 1782-1783, il permet à la comtesse de Mirabeau de triompher dans le procès qu'elle intente à son époux. Homme des Lumières et franc-maçon, il n'accueille pourtant la Révolution qu'avec une grande réserve et reste à l'écart de toute vie publique : il refuse de participer à l'organisation des départements créés dans l'ancienne Provence et, dès 1790, il se retire avec sa famille dans sa maison de campagne varoise. Réfugié ensuite à Lyon puis à Paris, il n'en est pas moins arrêté en 1794 après avoir été dénoncé comme émigré. Sauvé par le 9 Thermidor, il est élu député de Paris et siège au Conseil des Anciens, où il s'affirme comme un opposant au Directoire : il réclame l'amnistie pour les émigrés, se fait le défenseur de la liberté de la presse et se montre hostile à la création d'un ministère de la Police générale. Victime du coup d'État du 18 fructidor, il quitte la France jusqu'à l'installation au pouvoir de Bonaparte. Présenté au Premier consul par Lebrun, il accède rapidement aux plus hautes responsabilités et devient entièrement dévoué au nouveau maître de la France.

Son rôle au sein du comité de rédaction du Code civil est primordial. Au Conseil d'État, où il est nommé en septembre 1800, toutes les questions relatives au culte lui sont confiées à partir d'octobre 1801 : il s'oppose alors à ce que le catholicisme devienne religion d'État et s'emploie à faire accepter le Concordat par le Corps législatif puis à l'appliquer. Nommé ministre des Cultes en 1804, ce gallican convaincu exerce sa tutelle sur les évêques, mais il prône en contrepartie un renforcement de l'autonomie du clergé dans le domaine des pratiques sacramentaires et favorise la restauration du respect populaire à l'égard de la religion. Catholique sincère, il permet la renaissance des communautés religieuses féminines. Lorsqu'il s'éteint en 1807, il jouit d'une grande popularité auprès de ses contemporains et de toute l'estime de Napoléon, qui l'a fait entrer à l'Institut en 1803.

porteurs de valises,

nom donné, au cours de la guerre d'Algérie, aux Français compagnons de route de la révolution algérienne, qui ont aidé le FLN, en particulier en métropole, pour lui faciliter les contacts, lui offrir des cachettes ou faire transiter ses militants, des armes et des fonds vers l'Algérie.

Convaincus que les peuples du tiers-monde doivent être aidés dans leur lutte anticoloniale, déçus par la gauche socialiste au pouvoir, qui poursuit la guerre en Algérie, inquiets de voir le pays des droits de l'homme pratiquer la torture, ces militants et intellectuels forment l'élément le plus actif du groupe qui soutient le combat pour l'indépendance de l'Algérie. Organisés, à partir de l'été 1957, en réseaux clandestins imités de ceux de la Résistance française durant la Seconde Guerre mondiale, peu nombreux, ils sont pourchassés par la police. Le plus célèbre de ces réseaux, celui qu'avaient organisé le philosophe Francis Jeanson et son épouse, tombe en février 1960. Le procès du « réseau Jeanson » suscite un débat important dans l'opinion publique, d'autant qu'à la même époque (septembre 1960) est publié le fameux « Manifeste des 121 » qui proclame le « droit à l'insoumission » et soutient explicitement les porteurs de valises. Néanmoins, considérés comme des traîtres à leur patrie, ceux d'entre eux qui ont été condamnés retrouvent tardivement leur liberté, après des campagnes appuyées pour qu'ils bénéficient d'une amnistie, comme celle accordée à certains membres des forces de l'ordre et de l'OAS.

Port-Royal,

abbaye cistercienne, bastion du jansénisme au XVIIe siècle.

Fondée en 1204, au sud-ouest de Paris, dans la vallée de Chevreuse, l'abbaye de femmes de Port-Royal des Champs connaît un relâchement de la discipline au XVIe siècle, jusqu'à la réforme instituée par mère Angélique Arnauld au début du XVIIe siècle.

Dès lors, l'abbaye devient un modèle de vie réglée. Pour s'agrandir et se soustraire à un environnement trop humide, la communauté est transférée en 1625 à Paris, dans le faubourg Saint-Jacques, où se sont installées les carmélites. Autour d'un cloître sévère et d'une église élevée par Le Pautre en 1646-1647, Port-Royal de Paris devient une retraite recherchée par l'élite dévote ; près de l'abbaye, les pavillons élevées par les « belles amies de Port-Royal », la princesse de Guéméné ou la marquise de Sablé, font le lien avec la bonne société et les gens de lettres. Ce paradoxal succès mondain amène en 1648 mère Angélique et quelques religieuses à retourner au « désert affreux » de Port-Royal des Champs. Au-dessus du couvent, dans le hameau des Granges, les solitaires, derrière Antoine Lemaistre, vivent en « amis chrétiens », sans règle ni stabilité mais unis par la liberté évangélique. Ils prient, traduisent les textes anciens, jardinent (le verger entretenu par Arnauld d'Andilly est célèbre pour ses poires), jusqu'à leur dispersion en 1679. Ils réconcilient érémitisme et communauté, mènent une vie religieuse sans appartenir obligatoirement au clergé. À leurs côtés, les Petites Écoles, d'abord établies à Paris, offrent à quelques élus une pédagogie attentive et une instruction solide, jusqu'à leur fermeture en 1660.

Cette proximité entre religieux et laïcs est caractéristique de la communauté port-royaliste ; elle dessine une « petite Jérusalem » où il est possible de chercher son salut hors du monde, mais brouille les cadres de l'Église. Autant que la théologie janséniste, affirmée à la fin des années 1630, cette évolution inquiète les autorités. Après l'expulsion d'une partie des religieuses de Paris par l'archevêque Péréfixe en 1664 et après la séparation des maisons du faubourg Saint-Jacques et des Champs, les persécutions cessent avec la Paix de l'Église de 1668, avant de reprendre en 1679. Port-Royal des Champs est « asphyxié » par l'interdiction de recevoir des novices. Le 27 octobre 1709, en application de la bulle papale obtenue par Louis XIV, les dernières religieuses sont dispersées. L'abbaye est rasée en 1711 et les ossements exhumés du cimetière sont jetés à la fosse commune.