Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Afrique-Équatoriale française (A-ÉF), (suite)

Décimée par les abus du travail forcé - les travaux du chemin de fer Congo-Océan coûtent la vie à des milliers d'Africains -, la population, déjà très clairsemée à l'arrivée des Français, atteint seulement 4 millions d'habitants en 1943. Le développement économique demeure entravé par la pénurie de main-d'œuvre et l'insuffisance des équipements (le chemin de fer Congo-Océan est inauguré en 1934, et en 1938 il n'existe que 40 000 kilomètres de routes et de pistes). La production de caoutchouc décline, tout comme le commerce de l'ivoire. Le bois, provenant principalement du Gabon, forme la majeure partie des exportations, qui ne s'élèvent qu'à 260 millions de francs en 1938. Au total, la Fédération se résume à un groupement artificiel de colonies disparates, les unes tropicales et forestières (Gabon), les autres en partie désertiques (Tchad), ne disposant que de maigres ressources mal mises en valeur, d'où le qualificatif de « cendrillon de l'empire ».

L'A-ÉF durant la Seconde Guerre mondiale.

• À la différence de l'A-OF voisine, l'A-ÉF se rallie à la France libre dès 1940, sous l'impulsion du gouverneur du Tchad, Félix Éboué, nommé gouverneur général (décembre 1940), et du colonel Leclerc. Ce ralliement, obtenu au prix de quelques combats entre Français au Gabon, a des conséquences importantes sur la poursuite des hostilités en Afrique. En effet, le Tchad joue un rôle stratégique en tant que base aérienne pour l'acheminement des troupes et du matériel de guerre alliés vers l'Égypte ; il est également le point de départ de la division Leclerc (2e DB) vers le front de Libye, Koufra et le Fezzan.

Le maintien des quatre colonies dans la guerre se traduit pour les populations par un alourdissement des corvées (cueillette du caoutchouc, accroissement de la production de coton). Éboué veille cependant à une promotion, limitée, des élites africaines : il promulgue le 29 juillet 1942 un « statut du notable évolué », qu'il attribue à 485 Africains, et recrute quelques hauts fonctionnaires autochtones. Il est l'un des principaux promoteurs de la conférence de Brazzaville qui se tient du 30 janvier au 8 février 1944. Inaugurée par un discours demeuré célèbre du général de Gaulle, cette assemblée de gouverneurs et de spécialistes jette les principes fondamentaux de la politique coloniale qu'elle entend voir suivre par la IVe République. Elle se place toutefois dans une optique jacobine et assimilatrice, et les thèses fédéralistes d'Éboué sont mises en échec.

L'A-ÉF sous la IVe République.

• En vertu de la Constitution de 1946, les quatre colonies de l'A-ÉF deviennent des territoires d'outre-mer représentés au Parlement par 6 députés et 8 sénateurs, les élections étant organisées dans le cadre d'un double collège selon un mode de scrutin capacitaire, progressivement élargi (110 000 électeurs en 1946 ; 784 000 en 1953). Chaque territoire est pourvu d'une Assemblée, et un Grand Conseil de l'A-ÉF, composé de 20 délégués issus de ces assemblées, siège à Brazzaville. On assiste dès lors à l'éveil d'une vie politique dont les figures marquantes vont être l'abbé Boganda, député de l'Oubangui-Chari et fondateur du Mouvement pour l'évolution sociale de l'Afrique noire (MESAN), Léon M'Ba (Gabon), Jean-Félix Tchicaya, député du Moyen-Congo, et Gabriel Lisette (Tchad). Les chefs traditionnels musulmans du Tchad conservent une grande influence.

Sur le plan économique, les crédits du Fonds d'investissement pour le développement économique et social (FIDES) permettent de financer des plans de développement et de réaliser des équipements : achèvement du port de Pointe-Noire, barrage hydroélectrique de la Doué, près de Brazzaville, lycée de Brazzaville, hôpitaux et écoles de brousse. En 1956 est découvert le gisement pétrolifère de Port-Gentil.

La même année, la loi-cadre, dite « loi-cadre Defferre », institue le suffrage universel (2 millions et demi d'électeurs) et dote les quatre territoires d'un régime de semi-autonomie, avec une Assemblée représentative et un Conseil de gouvernement. Mais les élus du Gabon s'opposent à tout projet d'exécutif fédéral, ce qui laisse présager le démembrement de l'A-ÉF. Deux ans plus tard, lors du référendum de septembre 1958, les électeurs de l'A-ÉF approuvent massivement le projet de Constitution. Peu après, les quatre assemblées territoriales se prononcent pour le statut d'État membre de la Communauté, ce qui implique la dissolution de la Fédération, parachevée en 1960 lors de l'accession de ces États à l'indépendance. L'Oubangui-Chari prend l'appellation de République Centrafricaine, et le Moyen-Congo celle de République du Congo-Brazzaville.

Afrique-Occidentale française (A-OF),

groupement de colonies, puis de territoires d'outre-mer de la République française en Afrique de l'Ouest (1895-1958).

Dans les dernières années du XIXe siècle, l'extension des territoires conquis en Afrique de l'Ouest à partir de la vieille colonie du Sénégal et des établissements côtiers rend nécessaire la constitution d'un groupement de colonies. Le gouvernement général de l'Afrique-Occidentale française est ainsi créé par un décret du 16 juin 1895. Il regroupe au départ quatre colonies : Sénégal, Guinée, Soudan, Côte-d'Ivoire. Les fonctions de gouverneur général sont assumées par le gouverneur du Sénégal, auquel sont subordonnés les gouverneurs de Guinée (Conakry), de Côte-d'Ivoire (Grand-Bassam) et un lieutenant-gouverneur pour le territoire du Soudan et le Haut-Niger. Le Dahomey, conquis et organisé en 1894, ne fait pas initialement partie de l'A-OF.

Les structures administratives de la Fédération sont maintes fois remaniées, et les divisions territoriales subissent de nombreuses modifications. Ainsi, en 1896, la Côte-d'Ivoire est érigée en colonie indépendante de l'A-OF, avant d'être réincorporée au sein de l'ensemble en 1899, en même temps que le Dahomey, tandis que le territoire du Soudan est partagé entre le Sénégal, la Guinée et la Côte-d'Ivoire. Le 1er octobre 1902, la charge de gouverneur général devient distincte de celle du gouverneur du Sénégal. Le Soudan est reconstitué sous le nom de Territoire de la Sénégambie et du Niger (1902), puis de Haut-Sénégal et Moyen-Niger (1904), avant de prendre celui de Soudan français en 1920. Un protectorat des pays maures est créé en 1903, administré par un commissaire civil, délégué du gouverneur général. En 1920, ce territoire est érigé en colonie sous le nom de Mauritanie. Une colonie de Haute-Volta est fondée en 1919. Elle sera supprimée en 1932 en vertu de restrictions budgétaires, puis rétablie en 1947. Enfin, le IIIe territoire militaire de l'A-OF (créé en 1901) prend en 1921 le nom de territoire civil du Niger et devient une colonie l'année suivante. Le territoire du Togo, sous mandat de la Société des nations (SDN), administré par la France, est dans les faits rattaché à l'A-OF à partir de 1920.