Afrique-Équatoriale française (A-ÉF), (suite)
Décimée par les abus du travail forcé - les travaux du chemin de fer Congo-Océan coûtent la vie à des milliers d'Africains -, la population, déjà très clairsemée à l'arrivée des Français, atteint seulement 4 millions d'habitants en 1943. Le développement économique demeure entravé par la pénurie de main-d'œuvre et l'insuffisance des équipements (le chemin de fer Congo-Océan est inauguré en 1934, et en 1938 il n'existe que 40 000 kilomètres de routes et de pistes). La production de caoutchouc décline, tout comme le commerce de l'ivoire. Le bois, provenant principalement du Gabon, forme la majeure partie des exportations, qui ne s'élèvent qu'à 260 millions de francs en 1938. Au total, la Fédération se résume à un groupement artificiel de colonies disparates, les unes tropicales et forestières (Gabon), les autres en partie désertiques (Tchad), ne disposant que de maigres ressources mal mises en valeur, d'où le qualificatif de « cendrillon de l'empire ».
L'A-ÉF durant la Seconde Guerre mondiale.
• À la différence de l'A-OF voisine, l'A-ÉF se rallie à la France libre dès 1940, sous l'impulsion du gouverneur du Tchad, Félix Éboué, nommé gouverneur général (décembre 1940), et du colonel Leclerc. Ce ralliement, obtenu au prix de quelques combats entre Français au Gabon, a des conséquences importantes sur la poursuite des hostilités en Afrique. En effet, le Tchad joue un rôle stratégique en tant que base aérienne pour l'acheminement des troupes et du matériel de guerre alliés vers l'Égypte ; il est également le point de départ de la division Leclerc (2e DB) vers le front de Libye, Koufra et le Fezzan.
Le maintien des quatre colonies dans la guerre se traduit pour les populations par un alourdissement des corvées (cueillette du caoutchouc, accroissement de la production de coton). Éboué veille cependant à une promotion, limitée, des élites africaines : il promulgue le 29 juillet 1942 un « statut du notable évolué », qu'il attribue à 485 Africains, et recrute quelques hauts fonctionnaires autochtones. Il est l'un des principaux promoteurs de la conférence de Brazzaville qui se tient du 30 janvier au 8 février 1944. Inaugurée par un discours demeuré célèbre du général de Gaulle, cette assemblée de gouverneurs et de spécialistes jette les principes fondamentaux de la politique coloniale qu'elle entend voir suivre par la IVe République. Elle se place toutefois dans une optique jacobine et assimilatrice, et les thèses fédéralistes d'Éboué sont mises en échec.
L'A-ÉF sous la IVe République.
• En vertu de la Constitution de 1946, les quatre colonies de l'A-ÉF deviennent des territoires d'outre-mer représentés au Parlement par 6 députés et 8 sénateurs, les élections étant organisées dans le cadre d'un double collège selon un mode de scrutin capacitaire, progressivement élargi (110 000 électeurs en 1946 ; 784 000 en 1953). Chaque territoire est pourvu d'une Assemblée, et un Grand Conseil de l'A-ÉF, composé de 20 délégués issus de ces assemblées, siège à Brazzaville. On assiste dès lors à l'éveil d'une vie politique dont les figures marquantes vont être l'abbé Boganda, député de l'Oubangui-Chari et fondateur du Mouvement pour l'évolution sociale de l'Afrique noire (MESAN), Léon M'Ba (Gabon), Jean-Félix Tchicaya, député du Moyen-Congo, et Gabriel Lisette (Tchad). Les chefs traditionnels musulmans du Tchad conservent une grande influence.
Sur le plan économique, les crédits du Fonds d'investissement pour le développement économique et social (FIDES) permettent de financer des plans de développement et de réaliser des équipements : achèvement du port de Pointe-Noire, barrage hydroélectrique de la Doué, près de Brazzaville, lycée de Brazzaville, hôpitaux et écoles de brousse. En 1956 est découvert le gisement pétrolifère de Port-Gentil.
La même année, la loi-cadre, dite « loi-cadre Defferre », institue le suffrage universel (2 millions et demi d'électeurs) et dote les quatre territoires d'un régime de semi-autonomie, avec une Assemblée représentative et un Conseil de gouvernement. Mais les élus du Gabon s'opposent à tout projet d'exécutif fédéral, ce qui laisse présager le démembrement de l'A-ÉF. Deux ans plus tard, lors du référendum de septembre 1958, les électeurs de l'A-ÉF approuvent massivement le projet de Constitution. Peu après, les quatre assemblées territoriales se prononcent pour le statut d'État membre de la Communauté, ce qui implique la dissolution de la Fédération, parachevée en 1960 lors de l'accession de ces États à l'indépendance. L'Oubangui-Chari prend l'appellation de République Centrafricaine, et le Moyen-Congo celle de République du Congo-Brazzaville.