Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Restauration

Contrairement à ce que son nom laisse supposer, la Restauration, de 1814 à 1830, n'a restauré ni l'Ancien Régime ni la royauté de droit divin : elle constitue au contraire un régime de transition et une forme de transaction entre le principe monarchique, les institutions parlementaires et la Révolution.

Et c'est peut-être cette volonté de « renouer la chaîne des temps, que de funestes écarts avaient interrompue », comme l'affirme le préambule de la Charte de 1814, qui lui a donné cette tonalité particulière de respiration entre l'ancien et le nouveau et cette fécondité exceptionnelle dans le domaine politique et philosophique : « Ces admirables temps de la Restauration, où l'on avait des âmes romantiques avec une discipline classique », écrira Barrès.

Les circonstances de la Restauration

La restauration des Bourbons sur le trône de France est le fruit de l'effondrement de l'Empire. Vaincu militairement par les armées coalisées de l'Europe - les Alliés entrent à Paris le 31 mars 1814 -, abandonné par les élites sociales et politiques, Napoléon est déchu par le Sénat le 3 avril et abdique à Fontainebleau le 6. La France, saignée à blanc par la conscription, appauvrie par le Blocus continental, lasse de vingt-deux ans de guerre et de quatorze ans de dictature, aspire à retrouver la paix, la prospérité et la liberté. L'Europe exige qu'elle rentre dans ses anciennes limites et se dote d'un régime stable et conservateur. Aussi, les assemblées impériales et les Alliés écartent-ils rapidement la solution fragile d'une régence de l'impératrice Marie-Louise au nom du roi de Rome, l'enfant mineur de Napoléon, au profit d'un retour de l'héritier légitime des Bourbons, Louis XVIII, frère puîné de Louis XVI, réfugié à Hartwell, près de Londres. Simultanément, les noyaux royalistes des « Chevaliers de la foi » contribuent à faire reconnaître Louis XVIII par les Français en multipliant à Bordeaux (12 mars), à Toulouse et à Paris (12 avril) des manifestations monarchiques à l'occasion du retour en France du duc d'Angoulême et du comte d'Artois, neveu et frère du prétendant. L'homme clé de la transition politique du printemps 1814 est Talleyrand, qui forme le 1er avril un gouvernement provisoire et s'efforce de négocier à la fois la cessation des combats et un accord politique respectant la légitimité royale et les garanties constitutionnelles. La paix avec les Alliés (premier traité de Paris) est signée dès le 30 mai 1814 : elle ne prévoit ni occupation du territoire, ni paiement d'une indemnité ; elle ramène la France à ses frontières de 1792 (perte de la Belgique, des départements italiens et de la rive gauche du Rhin), mais lui conserve Avignon et le Comtat Venaissin, Montbéliard, Mulhouse et une partie de la Sarre et de la Savoie, et lui restitue ses colonies ; Napoléon est confiné à l'île d'Elbe. Entré à Paris le 3 mai après avoir promis une Constitution (déclaration de Saint-Ouen, 2 mai), Louis XVIII promulgue le 4 juin 1814 une charte constitutionnelle calquée sur les institutions britanniques et la Constitution de 1791.

La Charte constitutionnelle

Le principe monarchique est fortement réaffirmé dans le préambule (la Charte est « octroyée » et datée de la dix-neuvième année du règne, soit de 1795, année présumée de la mort du fils de Louis XVI). « Chef suprême de l'État », le roi dispose de l'exécutif : sa personne est « inviolable et sacrée » ; il choisit et renvoie les ministres, sanctionne et promulgue les lois et nomme à l'ensemble des fonctions publiques et judiciaires ; il peut gouverner par ordonnances (article 14). Le pouvoir législatif est exercé par le roi (qui a l'initiative des lois) et par deux assemblées : une Chambre des pairs, dont les membres sont nommés à titre héréditaire ou à vie par le roi ; une Chambre des députés, élue au suffrage restreint (il faut avoir 40 ans et acquitter 1 000 francs d'imposition directe [cens] pour être éligible, avoir 30 ans et payer 300 francs d'impôts pour être électeur). Ainsi, le corps électoral ne comprend alors que quelque 120 000 personnes. La Charte garantit l'égalité devant l'impôt et devant la loi, la liberté de culte, d'opinion et de presse ainsi que la propriété des biens, y compris des biens nationaux acquis pendant la Révolution. La religion catholique retrouve son statut de « religion de l'État ». La Charte de 1814 établit ainsi une monarchie parlementaire (mais sans responsabilité ministérielle, les ministres ne relevant que du roi et n'étant pas tenus d'avoir une majorité), fondée sur les notables et garante des principes d'égalité et de liberté civiles.

La première Restauration

Cette phase (juin 1814-mars 1815) constitue, toutefois, une réaction trop profonde contre le cours politique initié en 1789 pour ne pas susciter tensions et ressentiments. Plusieurs mesures accentuent l'image d'une dynastie rentrée en France « dans les fourgons de l'étranger » : la démobilisation de l'armée impériale, le remplacement du drapeau tricolore par le drapeau blanc, la réduction du revenu des officiers et sous-officiers à une « demi-solde », la promotion d'officiers nobles sans états de service ou ayant combattu dans les armées alliées. En outre, l'épuration de l'administration au profit de gentilshommes en raison, non de leur compétence, mais de leur nom et leur fidélité irrite la bourgeoisie « à talents ». Le rétablissement de l'autorité sociale de l'Église catholique (processions, fermeture des cabarets pendant les offices) et sa participation aux « cérémonies expiatoires » de la Révolution unissent la bourgeoisie libérale et l'anticléricalisme populaire contre « l'alliance du trône et de l'autel ». Informé du mécontentement de l'opinion, Napoléon débarque de l'île d'Elbe au Golfe-Juan le 1er mars 1815. Le ralliement de l'armée ainsi que d'une partie de la bourgeoisie et des couches populaires lui permet de gagner triomphalement Paris le 20 mars, tandis que Louis XVIII et ses ministres se réfugient à Gand. Pourtant, l'héroïque et désastreuse aventure des Cent-Jours s'achève sur la défaite de Waterloo (18 juin 1815).