Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
E

emprunts russes, (suite)

Malgré la reconnaissance officielle de l'Union soviétique par la France en 1924, le gouvernement communiste refusera toujours d'ouvrir des négociations sur l'indemnisation des titulaires français d'emprunts russes. Les dédommagements promis, en 1996, aux héritiers des Français spoliés seront-ils versés ? Les difficultés financières du nouvel État russe sont en effet considérables. La mésaventure subie par de nombreux petits porteurs a marqué durablement l'imaginaire des Français aux ressources modestes et contribué à les éloigner pour longtemps des placements boursiers.

Ems (dépêche d'),

dépêche télégraphique tronquée qui servit de détonateur à la guerre franco-allemande de 1870-1871.

 Dès sa victoire militaire sur l'Autriche en 1866, la Prusse entre en rivalité avec la France. Les deux pays s'interdisent mutuellement d'accroître leur puissance. Ainsi, en 1867, une conférence européenne réunie à l'initiative de la Prusse empêche l'acquisition du Luxembourg par Napoléon III. À son tour, l'empereur français, suivi d'autres chefs d'État européens, proteste le 3 juillet 1870 contre la candidature au trône d'Espagne (vacant) de Léopold de Hohenzollern, cousin du roi de Prusse. Le prince renonce dès le 12 juillet, mais la diplomatie française tente alors d'obtenir du roi de Prusse l'assurance qu'une telle situation ne se produira plus. Le 13 juillet à Ems, ville rhénane où il prend les eaux, le roi Guillaume Ier élude courtoisement la démarche française, puis en télégraphie le compte rendu à son chancelier Bismarck. Celui-ci rediffuse aussitôt la dépêche, mais tronquée, de telle sorte que la demande française paraisse humiliante, et la réponse prussienne, injurieuse. Son souhait : que l'outrage entraîne en réaction une agression française. La Prusse fédérerait alors autour d'elle les États allemands qui lui sont liés par des traités défensifs. De fait, un élan de xénophobie patriotique saisit la presse et les milieux politiques français et allemands. Et, le 19 juillet 1870, à l'issue d'une escalade verbale, le gouvernement français déclare la guerre à la Prusse, derrière laquelle s'engagent les autres États allemands.

ENA (École nationale d'administration),

établissement public d'enseignement supérieur fondé en 1945 et destiné à assurer le recrutement et la formation des hauts fonctionnaires.

Le projet de constituer une école d'administration qui, sur le modèle de l'École polytechnique, formerait l'élite des fonctionnaires de la République n'est pas nouveau : Carnot en 1848, Jean Zay en 1936, l'avaient esquissé, mais les rivalités de corps et l'hostilité des administrations avaient tenu en échec ces tentatives. À la Libération, les réflexions de la Résistance sur le rôle des élites et la reconstruction de l'État bénéficient d'un contexte politique favorable. Michel Debré est alors le père de l'ordonnance du 9 octobre 1945 relative à la création de l'ENA. La nouvelle école a pour buts de démocratiser et d'unifier le recrutement de la haute fonction publique, de décloisonner les administrations, de professionnaliser les serviteurs de l'État, et d'assurer leur indépendance à l'égard du pouvoir politique. L'ENA recrute à parité des étudiants titulaires d'une licence, le plus souvent diplômés de l'Institut d'études politiques de Paris, et des fonctionnaires auxquels est réservé un concours interne. Le choix des affectations est déterminé par le rang de sortie : Conseil d'État, Inspection des finances, Cour des comptes, corps préfectoral, ainsi que le corps des administrateurs civils, théoriquement aussi prestigieux, créé par l'ordonnance du 9 octobre 1945.

Si l'ENA a doté la France d'un corps de hauts fonctionnaires compétent et intègre envié à l'étranger, ses objectifs initiaux n'ont pas toujours été atteints. L'unification de la haute fonction publique se heurte en effet à l'inégalité entre les carrières des élèves sortis dans la « botte » et celles des administrateurs civils. La démocratisation du recrutement est restée limitée, les candidats du concours interne, souvent d'origine plus modeste, accédant rarement aux premières places. Surtout, certains « énarques » ont peu à peu délaissé la haute fonction publique pour occuper des responsabilités importantes dans l'entreprise et dans la vie politique : bien que minoritaire, cette pratique, dite « du pantouflage », a suscité de nombreuses critiques. Pour éviter la formation d'une technocratie coupée du pays, le pouvoir socialiste a tenté d'élargir le recrutement par un troisième concours (créé en 1983, supprimé en 1986 et rétabli sous une forme nouvelle en 1990) et décidé en 1991 la délocalisation de l'ENA à Strasbourg. Mais l'ouverture de l'école à des professionnels et à des élus demeure très marginale. La dénonciation de l'« énarchie » témoigne toutefois des rapports difficiles qu'entretient la société française avec ses élites dans un contexte de crise économique et sociale persistante.

Encyclopédie,

appelée aussi Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, élaboré sous la direction du mathématicien d'Alembert et du philosophe Diderot, et publié entre 1751 et 1772. Ce qui ne devait être, à l'origine, qu'une traduction de l'encyclopédie anglaise d'Ephraïm Chambers devint une entreprise originale qui cristallisa la prise de conscience des Lumières françaises.

Le « Prospectus » rédigé par Diderot (1750), ainsi que le « Discours préliminaire » écrit par d'Alembert (figurant dans le tome I, publié en 1751) se présentent comme de véritables manifestes de la pensée nouvelle, à la fois rationaliste, empiriste et expérimentale, tournée vers la réalité pratique et économique, et contre la tradition et le principe d'autorité. Par ailleurs, le dictionnaire rassemble une pléiade d'écrivains, depuis les plus connus, tels Montesquieu et Voltaire, jusqu'aux nouveaux venus, appelés à se faire connaître, tels Jean-Jacques Rousseau, chargé des articles de musique, ou le baron d'Holbach, auteur de ceux de chimie.

D'Alembert rédige la partie mathématique du dictionnaire, et Diderot, ce qui concerne l'histoire de la philosophie, ainsi que de nombreux articles dans les domaines les plus divers. Des collaborateurs, tel le chevalier de Jaucourt, mettent au service de Diderot leur dévouement de polygraphes. La dimension pratique de ce dictionnaire des arts et métiers est sensible dans les volumes de planches, qui suivent ceux de textes, et constituent un outil de travail pour nombre de professionnels, à une époque où les secrets de métier restaient jalousement gardés par les corporations.