Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Ledru-Rollin (Alexandre Auguste Ledru, dit),

homme politique (Paris 1807 - Fontenay-aux-Roses, Hauts-de-Seine, 1874).

Il s'inscrit au barreau de Paris en 1828 et se fait tôt connaître comme adversaire du régime de Juillet : chef du mouvement démocratique et républicain, il partage son temps entre ses activités d'avocat, de journaliste et d'homme politique. En 1832, il proteste contre l'état de siège et, en 1834, fustige les massacres de la rue Transnonain. Il est dès lors l'avocat recherché des journaux d'opposition. Grâce à l'aisance que lui procure un riche mariage, il soutient la création du journal la Réforme (1843) pour promouvoir ses idées. Après un premier échec aux élections législatives, il est élu en 1841 député de la Sarthe ; il sera réélu en 1842 et 1846. Si ses options républicaines l'isolent à la Chambre, la diffusion de ses discours dans le pays lui vaut une popularité considérable. Il réclame le suffrage universel et défend les droits des travailleurs. Cherchant à s'appuyer sur la classe ouvrière, il se rapproche des socialistes sans pour autant rallier leur programme.

Promoteur de la « campagne des banquets », Ledru-Rollin est, dès la révolution de février 1848, l'un des hommes forts du nouveau régime : ministre de l'Intérieur du Gouvernement provisoire, c'est lui qui organise les élections générales au suffrage universel. Mais, tiraillé entre une majorité conservatrice et une minorité socialiste qu'il tente de concilier, il devient rapidement suspect à l'une et à l'autre. Élu, non sans difficultés, à la Commission exécutive, critiqué pour son soutien à Louis Blanc, il retrouve sa liberté d'action, mais hors des instances gouvernementales, lorsque Cavaignac parvient au pouvoir. Son échec à l'élection présidentielle en décembre 1848 ne l'empêche pas d'être triomphalement choisi par cinq départements, en mai 1849, pour siéger à l'Assemblée.

L'opposition résolue de Ledru-Rollin à Louis Napoléon Bonaparte trouve un argument majeur dans l'expédition d'Italie - pays où la France intervient pour défendre le Saint-Siège face aux républicains de Garibaldi. En effet, le 12 juin 1849, il demande la mise en accusation du président et de ses ministres. Le 13, il prend la tête des manifestations de rue mais échoue à constituer une Convention nationale qui remplacerait le gouvernement. Mis en accusation, il fuit en Belgique et est condamné par contumace à la déportation. Il séjourne vingt ans durant en Angleterre, Napoléon III refusant de l'amnistier à deux reprises. Ledru-Rollin, pourtant, n'est plus qu'un homme fatigué, affaibli, guère dangereux pour le régime impérial, qui l'autorise à rentrer en 1869. Il salue la restauration de la République en 1871, est élu député du Vaucluse en 1874, mais son action a perdu alors l'éclat qu'elle avait antérieurement.

Lefebvre (François Joseph),

maréchal de l'Empire, duc de Dantzig (Rouffach, Haut-Rhin, 1755 - Paris 1820).

Fils d'un aubergiste, instruit pour être prêtre, il s'engage en 1773 comme simple soldat. Sergent en 1789, il devient instructeur dans un bataillon de la Garde nationale. Il combat dans l'armée de la Moselle et accède au grade de général de division en 1794. Engagé ensuite dans l'armée de Sambre-et-Meuse, il en prend le commandement provisoire après la mort de Hoche. Chargé de diriger la division de Paris depuis août 1799, il accorde son soutien actif à Bonaparte lors des 18 et 19 brumaire. Promu sénateur en 1800, il est également au nombre des premiers maréchaux en 1804. Le 10 septembre 1808, Napoléon lui confère le titre de duc de Dantzig, pour le récompenser d'avoir mené victorieusement le siège de cette place en 1807. Les villes de Bilbao et de Santander tombent également face aux troupes que Lefebvre commande en Espagne. Il se distingue en 1809 dans l'armée du Danube. Durant la retraite de Russie, ses soldats le voient en permanence marcher à leur tête. Sa bravoure le distingue encore durant la campagne de France. Il vote la déchéance de Napoléon, à la suite de la capitulation de Paris, et devient pair de France en juin 1814, mais rejoint l'Empereur durant les Cent-Jours. Déchu de la pairie par la seconde Restauration, il ne réintègre la Chambre haute qu'en 1819.

Les manières peu distinguées de son épouse, initialement blanchisseuse et immortalisée par la Madame Sans-Gêne de Victorien Sardou, ont alimenté les critiques à l'égard de la noblesse impériale et fait oublier que Lefebvre a incarné l'esprit même de cette nouvelle aristocratie, sorte de chevalerie moderne où compte surtout le mérite personnel : celui de Lefebvre tient cependant à son courage, et nullement à ses qualités de stratège.

Lefèvre d'Étaples (Jacques),

théologien et humaniste (Étaples, vers 1450 - Nérac 1536).

Après avoir suivi des études de philosophie à Paris, Lefèvre d'Étaples se rend en 1475 en Italie, où les humanistes le familiarisent avec les textes épurés d'Aristote. Soucieux à son tour de rétablir dans leur intégrité les œuvres du philosophe, déformées ou mutilées par la tradition scolastique médiévale, il édite les traductions latines qu'en ont données les humanistes italiens, et commente la Physique, la Logique et la Politique.

À partir de 1507, Lefèvre d'Étaples s'oriente vers l'exégèse biblique, appliquant les méthodes philologiques aux textes de l'Écriture sainte et de la tradition patristique : son psautier en cinq langues (1509) est suivi de Commentaires sur les Épîtres de saint Paul (1512) et de Commentaires sur les Quatre Évangiles (1522). En 1521, Guillaume Briçonnet, son ancien élève, devenu évêque de Meaux, l'appelle dans son diocèse. Nommé vicaire général deux ans plus tard, il crée un cercle de réflexion qui entend œuvrer à la réforme du clergé et à la vulgarisation des textes sacrés. En posant l'Écriture comme source unique du dogme, en valorisant le rôle de la foi au détriment des œuvres, et en minimisant celui de la Vierge et des saints, le « cénacle de Meaux » se rapproche de la doctrine luthérienne, sans pour autant rompre avec l'institution romaine. Luther et Lefèvre d'Étaples ne font d'ailleurs pas mystère de leur admiration réciproque.