Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
L

lois constitutionnelles de 1875, (suite)

Les lois constitutionnelles de 1875 entérinent par ailleurs les pratiques inaugurées depuis 1871 : responsabilité ministérielle devant le pouvoir législatif, irresponsabilité du chef de l'État (depuis l'arrivée de Mac-Mahon), septennat. Le président de la République, qui est rééligible, dispose de pouvoirs importants - transférables à un monarque -, en particulier le droit de dissoudre la Chambre des députés mais sur avis conforme du Sénat. L'obligation du contreseing de ses actes par un ministre et son mode de désignation par les deux Chambres réunies en Congrès limitent toutefois son autorité.

Les lois constitutionnelles de 1875 reposent, à l'origine, sur un équilibre des pouvoirs d'inspiration orléaniste. Celui-ci est rompu après la crise du 16 mai 1877, faisant évoluer le régime parlementaire vers un régime d'Assemblée. La discordance entre la majorité constitutionnelle centriste et la bipolarisation droite-gauche explique ce dérapage. Toutefois, des quinze régimes politiques que la France a connus depuis la Révolution, celui régi par les lois de 1875 a été, jusqu'à présent, le plus long, sans doute grâce à la souplesse de ses dispositions institutionnelles.

Loménie de Brienne (Étienne Charles de),

prélat et homme politique (Paris 1727 - Sens 1794).

Cet aristocrate ambitieux mène sa carrière au sein du clergé. Adepte des Lumières, il rédige une thèse de théologie, qui est censurée en 1751 ; il devient néanmoins archevêque de Toulouse en 1763. Il se montre alors surtout un administrateur civil remarquable, soucieux de progrès économique et social. Membre de la Commission des réguliers à partir de 1766, il manifeste une nette antipathie à l'égard des congrégations religieuses, qu'il juge parasitaires ; d'où le surnom d' « antimoine » qu'on lui attribue alors.

L'Assemblée des notables réunie en 1787 lui donne l'occasion, à 60 ans, d'entamer une carrière politique. Principal adversaire de Calonne, il est responsable de la chute de ce dernier, qu'il remplace bientôt, grâce au soutien de la reine. Il devient donc contrôleur général des Finances en mai 1787 ; mais il est contraint, face à la crise financière, de reprendre les projets de Calonne. Il congédie les notables et tente d'imposer des réformes de fond, pour éviter la banqueroute et asseoir de nouveau l'autorité de l'État. Il propose un système d'assemblées provinciales (avec doublement du tiers état et vote par tête) et d'assemblées locales, qui permet à la fois d'élargir la participation politique et de préserver le rôle éminent des seigneurs. Il compte ainsi moderniser la société d'ordres pour en préserver les fondements, et réformer la monarchie pour sauver les privilèges de l'aristocratie. Faute d'expliquer clairement ses desseins, et s'en remettant soit aux manœuvres, soit au coup de force, il se heurte à l'opposition des parlements, qui refusent à plusieurs reprises d'enregistrer ses édits. Devant la menace de banqueroute de l'État, il tente de casser le pouvoir des parlements : en mai 1788, la réforme Lamoignon limite leurs compétences, tant au plan judiciaire que politique. Ceux-ci deviennent alors le symbole de la résistance au « despotisme ». Se forme ainsi une étrange coalition des mécontents : trop avancées pour certains, les réformes apparaissent trop timides pour d'autres ; mais le désaveu du ministre est général. Les troubles de l'été 1788 contraignent Loménie de Brienne à accepter la convocation des états généraux, puis à démissionner.

Devenu, entre-temps, archevêque de Sens (1787), il obtient le cardinalat, et passe l'année 1789 en Italie. Rentré en France en 1790, il est l'un des rares prélats à prêter serment à la Constitution civile du clergé. Arrêté deux fois au cours de la période de déchristianisation de la Révolution, il meurt d'apoplexie en prison, le 16 février 1794.

Lorraine.

Le mot « Lorraine » est une contraction du latin Lotharingia - en français « Lotharingie » - qui désigne, à l'origine, la part attribuée à Lothaire Ier, petit-fils de Charlemagne et fils aîné de l'empereur Louis le Pieux, lors du partage de Verdun (843). Aujourd'hui, la Région Lorraine (23 540 kilomètres carrés) réunit les départements de la Meuse, de la Meurthe-et-Moselle, de la Moselle et des Vosges.

De la Lotharingie aux évêchés et aux duchés.

• Au milieu du IXe siècle, la Lotharingie s'étend de la mer du Nord jusqu'à l'Italie, formant une zone médiane entre la Germanie et la France. Cet ensemble hétérogène se désagrège en 870 (traité de Meerssen). Le nom de « Lorraine » (en allemand Lothringen) reste attaché à la partie nord, incorporée en 925 au royaume de Germanie par Henri l'Oiseleur. En 959, cette entité est partagée en deux duchés : la Basse-Lorraine (Belgique et Pays-Bas) et la Haute-Lorraine (Ardennes, vallées de la Meuse et de la Moselle), qui conserve seule le nom de Lorraine.

Dans une histoire féodale complexe, caractérisée par un morcellement territorial extrême, plusieurs données majeures sont à retenir. Il convient tout d'abord de souligner le rôle spécifique des trois villes épiscopales, Metz, Toul et Verdun. À partir du XIIe siècle, les bourgeois revendiquent, puis obtiennent, les libertés communales. Metz est alors la ville la plus peuplée, la plus riche et la plus influente. Il faut aussi attirer l'attention sur le partage de l'espace lorrain entre une zone romane à l'ouest, et une zone germanophone, à l'est. La limite entre les deux aires linguistiques est nette, courant de la frontière luxembourgeoise actuelle jusqu'au Donon. Elle passe au nord-est de Metz, une ville entièrement française par la langue et la culture. Au fil des siècles, l'allemand recule d'ailleurs lentement, au profit du français.

La poussée française sur les marges occidentales de l'Empire germanique est discontinue ; elle est autant culturelle (le gothique lorrain prolonge celui de Champagne) que politique. Le grignotage des terres lorraines est lent. En 1301, Philippe le Bel impose sa suzeraineté sur le Barrois mouvant, c'est-à-dire sur les terres du comté de Bar situées à l'ouest de la Meuse. En 1335 est acquise la châtellenie de Vaucouleurs, dont relève le village de Domrémy, où Jeanne d'Arc naît en 1412 ; elle affirme être investie d'une mission divine : délivrer le roi et la France de la domination anglaise - un événement singulier dans lequel s'enracine le patriotisme français. L'épopée de Jeanne devient, en effet, un mythe qui incorpore la Lorraine au destin national français, alors que la plus grande partie de territoire appartient encore à l'Empire.