lieu d'application de la peine des travaux forcés du XVIIIe au XXe siècle.
Les galères disparaissent au cours du XVIIIe siècle, du fait de l'évolution des techniques maritimes, et l'ordonnance du 27 septembre 1748 prévoit la création de bagnes portuaires pour l'exécution de la peine des travaux forcés. Des bâtiments pénitentiaires monumentaux sont aménagés dans les grands arsenaux, à Rochefort, Brest et Toulon. Dans ces bagnes sévère, les traditions de la marine perdurent. Les bagnards, encadrés par des gardes-chiourme, se reconnaissent à leur chasuble rouge, à leur bonnet vert (condamnés à perpétuité) ou rouge. À leur arrivée, ils sont soumis au régime de la « grande fatigue », et accouplés par des chaînes ; après quelques années, libérés de leurs compagnons de chaîne, ils subissent le régime de la « petite fatigue ». Ce système de travail forcé permet d'utiliser la population pénale pour la construction et l'entretien des navires et des installations portuaires.
La déportation en Guyane.
• Ces bagnes fonctionnent jusqu'au milieu du XIXe siècle, et quelques grandes figures, tel Vidocq, nourrissent la mythologie des lieux. Considéré comme l'endroit dangereux où s'est déposée la lie de la société, le bagne apparaît, pour les autorités, moins dur qu'il ne devrait (la mortalité est plus forte en prison). Elles envisagent alors de déporter les forçats dans les colonies, pour les affecter à des tâches d'aménagement. La Guyane - où avaient déjà été proscrits Billaud-Varennes et Collot d'Herbois en 1795 - devient terre de bagne en 1852, et l'on expédie les condamnés aux îles du Salut (1852), à Saint-Laurent-du-Maroni (1858) et à Cayenne (1863). Sont fermés les anciens pénitenciers de Rochefort (1852), Brest (1858) et Toulon (1873).
L'envoi des condamnés en Guyane s'effectue dans le cadre de la loi sur la transportation du 30 mai 1854, destinée à exclure définitivement les indésirables sociaux par le « doublage » : le bagnard reste sur place, après sa libération, pour une période au moins égale à celle de sa peine, certains devant y séjourner à vie. Les condamnés politiques républicains sont regroupés à l'île du Diable. Les conditions climatiques éprouvantes entraînent une mortalité considérable, qui remet en cause la déportation en Guyane : en 1864, la Nouvelle-Calédonie devient aussi terre de bagne. C'est là que 4 200 communards, parmi lesquels Louise Michel et Henri Rochefort, purgent leur peine entre 1872 et 1880. L'instauration définitive de la République ne change pas profondément le système. Les républicains les plus militants réclament un adoucissement de la discipline, mais la société de la fin du siècle est hantée par la peur des récidivistes. Le bagne est conçu comme le meilleur moyen de les tenir éloignés, de leur permettre de s'amender par le travail tout en valorisant les terres colonisées. Ces idées sont au cœur de la loi de 1885 sur la relégation, qui prévoit que tous les délinquants multirécidivistes seront bannis à vie.
En 1888, la Nouvelle-Calédonie étant jugée trop peu dissuasive, les bagnes sont réinstallés en Guyane. Le plus célèbre des détenus de cette période est le capitaine Dreyfus, retenu sur l'île du Diable de 1895 à 1899. Les conditions de vie, d'hygiène et d'alimentation, la dureté du régime des travaux forcés, suscitent de temps en temps des campagnes de presse en faveur de l'aménagement ou de la fermeture des bagnes (reportages d'Albert Londres dans le Petit Parisien, en août-septembre 1923). Ces campagnes, relayées par l'Armée du salut, obtiennent le soutien d'élus guyanais tels que Gaston Monnerville. Pourtant, malgré cette pression, l'administration crée le bagne de l'Inini, en 1931, pour enfermer les révoltés indochinois de Yên Bay. Un décret-loi du 17 juin 1938 supprime la transportation - tout en maintenant la relégation -, mais ce n'est qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que sont supprimées les colonies pénitentiaires d'outre-mer. Les retours sont organisés de 1946 à 1953.