mort (suite)
La laïcisation est si profonde qu'elle résiste aussi bien aux guerres meurtrières de l'Empire qu'aux volontés de retour en arrière des souverains d'après 1815, et même au zèle conquérant de l'Église catholique triomphante du XIXe siècle. Encore faut-il en souligner l'inévitable lenteur : à la fin du XIXe siècle se déroulent toujours des cérémonies héritées du XVIIe siècle, telle la translation des ossements de l'ossuaire de Trégastel, dont le peintre Poileux Saint-Ange a laissé une description presque photographique. De même, la pompe funèbre ne disparaît des enterrements que bien après le milieu du XXe siècle. Ce ne sont pourtant là que des survivances.
L'Église catholique elle-même a pris beaucoup de recul par rapport aux excès du culte des morts. La presque langoureuse et, en tout cas, l'interminable mort de la Dame aux camélias (1848) indique déjà clairement les voies de l'avenir : l'important réside désormais, et de plus en plus, à mesure que se laïcise la société et que s'élève le niveau de vie, dans les moments qui précèdent la mort. Cette dernière se cache, peu à peu, au XXe siècle, à la maison de retraite, à l'hôpital, si bien que la médicalisation de la mort devient un enjeu de société, à la fin du siècle : à la tuberculose, longtemps mal soignée, ont succédé le cancer et le sida. C'est sur ce terrain que se situent les problèmes éthiques et sociaux, à propos du coût des traitements, de l'acharnement thérapeutique, de la mort assistée et, dans un autre registre, du suicide. Dans ce contexte, qui se double de l'apparition quantitativement importante d'un « quatrième âge », se développe le souci d'accompagnement des mourants, signe tragique de l'effacement de solidarités très anciennes.
Il n'en demeure pas moins qu'au lieu de nous préoccuper, comme au XIIIe siècle, de ce qui suit la mort, nous nous préoccupons aujourd'hui de ce qui la précède. La place sans cesse croissante des rites de la Toussaint, la générosité avec laquelle nous entretenons le culte des héros - monuments aux morts, noms de rue, « panthéonisation » -, indiquent peut-être que ce bouleversement culturel a laissé, sinon des remords, du moins quelques regrets.