canal situé en Égypte, mettant en relation la Méditerranée et la mer Rouge, réalisé de 1859 à 1869 sous la direction de Ferdinand de Lesseps.
Dans l'Antiquité existait un système de canaux reliant le Nil à la mer Rouge, qui fut abandonné après la conquête arabe. L'idée d'unir directement les deux mers - sans passer par le Nil - renaît à la faveur de l'expédition de Bonaparte en Égypte (1798), mais l'ingénieur français Le Père conclut alors à l'impossibilité de percer un canal dans l'isthme de Suez. Sous la monarchie de Juillet, Prosper Enfantin et les milieux saint-simoniens se remettent à l'étude et parviennent à gagner au projet un jeune diplomate français, Ferdinand de Lesseps. Les ingénieurs Paulin Talabot et Linant de Bellefonds démontrent que la construction d'un canal entre les deux mers est techniquement possible.
Lesseps bénéficie du soutien de son ami Saïd Pacha, qui devient khédive (vice-roi d'Égypte) en 1854. Le 30 novembre de la même année, il obtient une concession lui donnant le pouvoir de constituer une compagnie pour percer le canal : en 1858 est fondée la Compagnie universelle du canal maritime de Suez. D'emblée, elle marque la suprématie française sur l'entreprise : elle est de droit français et 51 % du capital initial est français. Les travaux débutent en 1859. L'inauguration de l'ouvrage par l'impératrice Eugénie réunit, le 17 novembre 1869, tout ce que l'Europe compte de célébrités. La compagnie, qui obtient une concession de quatre-vingt-dix-neuf ans à compter de ce jour d'ouverture, est financée grâce aux actions achetées surtout par de petits souscripteurs français mais aussi par le khédive Ismaïl Pacha, au pouvoir en Égypte depuis 1863. Long de 162 kilomètres, large de 40 à 85 mètres, le canal relie le bras occidental de la mer Rouge (Suez) à la Méditerranée (Port-Saïd).
Symbole de la présence française en Méditerranée orientale, le projet s'est d'abord heurté à l'opposition du gouvernement britannique, qui a tenté de faire arrêter les travaux (1862) en intervenant auprès du sultan de Constantinople, suzerain de l'Égypte. Mais le canal facilite à tel point la route des Indes que la reine Victoria, en personne, se félicite de l'entreprise. En rachetant les actions d'Ismaïl (1875), les Britanniques réussissent même à devenir les principaux actionnaires de la compagnie : dès lors, malgré la présence à sa tête d'un administrateur français et son statut international - reconnu par la convention de Constantinople (1888) -, le canal de Suez sanctionne, dans les faits, la prédominance des Britanniques en Égypte, pays placé sous leur protectorat en 1914.
L'annonce de la nationalisation de la Compagnie du canal par le président égyptien Nasser, en juillet 1956, provoque l'envoi de parachutistes français et britanniques à Port-Saïd en novembre - signe d'une conjonction d'intérêts, mais qui est rendue vaine par les ultimatums de l'URSS et des États-Unis. En 1956, le canal achemine plus de 13 % du commerce mondial ; cependant, il a cessé de représenter pour l'imaginaire européen ce « lit nuptial de l'Occident et de l'Orient » cher à Prosper Enfantin.