Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
S

Saint-Denis (abbaye), (suite)

Enfin, Suger ouvre le troisième chantier qui doit permettre de relier ces deux extrémités. Mais à sa mort, le 13 janvier 1151, les travaux sont interrompus, et la basilique est alors loin d'être achevée ; mais, grâce aux libéralités de Saint Louis, ils reprennent sous l'abbatiat d'Eudes Clément (1231). L'architecte Pierre de Montreuil (1247) et l'abbé Matthieu de Vendôme (1258/1286) complètent l'ouvrage.

Du « cimetière aux rois » à l'agonie de l'abbatiale.

• La tradition a pris l'habitude d'appeler « commande de Saint Louis » l'initiative de faire de l'abbatiale le seul cimetière royal. En 1263, le souverain fait sculpter une série de gisants et les dispose selon un ordre destiné à montrer qu'il est l'héritier d'une lignée ininterrompue depuis Clovis. Cependant, à la fin du XIIIe siècle, l'art funéraire adopte une esthétique nouvelle. Le tombeau de Philippe III le Hardi bouleverse la belle ordonnance, inaugurant la série des tombeaux des XIVe, XVe et XVIe siècles qui, sous l'influence italienne, deviennent œuvres de sculpteurs réputés (Philibert Delorme, Pierre Bontemps, André Beauneveu, Germain Pilon). À l'image des mausolées antiques, les Valois regroupent leurs tombes sous une rotonde dans le bras nord de l'abbatiale. Les Bourbons rêvent à leur tour d'un mausolée familial, mais la commande faite par Colbert à Mansart reste à l'état de projet.

Les fastes monarchiques retentissaient trop sous les voûtes de l'abbatiale pour que celle-ci ne subît pas les foudres révolutionnaires. Les récits qu'en livrent les témoins ne sont pas ceux d'un saccage colérique, mais d'une profanation rituelle. « La main puissante de la République » doit effacer ces « porte-sceptre qui ont fait tant de mal à la France » (discours de Barrère, le 1er août 1793). Cependant, l'œuvre de destruction a précédé la Révolution. Ruinée par les guerres de Religion, par le peu de scrupules des abbés commendataires et par l'affectation de ses revenus à la maison royale de Saint-Cyr sous Louis XIV, Saint-Denis n'est plus abbatiale en 1691 ; le titre d'abbé est d'ailleurs supprimé. En 1781, le prieur lui-même, Dom Maleret, demande l'autorisation - qu'on lui refuse - de supprimer les tombeaux royaux. La Révolution donne le coup de grâce : « Saint-Denis est désert, écrit Chateaubriand, l'oiseau l'a pris pour passage ; l'herbe croît sur ses autels brisés... »

Une lente renaissance, du monastère à la cathédrale.

• En 1806, Napoléon décide la restauration de l'église. L'édifice joue une fois encore son rôle emblématique : Napoléon le veut lieu de sépulture impériale. Mais, à son départ pour l'île d'Elbe, ses projets restent inachevés. Seuls se maintiennent, nobles et grandioses, les bâtiments conventuels reconstruits au XVIIIe siècle sur les plans de Robert de Cotte, et dans lesquels l'Empereur a installé la Maison de la Légion d'honneur. En 1846, la flèche nord de l'église, mal remontée, doit être détruite et les architectes entreprennent des restaurations plus ou moins heureuses. Malgré tout, l'édifice renaît peu à peu de ses cendres et, en raison du nombre grandissant des habitants de la ville, il est rendu au culte comme église paroissiale en 1875. Il faut attendre l'éclatement de la région parisienne en nouveaux départements et nouveaux évêchés pour que l'ancienne abbatiale devienne, en 1966, cathédrale de l'évêque de Seine-Saint-Denis, accédant ainsi, officiellement, à un titre que tous lui conféraient naturellement.

Saint-Domingue,

partie occidentale de l'île d'Haïti ; colonie française de 1697 à 1804.

Dès 1636, des boucaniers français fondent un établissement dans l'île de la Tortue, située au nord de Saint-Domingue - alors possession espagnole -, puis prennent pied dans cette île elle-même à partir de 1659. Cette occupation de fait est officiellement reconnue par le traité de Ryswick (1697), la partie occidentale de Saint-Domingue étant alors cédée à la France par l'Espagne. Une politique de colonisation active est dès lors mise en œuvre, marquée par une importante immigration de Français, surtout originaires des provinces de l'Ouest (Anjou). Saint-Domingue va rapidement devenir une colonie florissante, la plus prospère du premier empire colonial français. Mais ses grands colons aristocrates - les « seigneurs », par opposition aux « messieurs » de la Martinique et aux « bonnes gens » de la Guadeloupe - se montrent turbulents et frondeurs ; ainsi, de graves troubles se produisent en 1722 : les planteurs exigent le départ de la Compagnie des Indes (de John Law), et l'obtiennent en 1727. Le gouvernement de la colonie est réorganisé par une ordonnance de 1763, qui suscite de nouveaux désordres : en 1769, les membres du Conseil supérieur (institution chargée de fixer le montant des impositions) sont expulsés de l'île.

En 1730, Ricard a mis au point un nouveau système d'irrigation permettant le développement des plantations : on en dénombre quelque 8 000 en 1789, alors que la population est composée de près de 28 000 Blancs, 22 000 « gens de couleur libres », et plus de 400 000 esclaves.

Un soulèvement des esclaves éclate en août 1791. Les délégués de la Convention Sonthonax et Polverel n'ont d'autre issue que de proclamer l'abolition de l'esclavage (août 1793), décision qui sera officialisée par le décret du 16 pluviôse an II (4 février 1794). Toussaint Louverture, un ancien esclave devenu petit exploitant agricole, qui combat à partir de 1794 sous les couleurs de la République française, impose rapidement son autorité à l'ensemble de l'île (l'Espagne cède la partie orientale à la France, en 1795) et repousse les assauts des Anglais, qui quittent le territoire en 1798. Toutefois, influencé par le lobby créole animé par Joséphine, Bonaparte refuse d'entrer en pourparlers avec Toussaint, qui a proclamé l'autonomie de l'île en 1801, et envoie en 1802 le corps expéditionnaire du général Leclerc avec une mission de reconquête. Toussaint est alors capturé par traîtrise et déporté en France, où il meurt le 7 avril 1803, mais son successeur Dessalines proclame l'indépendance de la République d'Haïti (1er janvier 1804). Quelques unités françaises isolées poursuivent une vaine résistance jusqu'en 1809. Les traités de Paris (1814) restituent formellement Saint-Domingue à la France, mais toute reconquête est impossible ; l'indépendance n'est cependant officiellement reconnue qu'en 1825, par Charles X. Un contentieux relatif à une indemnité de 150 millions de francs destinée aux anciens planteurs n'est réglé qu'en 1886.