Saint-Denis (abbaye), (suite)
Enfin, Suger ouvre le troisième chantier qui doit permettre de relier ces deux extrémités. Mais à sa mort, le 13 janvier 1151, les travaux sont interrompus, et la basilique est alors loin d'être achevée ; mais, grâce aux libéralités de Saint Louis, ils reprennent sous l'abbatiat d'Eudes Clément (1231). L'architecte Pierre de Montreuil (1247) et l'abbé Matthieu de Vendôme (1258/1286) complètent l'ouvrage.
Du « cimetière aux rois » à l'agonie de l'abbatiale.
• La tradition a pris l'habitude d'appeler « commande de Saint Louis » l'initiative de faire de l'abbatiale le seul cimetière royal. En 1263, le souverain fait sculpter une série de gisants et les dispose selon un ordre destiné à montrer qu'il est l'héritier d'une lignée ininterrompue depuis Clovis. Cependant, à la fin du XIIIe siècle, l'art funéraire adopte une esthétique nouvelle. Le tombeau de Philippe III le Hardi bouleverse la belle ordonnance, inaugurant la série des tombeaux des XIVe, XVe et XVIe siècles qui, sous l'influence italienne, deviennent œuvres de sculpteurs réputés (Philibert Delorme, Pierre Bontemps, André Beauneveu, Germain Pilon). À l'image des mausolées antiques, les Valois regroupent leurs tombes sous une rotonde dans le bras nord de l'abbatiale. Les Bourbons rêvent à leur tour d'un mausolée familial, mais la commande faite par Colbert à Mansart reste à l'état de projet.
Les fastes monarchiques retentissaient trop sous les voûtes de l'abbatiale pour que celle-ci ne subît pas les foudres révolutionnaires. Les récits qu'en livrent les témoins ne sont pas ceux d'un saccage colérique, mais d'une profanation rituelle. « La main puissante de la République » doit effacer ces « porte-sceptre qui ont fait tant de mal à la France » (discours de Barrère, le 1er août 1793). Cependant, l'œuvre de destruction a précédé la Révolution. Ruinée par les guerres de Religion, par le peu de scrupules des abbés commendataires et par l'affectation de ses revenus à la maison royale de Saint-Cyr sous Louis XIV, Saint-Denis n'est plus abbatiale en 1691 ; le titre d'abbé est d'ailleurs supprimé. En 1781, le prieur lui-même, Dom Maleret, demande l'autorisation - qu'on lui refuse - de supprimer les tombeaux royaux. La Révolution donne le coup de grâce : « Saint-Denis est désert, écrit Chateaubriand, l'oiseau l'a pris pour passage ; l'herbe croît sur ses autels brisés... »
Une lente renaissance, du monastère à la cathédrale.
• En 1806, Napoléon décide la restauration de l'église. L'édifice joue une fois encore son rôle emblématique : Napoléon le veut lieu de sépulture impériale. Mais, à son départ pour l'île d'Elbe, ses projets restent inachevés. Seuls se maintiennent, nobles et grandioses, les bâtiments conventuels reconstruits au XVIIIe siècle sur les plans de Robert de Cotte, et dans lesquels l'Empereur a installé la Maison de la Légion d'honneur. En 1846, la flèche nord de l'église, mal remontée, doit être détruite et les architectes entreprennent des restaurations plus ou moins heureuses. Malgré tout, l'édifice renaît peu à peu de ses cendres et, en raison du nombre grandissant des habitants de la ville, il est rendu au culte comme église paroissiale en 1875. Il faut attendre l'éclatement de la région parisienne en nouveaux départements et nouveaux évêchés pour que l'ancienne abbatiale devienne, en 1966, cathédrale de l'évêque de Seine-Saint-Denis, accédant ainsi, officiellement, à un titre que tous lui conféraient naturellement.