Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

dot,

masse de biens constituée en vue du mariage.

Vestige du temps où celui-ci était conclu par achat, désir du mari d'afficher la dépendance de sa femme, la dot est alors offerte par le fiancé à sa promise. Juifs, Hébreux, Germains, Francs procèdent ainsi. Dans la tradition romaine, la dot désigne, en revanche, les biens de la femme affectés aux dépenses du ménage : depuis la loi des Douze Tables, elle permet à l'épouse de participer équitablement aux charges du mariage, tout en soustrayant ses autres biens à la puissance maritale. Liberté des mœurs et multiplication des divorces conduiront Rome à organiser peu à peu le régime des biens dotaux, et à édicter des règles promises à un grand avenir : administration maritale de la dot, restitution à l'issue du mariage, inaliénabilité de l'immeuble dotal, et incapacité juridique de la femme mariée, afin de la protéger... contre elle-même. La dot constitue la clé de voûte d'un régime matrimonial aménageant les rapports patrimoniaux des conjoints : le régime dotal.

Dès le VIe siècle, Germains et Gallo-Romains mêlent, en Gaule, leurs usages. L'établissement de la fille en vue du mariage s'y généralise, imposé ou non par les coutumes : presque partout il est qualifié de « dot ». Puis, le sens du mot s'étend à la gratification accordée à tout enfant quittant le toit familial : la dot devient le moyen d'organiser l'avenir en désintéressant ceux qui partent de la succession parentale ; elle est affaire de patrimoine... et le régime dotal, dont elle est le pivot, est propre aux pays du Midi.

Au XVIe siècle, la justice restaure les règles romaines : la dot, dans le langage courant tout du moins, se réduit à son sens initial, mais conserve ses avantages patrimoniaux et successoraux. Ceux-ci lui seront partiellement soustraits par la Révolution et la proclamation de l'égalité entre enfants. Néanmoins, pour respecter la tradition méridionale, le Code civil propose aux familles, à côté du régime matrimonial légal, un régime dotal, contractuel, et définit la dot comme « le bien que la femme apporte au mari pour supporter les charges du mariage ». L'usage en reste encore pendant environ un demi-siècle. Les ruraux y sont attachés, quel que soit leur niveau de fortune, alors que les milieux urbains l'abandonnent plus volontiers : en effet, à la ville, le salaire, souvent perçu par chacun des fiancés, concurrence le patrimoine, tandis que l'érosion monétaire neutralise les avantages d'un régime de biens conservateur. À la fin du XIXe siècle, le vieux régime n'intéresse plus que les classes bourgeoises. Puis il tombe en désuétude, avant de disparaître de la loi du 13 juillet 1965. Le mot « dot » figure toujours dans le Code civil : il y désigne l'établissement de l'enfant (articles 1438 à 1440).

douane.

La douane française moderne naît à la fin du XVIIIe siècle, mais le contrôle des relations commerciales entre le pays et l'extérieur remonte aux Gaulois, et, même après la conquête romaine, les Gaules demeurent une circonscription douanière autonome.

Après la désagrégation de l'Empire romain, puis de l'Empire carolingien, le droit de douane renaît en 1304, sous Philippe le Bel, qui décide de n'autoriser les exportations qu'à la condition d'obtenir une licence délivrée par un officier royal contre paiement d'une taxe. Par la suite, la monarchie met en place des postes douaniers entre provinces du royaume, selon un système extrêmement complexe, et recourt à la technique de l'affermage de l'impôt de douane.

L'unification législative.

• Sous la Révolution, la Ferme générale créée par Sully et réorganisée par Colbert, qui prenait en charge l'ensemble des impôts indirects et dont l'impopularité était grande, est supprimée, ainsi que les barrières intérieures qui entravaient le commerce. Toutefois, une Régie nationale des douanes la remplace aussitôt, destinée à assurer le prélèvement d'un « tarif » sur les seuls échanges internationaux. Et la loi du 22 août 1791 crée un code des douanes qui confirme les principales prérogatives reconnues à l'administration d'Ancien Régime - droit de saisir les marchandises, droit de procéder à des visites domiciliaires, droit d'arrêter et de fouiller les véhicules -, même si les infractions douanières ne sont plus sanctionnées par des peines d'emprisonnement ou de travaux forcés mais par de simples amendes. Les guerres révolutionnaires, puis celles de l'Empire provoquent le renforcement de la législation d'exception (peines corporelles : prison, « fers », marquage au fer ; peine capitale) et un accroissement considérable et durable des effectifs de la douane : en 1845, un fonctionnaire de l'État sur 5 ou sur 8 (selon les bases de référence) est un douanier.

Une longue tradition protectionniste.

• La politique économique protectionniste de la Restauration et de la monarchie de Juillet, qui s'appuie sur la force de l'administration douanière, n'est pas remise en cause par la IIe République. En revanche, le libre-échangisme de Napoléon III et les difficultés budgétaires conduisent dès 1860 à la réduction des effectifs de la douane et à la substitution progressive au « tarif général » de tarifs « conventionnels » issus des traités internationaux. L'accroissement des transports internationaux maritimes et, surtout, terrestres provoque également un allègement et une simplification des procédures et des régimes douaniers, devenus par sédimentation d'une extrême complexité. La politique protectionniste de la IIIe République - qu'illustre la loi Méline de 1892, instituant un double tarif douanier -, les réformes fiscales et, surtout, la poursuite de l'effort de guerre contre l'Allemagne ont cependant pour effet d'accroître le contrôle des échanges de capitaux. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les nécessités du contrôle des changes et du commerce extérieur justifient la reconstitution d'une  administration nombreuse et le maintien d'un droit d'exception.

Les conséquences de la construction européenne.

• Cette continuité entre le droit révolutionnaire de 1791 et l'époque contemporaine est néanmoins remise en cause avec la création de la Communauté économique européenne, qui entraîne l'abaissement, puis la suppression en 1968 des droits de douanes entre pays membres et l'établissement d'un tarif douanier extérieur commun. Les douanes françaises doivent ainsi évoluer avec la construction d'un espace économique unifié qui efface les frontières commerciales entre pays membres et fait de chacune des douanes nationales le gardien des ressources propres de la Communauté européenne. En outre, les exigences de la Cour de justice - qui siège à Luxembourg - en matière de protection des droits de l'homme provoquent une évolution progressive des procédures douanières aussi bien que fiscales dans le sens d'une atténuation des prérogatives de l'administration au profit des droits de la défense.