Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
I

Internationale (Ire),

organisation, appelée à l'origine « Association internationale des travailleurs » (AIT), fondée le 28 septembre 1864 à Londres, lors d'une réunion publique au Saint Martin's Hall.

Elle rassemble, à l'initiative de militants ouvriers français et anglais, de nombreuses associations ouvrières (coopératives de production et de consommation, sociétés de crédit et de secours mutuels, chambres syndicales, etc.). Des sections de l'Internationale sont créées dans toute l'Europe, dirigées par un Conseil général comprenant Anglais, Français, Allemands - parmi lesquels Karl Marx, qui prend une part décisive dans la rédaction de l'adresse inaugurale et des statuts -, Polonais, Suisses et Italiens. Le but est de développer le « concours mutuel, le progrès et le complet affranchissement de la classe ouvrière », émancipation qui est « l'œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Si les ouvriers y sont majoritaires, on compte également des avocats, des hommes politiques et des philanthropes, aussi divers dans leurs sensibilités idéologiques : marxistes, libéraux, proudhoniens, syndicalistes et socialistes de toutes obédiences.

L'AIT rencontre d'abord un succès mitigé en France. Elle est surtout implantée autour de trois centres : Paris (600 membres en 1866), Lyon (500 en 1867) et Caen. Néanmoins, en dépit de la persécution dont ses membres sont victimes sous le Second Empire, l'organisation connaît des progrès rapides à la fin des années 1860 et encadre la grande vague de grèves de 1868-1869. En outre, la section française joue un rôle important dans la Commune de Paris : en effet, pendant le siège de la capitale, les Internationaux animent les comités de vigilance d'arrondissements, puis la délégation des vingt arrondissements. Après l'insurrection, une vingtaine d'entre eux entrent au Conseil de la Commune et se rangent, le plus souvent, dans les rangs des socialistes opposés à la tendance jacobine et blanquiste. Lors de la répression de la Commune, la plupart sont arrêtés, tandis que quelques-uns parviennent à prendre le chemin de l'exil. Les sections françaises sont alors dispersées.

Si la Ire Internationale survit à cet écrasement, ses divisions internes la conduisent à sa perte. Le conflit personnel qui oppose Marx au révolutionnaire anarchiste russe Bakounine révèle deux conceptions antagonistes du socialisme : les « autoritaires », partisans du premier, se heurtent dans des affrontements d'une extrême violence aux « anti-autoritaires », amis du second, lesquels sont réunis, notamment, dans les sections du Jura. La scission est consommée au congrès de La Haye (2-7 septembre 1872). L'organe dirigeant de l'AIT, dominé par les marxistes, survit quelques années à New York et s'éteint le 15 juillet 1876, tandis que les « anti-autoritaires » conservent un mode d'organisation théorique, qui disparaît en septembre 1877.

Internationale (IIe),

organisation fondée en juillet 1889 à Paris, lors de l'Exposition universelle, par les représentants des partis socialistes de vingt-trois nations et pays.

Elle succède à la Ire Internationale (AIT), disparue dans la seconde moitié des années 1870.

Pour remédier aux maux de la Ire Internationale, jugée trop centralisatrice, un mode d'organisation de type fédéral est adopté : la cellule de base est la section nationale, qui dispose d'une grande autonomie. Le principe internationaliste est ainsi bien altéré. En outre, des clivages entre nations ne manquent pas de se faire jour, notamment celui opposant les sociaux-démocrates allemands, favorables à la participation des syndicats aux congrès de l'Internationale - ils l'emportent dans un premier temps -, et les socialistes français, qui y sont hostiles.

La social-démocratie allemande domine l'organisation, au sein de laquelle le marxisme devient l'idéologie la plus représentée. Les anarchistes sont définitivement exclus au congrès de Londres (1896). Néanmoins, la diversité idéologique reste grande, comme le reflète l'organe dirigeant créé en 1900, le Bureau socialiste international (BSI), dont le socialiste belge Camille Huysmans devient le secrétaire permanent après 1905. Dans le sillage de l'Internationale sont également fondées des organisations spécifiques pour les journalistes, les femmes et la jeunesse.

La IIe Internationale a un impact théorique important sur le socialisme français : ainsi, au congrès de Paris (1900), elle condamne dans le principe la participation des socialistes à un gouvernement bourgeois, sauf en quelques circonstances exceptionnelles, alors même que le socialiste Alexandre Millerand est entré dans le gouvernement Waldeck-Rousseau, alors confronté à l'affaire Dreyfus. En août 1904, le congrès d'Amsterdam, durant lequel Jaurès, qui dispose dans l'Internationale d'une autorité certaine, s'oppose à Guesde et au socialiste allemand Bebel, pousse les socialistes français à s'unir sur la base du programme guesdiste.

Durant cet avant-guerre, la IIe Internationale affronte plusieurs graves sujets. Si la question coloniale occupe assez peu les ordres du jour des congrès, la question nationale demeure non tranchée. En effet, les socialistes ne parviennent pas à doter l'Internationale d'une doctrine unique susceptible de combattre le nationalisme. Aussi, son plus tragique échec réside-t-il dans son attitude face à la Première Guerre mondiale, qui entraîne sa perte définitive. Du premier congrès, au cours duquel est dénoncée la guerre comme « produit fatal des conditions économiques actuelles », jusqu'au congrès de Copenhague (1910), où le capitalisme est accusé d'être la cause des guerres, la ligne idéologique reste constante : empêcher la guerre « par tous les moyens ». En 1907, le congrès de Stuttgart affirme qu'en cas de guerre les socialistes « ont le devoir de s'entremettre pour la faire cesser promptement », et le congrès extraordinaire de Bâle (1912), où Jaurès s'illustre en prononçant un très important discours, met en garde les gouvernements contre les risques de conflit. Pourtant, en août 1914, les socialistes allemands comme les socialistes français votent les crédits de guerre. Disloquée, concurrencée à partir de 1919 par la IIIe Internationale, la IIe Internationale survit, mais son rôle politique est désormais mineur.