maréchal de France (Saint-Léger-de-Foucheret, aujourd'hui Saint-Léger-Vauban, près d'Avallon, 1633 - Paris 1707).
Fils d'un hobereau, élève au collège de Semur-en-Auxois, Vauban est d'abord cadet dans les rangs de la Fronde, au service de Condé (1651). S'étant rallié à Mazarin deux ans plus tard (1653), il devient ingénieur du roi (1655) et passe maître dans l'art d'établir des camps retranchés (castramétation) et de conduire les sièges (poliorcétique). La guerre de Dévolution (1667-1668) révèle à Louis XIV ce capitaine, qui va diriger avec talent une cinquantaine de sièges jusqu'en 1703, parmi lesquels ceux de Lille (1667), Maastricht (1673), Luxembourg (1684) ou Namur (1692).
Les réalisations militaires.
• Chargé en 1668 par Louvois des fonctions du commissaire général des Fortifications, avant d'en obtenir le titre (1678), Vauban perfectionne les travaux italiens, suédois, hollandais et français des XVe-XVIIe siècles, élaborant en trente ans trois systèmes successifs de fortification bastionnée, qui assurent une défense profonde grâce à l'échelonnement sophistiqué de plusieurs lignes de remparts, et démultiplient l'efficacité du feu par l'augmentation des angles de tir. Sont élevées ou remaniées plus de cent vingt places fortes, sur les côtes, mais surtout aux frontières ; quelques villes nouvelles, comme Neuf-Brisach (1698-1703), permettent à l'ingénieur de réaliser des modèles du genre. Cette « ceinture de fer » en terre et maçonnerie est aménagée à la faveur des guerres de Hollande (1672-1679) et des « Réunions » de 1679-1684 (mais la plupart sont perdues en 1697). Partisan de la politique royale d'agrandissement territorial puis de linéarisation frontalière, Vauban écrit en 1672 que le roi doit « faire son pré carré ». Sa principale création, utilisée jusqu'en 1870, est le réseau défensif composé des trois lignes de places fortes qui barrent les faibles reliefs du Nord et de l'Est, de Dunkerque à Besançon. En campagne, Vauban invente le tir à ricochet de l'artillerie, structure les brigades d'ingénieurs du génie (1691), répand l'usage des grenades, fait adopter le fusil (1703). Il rédige des écrits militaires (Traité de l'attaque et de la défense des places, Essai sur les fortifications, etc.), publiés au XVIIIe siècle, ainsi que des mémoires géostratégiques. Magnifiés par l'adage « Ville défendue par Vauban, ville imprenable ; ville investie par Vauban, ville prise », ses succès le font gouverneur de la citadelle de Lille (1668), brigadier (1674), maréchal de camp (1676), lieutenant général (1688), gouverneur de Douai (1680), grand-croix de Saint-Louis (1693), membre honoraire de l'Académie des sciences (1699), maréchal de France (1703), chevalier du Saint-Esprit (1705).
Une intelligence multiforme au service de l'État.
• La polyvalence réclamée par ses fonctions et les tournées permanentes qu'elles requièrent, la participation à des travaux civils tels ceux de l'aqueduc de Maintenon ou du canal du Midi, un esprit d'observation joint à l'habitude de la mesure quantitative, un effort constant d'intégration des expertises au sein d'un raisonnement d'ensemble, font de Vauban un bon connaisseur du royaume, doublé d'un esprit indépendant, qui consigne ses spéculations chiffrées et ses projets de réforme dans des mémoires parfois communiqués au roi. Ainsi, son Projet d'une dîme royale, très lu au XVIIIe siècle, imprimé (mais non publié) sans autorisation en 1707, saisi et mis au pilon en un temps où les difficultés du royaume suscitent nombre de critiques. Visant la rentabilité fiscale, Vauban y préconise une meilleure répartition des charges par le prélèvement universel du dixième des revenus fonciers ; les privilégiés y seraient soumis, en contrepartie d'une moindre taxation des consommations. L'instauration provisoire de l'impôt du dixième (1710) en est un écho très affaibli.
Ces réflexions suivent une multitude d'études locales ou sectorielles, la plupart manuscrites. Le recours à la statistique démographique (Méthode générale et facile pour faire le dénombrement des peuples, 1686), l'amélioration de la fiscalité (« Projet de capitation », 1694), des subsistances (« De la cochonnerie » évalue la capacité de reproduction du porc), de l'organisation sociale (« Idée d'une excellente noblesse... »), de l'aménagement du territoire, des colonies, doivent profiter à l'État. En s'opposant à la révocation de l'édit de Nantes (1685), qui inquiète les États protestants et entraîne pour le royaume une perte de richesse en raison de l'exil de nombreux huguenots, Vauban, pieux catholique, manifeste, cette fois encore, le souci qu'il a toujours eu de préserver la puissance de l'État.