Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

palafitte, (suite)

La réalité des palafittes est un peu différente. C'est au début du IVe millénaire, à la suite des tensions territoriales caractéristiques du début du chalcolithique, que des communautés s'installent, pour des raisons défensives, sur les presqu'îles marécageuses des lacs des Alpes et du Jura, en Suisse, en France, en Allemagne et en Italie. Selon la nature du terrain, les habitations sont construites à même le sol, ou bien sur des pilotis plus ou moins élevés. Elles sont protégées par des palissades et reliées par des chemins de planches. Abandonnées, elles s'effondrent avec leur contenu dans la vase environnante, et sont parfois recouvertes par les eaux à l'occasion d'une remontée du niveau des lacs. Ce milieu humide assure aux vestiges d'exceptionnelles conditions de conservation, notamment pour les objets organiques : textiles, bois (manches d'outils, vaisselle, peignes), cuir, vannerie, et même fruits, baies, excréments, pupes de mouche, etc. En effet, aucun de ces éléments n'aurait résisté ordinairement à un aussi long séjour dans la terre ferme. Les palafittes nous fournissent donc des informations très précieuses, mais localisées, sur la vie quotidienne protohistorique.

En France, de tels sites ont fait l'objet de fouilles détaillées sur les lacs de Chalain et de Clairvaux (Jura), et de Paladru (Isère). Des occupations ultérieures sont attestées à l'âge du bronze dans la vallée de la Saône (Ouroux, Saône-et-Loire) ou sur le lac du Bourget, et même jusqu'au Moyen Âge (Paladru).

Palais-Royal,

palais situé dans le IIe arrondissement de Paris.

Ancien palais du cardinal Richelieu, que celui-ci acquiert lorsqu'il est nommé Premier ministre de Louis XIII en 1624, il comporte un hôtel et des terrains situés en face du Louvre, où la cour du roi s'est installée depuis le XVIe siècle.

La construction du pavillon de l'Horloge par l'architecte Lemercier (1624) incite le Cardinal à confier à ce dernier l'aménagement de son hôtel en palais (1633) - comme il lui avait confié, auparavant, la reconstruction de la Sorbonne (1626) -, dans un style baroque qui demeure toutefois plus influencé par les principes de Palladio et de la Renaissance que par ceux des maîtres italiens contemporains. Sous la direction de Desgots, jardinier du roi, les jardins du Palais-Cardinal - ainsi d'abord nommés - deviennent les plus vastes du Paris de l'époque. Prudemment, en 1636, le Cardinal lègue au roi de France sa propriété, qui devient alors le Palais-Royal, résidence d'Anne d'Autriche et de son enfant, le futur Louis XIV.

Après les troubles de la Fronde, qui conduisent la famille royale à se réfugier au Louvre, le palais est attribué à Henriette-Marie de France, veuve de Charles Ier d'Angleterre, avant que le mariage de sa fille Henriette-Anne avec Monsieur, frère de Louis XIV, ne fasse entrer le domaine dans les biens de la maison d'Orléans (il le demeurera jusqu'en 1854). Le Régent, Philippe II d'Orléans, qui hérite le palais de son père, poursuit les travaux entrepris par celui-ci, constitue une collection de tableaux exceptionnelle et fait de la demeure un lieu de plaisirs réputés (les « soupers du Palais-Royal » sont restés fameux). Le petit-fils du Régent, Louis-Philippe, choisit après l'incendie de l'Opéra du Palais (1763) d'entreprendre une grande opération immobilière qui doit lui permettre de rétablir ses finances compromises par sa prodigalité extravagante : sur les trois côtés du jardin, réduit d'un tiers, le duc fait construire un ensemble de maisons de rapport, dont le rez-de-chaussée est occupé par des galeries et des boutiques. La réalisation en est confiée à Victor Louis, l'architecte de l'Opéra de Bordeaux. C'est une réussite esthétique autant que commerciale. Bordés des rues qui prennent les noms des fils du duc - Montpensier, Beaujolais et Valois -, les galeries et jardins du palais deviennent le lieu de promenade favori des Parisiens. Après un second incendie (1781), Louis-Philippe confie au même architecte la réalisation de la salle du Théâtre-Français, où s'installera la Comédie-Française (1799).

Domaine princier et, à ce titre, interdit d'accès à la police, le Palais-Royal est devenu un lieu de libertés, de débauches même, autant qu'un foyer de contestation. Depuis le café Foy, le 13 juillet 1789, Camille Desmoulins y improvise une manifestation qui prélude à la prise de la Bastille. Sous l'Empire, le palais, qui avait été le siège du Tribunat en 1799, devient celui de la Bourse et du Tribunal de commerce (1809), sans perdre cependant la fréquentation des « demoiselles » dont la galanterie attire une clientèle cosmopolite. À la Restauration, le duc d'Orléans, futur « roi des Français », décide de faire place nette : les tripots sont fermés et l'architecte Fontaine supprime les vieilles galeries de bois, qu'il remplace par un grand portique à deux colonnes, construit l'aile Montpensier et rénove celle de Valois. Cet « assainissement » provoque, paradoxalement, le déclin du lieu.

Après avoir été confisqué à la famille d'Orléans par l'empereur Napoléon III au profit du roi Jérôme de Westphalie, le palais est partiellement incendié pendant la Commune. Restauré, il est désormais le siège du Conseil d'État et du ministère de la Culture, les Sages du Conseil constitutionnel occupant l'aile de la rue Montpensier. Le palais et ses jardins sont devenus un havre de paix, que seule est venue troubler la polémique née de l'installation dans la cour d'honneur, au début des années 1980, des colonnes blanches et noires de l'artiste contemporain Daniel Buren.

Palatine (Charlotte Élisabeth de Wittelsbach, dite la princesse),

princesse électorale de Bavière, duchesse d'Orléans, dite aussi Madame (Heidelberg 1652 - Saint-Cloud 1722).

Mariée à Monsieur (Philippe, duc d'Orléans), frère du roi Louis XIV, Madame a la réputation d'un personnage haut en couleur : indomptable, coléreuse, grossière, voire vulgaire, capable de souffleter publiquement son fils - le futur Régent - le jour de ses noces, parce qu'elle désapprouve ce mariage imposé avec une bâtarde, fût-elle fille légitimée du roi. Cette maîtresse femme brave même son royal beau-frère, allant jusqu'à porter le deuil du Palatinat, lorsqu'en 1689, au début de la guerre de la Ligue d'Augsbourg, Louis ravage le pays de ses ancêtres. Jeune allemande sortie d'une minuscule cour (son père est Électeur palatin du Rhin), transplantée à Versailles, fille d'un père autoritaire, mariée à Monsieur déjà veuf d'Henriette d'Angleterre, c'est une épouse délaissée ; protestante convertie, demeurée lectrice assidue de la Bible et des psaumes, « Liselotte » partage ses journées entre ses enfants, son fils qu'elle adore, la nature, l'équitation ; mais c'est surtout son écritoire qui l'occupe. En cinquante ans, elle rédige quatre-vingt mille lettres (cinq par jour), qui inquiètent Torcy, surintendant des Postes. Ses correspondants sont tous ses cousins d'Europe, y compris le pire ennemi du roi, Guillaume III. Ses lettres constituent une magnifique source sur le règne de Louis XIV : sévères pour les mœurs de cour, haineuses pour Mme de Maintenon (cette « guenon », cette « ordure », cette horrible « ripopée »), intarissables sur les mille et un petits gestes de la vie, elles s'imposent comme une véritable chronique du règne qui, bien souvent, contribue à la légende noire de Louis XIV. D'un roi que, pourtant, toujours elle respecta, adora, voire aima en secret dans sa cruelle condition de belle-sœur, qui la rendait inaccessible jusque dans l'esprit.