bonnes villes.
L'expression « bonnes villes » distingue d'abord, au XIIe siècle, les cités les plus opulentes et les mieux défendues ; ce n'est qu'un siècle plus tard, sous le règne de Saint Louis, qu'elle prend un sens politique.
Choqué par l'état des finances municipales, le roi de France place en 1262 les comptes des bonnes villes sous tutelle royale. La décision, assurément, parle d'avenir : car, jusqu'à l'époque moderne, l'endettement des villes demeure le cheval de Troie du pouvoir central dans l'administration municipale. Depuis Saint Louis, quoi qu'il en soit, les rois de France considèrent comme bonnes villes les cités qui, par leur richesse, leur puissance politique ou leur valeur stratégique peuvent être utiles au royaume. C'est pourquoi la liste des « bonnes villes du royaume de France » était et reste impossible à dresser pour les chancelleries royales du XIVe siècle comme pour les historiens contemporains : elle varie en fonction des évolutions du réseau urbain et des rapports de force.
Si une cité aspire au rang de bonne ville, c'est qu'elle accepte d'être intégrée au système monarchique : il est vrai que les grandes villes du royaume ont dû se soumettre, à mesure que se construisait l'État royal, à un contrôle croissant du pouvoir central. Mais les oligarchies urbaines, qui contrôlaient le gouvernement des villes, ne s'opposaient que rarement à la montée en puissance d'un État monarchique dont elles avaient tout intérêt à devenir les relais locaux. Et, en contrepartie, les bonnes villes recevaient un droit de représentation : reconnues comme des corps politiques pouvant incarner l'ensemble d'un pays, les bonnes villes sont convoquées aux assemblées d'états à partir de 1304, que ces assemblées soient royales ou provinciales.
Tout change, cependant, avec la réunion de 1484, premiers « états généraux du royaume » où les députés élus par bailliages sont choisis parmi les « trois ordres » et où les bonnes villes ne sont plus représentées en tant que telles. À l'époque des guerres de Religion, alors que la crise de l'État fait renaître l'idéal de l'autonomie urbaine, la distinction perd de son sens : toute ville peut prendre le titre de « bonne ville », parce que les privilèges politiques liés à ce statut se sont effacés. Si l'histoire des rapports entre villes et royauté n'est pas terminée, celle des bonnes villes l'est : l'expression subsiste encore dans les discours municipaux, mais comme un artifice archaïsant, vide de sens.
Bonnet (Georges),
homme politique (Bassilac, Dordogne, 1889 - Paris 1973).
Licencié en droit et en lettres, combattant de la Grande Guerre, il est délégué de la France à la conférence de paix en 1919. Membre du Parti radical, député de la Dordogne de 1924 à 1928 et de 1929 à 1940, il commence sa carrière ministérielle en tant que sous-secrétaire d'État à la présidence du Conseil, en 1925. Hostile au « mur d'argent », il milite à l'aile gauche du Parti radical, et reste dans l'opposition, avant de devenir ministre des Finances de 1932 à 1934. Il préfère alors l'assainissement des finances publiques au réarmement, si bien que Daladier l'écarte de son cabinet. En 1935, il rallie l'aile droite du parti, et il s'opposera au Front populaire. Après la chute de Léon Blum, il retrouve le portefeuille des Finances en 1937, s'oppose de nouveau au réarmement, et défend la politique d'apaisement face à l'Allemagne. En 1938, ministre des Affaires étrangères de Daladier, il incite la Tchécoslovaquie à faire des concessions, et adhère aux accords de Munich. Il s'efforce jusqu'au bout d'empêcher la guerre en appuyant la proposition italienne de réunir une conférence internationale. Ministre de la Justice de septembre 1939 à mars 1940, il poursuit les communistes et restreint la liberté d'action des étrangers. Ayant voté les pleins pouvoirs à Pétain, il se rapproche du régime de Vichy, avant de se réfugier en Suisse en 1943. Il est exclu du Parti radical en 1944, mais retrouve un mandat de député de 1956 à 1967.
bonnet phrygien,
bonnet arboré notamment par les révolutionnaires français comme symbole de la liberté.
Hérité de l'Antiquité, le bonnet phrygien, également appelé « bonnet de la liberté » ou « bonnet rouge », se caractérise par deux pans tombant sur les oreilles. D'abord porté par les Phrygiens, peuple d'Asie Mineure, il devient à Rome signe de liberté, car les esclaves affranchis le coiffent. Au XVIIIe siècle, il est le symbole iconographique de la liberté. Or les paysans mettent couramment un bonnet de laine. Cette rencontre entre une coutume vestimentaire populaire et une iconologie savante explique la popularité du bonnet phrygien pendant la Révolution française.
Apparu dans les premiers mois de la Révolution, il devient inséparable des représentations allégoriques de la Liberté : une femme coiffée du bonnet phrygien, ou qui le tient au bout d'une pique. Après 1792, il envahit l'iconographie, que ce soit au sommet des « arbres de la liberté » ou sur les vignettes officielles des armées. Et le sans-culotte, citoyen libre et révolutionnaire, l'arbore fièrement sur la tête. Sa forte charge symbolique en fait l'enjeu de véritables « combats vestimentaires » par lesquels s'expriment aussi les luttes politiques : en 1792, des groupes de sans-culottes font tomber les coiffures « aristocratiques » des passants pour les remplacer par le bonnet de la Liberté ; le 20 juin 1792, lorsque les sans-culottes envahissent les Tuileries, ils forcent Louis XVI à le porter. En 1793, des femmes qui se veulent citoyennes s'en emparent, déchaînant l'indignation de celles et ceux qui pensent que ce signe doit être réservé aux hommes, et ce sont les rixes qui s'ensuivent qui servent de prétextes à l'interdiction des clubs de femmes. C'est pourtant une femme portant le bonnet phrygien qui symbolise officiellement la République : depuis le 25 septembre 1792, le sceau de l'État représente « la France sous les traits d'une femme vêtue à l'Antique, debout, tenant de la main droite une pique surmontée du bonnet phrygien ou bonnet de la Liberté ». Et, petit à petit, la femme au bonnet rouge n'incarne plus seulement la Liberté mais aussi la République française.