Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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droits de l'homme et du citoyen (Déclaration des), (suite)

Principes politiques et systèmes de gouvernement.

• Les ambiguïtés du texte sont cependant bien réelles. Les principes sont posés, mais quel système politique et institutionnel permettra de les appliquer au mieux ? La Déclaration n'implique, de façon explicite, aucune forme d'organisation des pouvoirs. C'est une force, car elle peut être source de légitimité universelle ; c'est aussi une faiblesse, car tous, même ceux qui, dans les faits, la bafouent obstinément, peuvent s'en réclamer. La Déclaration s'offre donc comme un texte de référence à l'aune duquel tous les hommes engagés sur la scène publique peuvent être jugés, en conformité ou en contradiction avec les principes fondateurs. Le respect des droits de l'homme devient une source de reconnaissance et une forme de revendication politiques. Mais aucune autorité supérieure aux enjeux de pouvoir, et chargée de veiller à l'application réelle des principes énoncés, n'a été mise en place. La grande question, posée mais non résolue par cette Déclaration, sera donc de penser le passage des principes à la Constitution, puis des principes à l'action politique. Les différentes Déclarations qui lui succéderont peuvent être comprises de ce point de vue. En 1793 (Déclaration de l'an I), le droit à l'insurrection contre un pouvoir arbitraire, les droits sociaux (secours publics, instruction), sont intégrés au document, témoignant de la radicalisation du mouvement révolutionnaire. En 1795 (Déclaration de l'an III), le texte écarte les droits les plus revendicatifs, tout en réaffirmant son attachement aux « principes de 1789 ». Depuis lors, cette formule figure en tête de la plupart des textes constitutionnels français ou internationaux de tradition démocratique - notamment la Déclaration universelle des droits de l'homme (adoptée en 1948 par l'Unesco, sous l'influence de René Cassin) et la Constitution de la Ve République, votée en 1958.

droits de l'homme (Ligue des),

ligue née en février 1898, en pleine affaire Dreyfus, et officiellement constituée en juin.

Au cours du procès d'Émile Zola, Ludovic Trarieux, sénateur républicain modéré, ancien garde des Sceaux, propose à quelques amis, intellectuels et hommes politiques, de fonder une ligue pour « la sauvegarde des libertés individuelles ». Celle-ci devient le fer de lance du combat dreyfusard, et se fixe pour but, par-delà la réhabilitation de Dreyfus, la défense de la République et de ses valeurs fondamentales. Cénacle de réflexion et d'organisation de lutte, elle définit alors des objectifs qui constituent la base de tous ses engagements ultérieurs : l'application vigilante des principes contenus dans les Déclarations de 1789 et de 1793, la défense des personnes victimes de l'arbitraire, la promotion de l'État de droit. À l'issue de l'affaire Dreyfus, elle compte près de 50 000 membres. Elle inscrit son combat dans la thématique radicale de séparation des Églises et de l'État, et intervient pour dénoncer les conseils de guerre, ainsi que les procès intentés aux syndicalistes lors des grèves des années 1910.

La période de l'entre-deux-guerres et la présidence de Victor Basch marquent l'apogée de la Ligue des droits de l'homme, forte de 180 000 adhérents en 1933. Délaissée par les communistes en 1923, elle est traversée par les tensions qui opposent radicaux et socialistes. De plus en plus proche de la SFIO, elle constitue l'un des piliers du Rassemblement populaire de 1935-1936. En 1940, parce qu'elle défend les idéaux démocratiques, elle est l'une des premières cibles des nazis, qui ravagent son siège parisien. Nombre de ses membres se retrouvent dans la Résistance, et Victor Basch est assassiné par la Milice en janvier 1944.

Après la guerre, ajoutant à ses références la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, la Ligue engage la lutte contre les méfaits de la colonisation : dénonciations de la répression de Sétif en 1945, des procès de Madagascar en 1947, de la torture et de la censure lors de la guerre d'Algérie. Elle milite pour la défense de l'école laïque et pour les soldats ou les citoyens victimes de l'appareil d'État. En outre, elle se montre vigilante lorsque les progrès techniques menacent les individus. Elle dénonce, dès 1949, les camps de travail en Union soviétique, et, au cours des décennies suivantes, les dictatures d'Amérique latine, l'apartheid en Afrique du Sud, l'intégrisme en Iran, le totalitarisme chinois. Ayant soutenu le candidat Mitterrand à l'élection présidentielle en 1981 et 1988, la Ligue, réduite à une dizaine de milliers d'adhérents, se mobilise, dans les années quatre-vingt-dix, pour la défense du droit d'asile, des étrangers résidant en France, et contre le racisme.

droits de l'homme (Société des),

société politique républicaine née en 1833 d'une section des Amis du peuple.

Animatrice de l'opposition à la monarchie de Juillet, la Société des droits de l'homme est composée de groupes réduits afin d'échapper à la répression. Ses revendications s'inscrivent dans la tradition jacobine, à laquelle se réfère son manifeste, publié dans le journal la Tribune du 22 octobre 1833. Ce texte reflète également la pénétration des idées socialistes à la suite des émeutes de juin 1832, prônant la limitation du droit de propriété, l'organisation du travail, l'introduction d'un impôt progressif, des interventions de l'État dans tous les domaines. Le mouvement s'implante surtout dans l'est de la France, particulièrement en Alsace et dans la région lyonnaise. Bientôt dissous, il doit se transformer en société secrète et subit les poursuites du ministre de l'Intérieur, Adolphe Thiers, qui fait arrêter 150 de ses dirigeants en avril 1834. La société est décapitée, même si certains de ses militants participent au soulèvement parisien du 13 avril, qui s'achève par le massacre de la rue Transnonain.

droits seigneuriaux,

ensemble de droits détenus sur la terre et sur les hommes à l'intérieur d'une seigneurie. Ils résultent à la fois du statut du sol et du pouvoir général de commandement (ban) exercé par le seigneur.

Les droits issus du foncier sont des redevances fixes (cens) ou proportionnelles à la récolte (champarts) dues par les exploitants au titre de leur tenure. Ce peuvent être également des corvées imposées aux tenanciers pour mettre en valeur la réserve du maître du sol. Ces prélèvements ne sont pas nouveaux et existaient déjà dans la villa carolingienne, dont la seigneurie prend la succession sans que la structure foncière soit véritablement altérée.