Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
H

héraldique. (suite)

La Révolution met fin à cette ostentation généralisée par un décret du 19 juin 1790 qui ordonne la suppression des armoiries. Rétablies en 1808 par Napoléon, elles voient alors leur usage réservé à la noblesse - d'où la confusion trop fréquente entre héraldique et apanage nobiliaire. Cette restriction ne supprime pas pour autant l'héraldique propre aux communautés civiles. La vogue contemporaine de l'héraldique dans les pays d'Europe occidentale, reprise dans l'emblématique urbaine et administrative, en constitue aujourd'hui le témoignage le plus frappant.

Le déchiffrement des armoiries, définitivement codifiées au XIVe siècle par des fonctionnaires au service du roi, suppose l'accès à un savant principe d'écriture. Simples ou divisées en quartiers, les armoiries offrent ainsi la possibilité de « lire » l'histoire d'une famille ou d'une communauté et de retrouver le nom de leur possesseur. L'enchevêtrement complexe des sept couleurs de base et de différentes figures animales, végétales, architecturales ou géométriques permet par exemple de traduire le jeu des alliances, des ascendances ou encore l'histoire des principautés.

Plusieurs niveaux de significations sont en général repérables. Jouant sur des rébus ou des similitudes phonétiques (sur l'écu de Racine figuraient un rat et un cygne), les armoiries atteignent ainsi parfois la dimension emblématique d'une véritable biographie. Parfois allusives, elles peuvent aussi souligner un dessein politique ou symbolique qui nous demeure hermétique. Conférées à des figures bibliques (Dieu, dès la fin du XIIIe siècle) ou romanesques (de Chrétien de Troyes à Balzac), elles ouvrent aussi un champ d'étude de l'imaginaire, dont le langage reste à découvrir.

hérésie,

opinion religieuse jugée par l'Église catholique comme contraire à la foi.

Le mot « hérésie » (issu du grec hairesis, « choix ») est d'abord utilisé par les juifs pour définir les différentes tendances spirituelles internes au judaïsme, avant d'être appliqué, au début de notre ère, au christianisme lui-même, alors considéré comme un courant hérétique. Puis, dès le IIe siècle, le même terme est repris par les chrétiens dans un sens polémique. Il sert alors à désigner, au sein de l'Église chrétienne, tout mouvement ou tendance spirituelle supposés se trouver dans l'erreur ou dans la déviance.

Hérésie et dogme.

• Dans l'Église primitive des Ier et IIe siècles, une large place est laissée aux opinions diverses qui s'expriment dans les communautés ou dans les assemblées. À mesure que l'Église s'étend dans le Bassin méditerranéen, les divergences liées à des questions doctrinales s'accentuent, et menacent la cohésion de l'identité chrétienne. Elles sont suffisamment nombreuses pour justifier la définition d'un dogme décidant alors du caractère hérétique de tout point de doctrine étranger à la formulation officielle. Le dogme doit ainsi son élaboration progressive à une succession de conciles, inaugurée par le concile de Nicée en 325, date de naissance de l'orthodoxie et, par conséquent, de celle des hérésies. En retour, l'hérésie contribue à faire des dogmes autorisés des vérités infaillibles, qui tendent alors au formalisme. Elle coïncide avec la définition des concepts fondamentaux de l'ecclésiologie et avec la formation du canon scripturaire.

Au cours des premiers siècles, les Pères de l'Église dressent de véritables catalogues des hérésies, dont la multiplicité atteste la vigueur des innovations doctrinales dans un christianisme en pleine élaboration. En utilisant, notamment, le genre de la controverse pour faire l'apologie de la doctrine chrétienne, les théologiens réfutent l'ensemble des affirmations hérétiques qui contestent les définitions officielles de la foi. Justin (vers 100-vers165), dans son Traité contre toutes les hérésies, voit en Simon le Mage le père de toutes les hérésies, dont il propose une liste. Cette dernière est complétée par Irénée (vers 130-vers 200) dans son traité Contre les hérésies, qui dénonce les amalgames philosophiques et païens opérés par les sectateurs. Dès le IIIe siècle, les Pères de l'Église combattent de multiples conceptions hétérodoxes, tels le docétisme, qui nie la réalité humaine de l'Incarnation du Verbe - et donc sa Passion et sa Résurrection -, ou encore le dualisme, conception selon laquelle le monde est gouverné par deux principes opposés, etc. Le manichéisme, le pélagianisme ou le macédonianisme - hérésies orientales qui ont alors peu d'influence en France - sont encore l'occasion pour les théologiens d'affirmer l'unité de Dieu, la nécessité de l'aide de Dieu et la divinité du Saint-Esprit.

Les hérésies médiévales.

• Entre le IVe et le VIIe siècle, c'est surtout autour de l'arianisme et du nestorianisme que se cristallisent les querelles majeures relatives à la nature divine et humaine du Christ. La lutte contre les hérésies est dès lors étroitement liées à la définition du monothéisme d'État en Orient et à la constitution des royaumes en Occident (Gaule franque, par exemple, où les Mérovingiens s'appuient sur l'épiscopat pour étendre leur domination). Les hérésies continuent néanmoins de se multiplier pendant tout le haut Moyen Âge, et prennent une forme de contestation multiforme, allant de la réaction théologique à la revendication sociale, voire à une forme de résistance de type national (pauliciens ou bogomiles en Flandres, Rhin, Champagne, par exemple).

Dans la lignée des hérésies récusant l'autorité de l'apôtre Pierre, de nombreux courants dissidents aux tendances manichéennes sont liés aux mouvements réformateurs du XIe siècle. Leurs revendications de nature évangélique se mêlent à des critiques d'ordre moral, qui ajoutent au discrédit de l'Église, critiquée pour ses mœurs dépravées et l'immoralisme de son clergé (simonie, nicolaïsme). Les hérésies, dans l'ensemble, ne remettent plus en cause les fondements dogmatiques du christianisme et les grands mystères de la foi chrétienne (Trinité, Eucharistie, Salut, etc.) mais prennent pour cible la décadence de l'Église par rapport aux temps évangéliques, et ses structures institutionnelles. Dans le sillage des premiers réformateurs inspirés (Éon de l'Étoile, Pierre de Bruys ou Henri du Mans, etc.), surgissent, au XIIe siècle, des mouvements de laïcs prêchant l'Évangile au nom de leurs pratiques apostoliques et de leur pauvreté volontaire. Parmi eux, les « pauvres de Lyon », ou vaudois (du nom de leur prédicateur Pierre Valdo), très présents dans la région lyonnaise et le monde alpin, sont condamnés en 1184. À la différence de celle des vaudois, la doctrine des cathares est incompatible avec le dogme du christianisme. La simplicité apparente du catharisme, professant notamment le dualisme et l'ascétisme, trouve de nombreux adeptes, surtout dans le midi de la France et en Italie. En pleine phase d'expansion après 1140, l'hérésie cathare est violemment réprimée par l'Église. Dès le concile de Tours (1163), les cathares sont menacés d'excommunication, mais aussi de peines de prison ou de confiscations de biens. Après l'appel à la guerre sainte par le pape Innocent III, la croisade contre les albigeois est lancée par le roi Philippe Auguste à partir de 1208. En 1231, le pape Grégoire IX institue une juridiction d'exception, l'Inquisition, qui constitue alors l'instrument majeur de la répression contre les hérétiques. Ainsi, le catharisme disparaît dans la première moitié du XIVe siècle.