Cent Ans (guerre de). (suite)
À la mort d'Henri IV (1413), son fils Henri V, soucieux de rallier derrière lui l'aristocratie anglaise, réclame à la France tous les territoires perdus au traité de Brétigny. La véritable offensive commence en août 1415. Rejoint à Azincourt par l'armée française, sur le plateau d'Artois, Henri V lui inflige une défaite très sévère (25 octobre 1415) avant de regagner l'Angleterre. Il revient en France en 1417, à la tête d'une armée bien équipée et fortement disciplinée. Il occupe alors la Normandie et le Cotentin. En face de lui, les princes français sont divisés. Le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, installe à Troyes un gouvernement dirigé par la reine Isabeau de Bavière, et, en mai 1418, les Bourguignons s'emparent de Paris, où les Armagnacs, présents depuis 1412, avaient fini par s'aliéner la population. Le dauphin Charles, quant à lui, installe un gouvernement à Bourges et prend le titre de régent du royaume. Henri V occupe Rouen, le pays de Caux, le Vexin, le Perche. Le conflit entre Armagnacs et Bourguignons aboutit en septembre 1419 à l'assassinat de Jean sans Peur lors d'une entrevue avec le dauphin. Henri V réclame alors la couronne de France. Il n'envisage pas l'annexion du royaume mais l'union, sous son nom, des couronnes de France et d'Angleterre. Poussés par le nouveau duc de Bourgogne, Philippe le Bon, Isabeau de Bavière et Charles VI concluent avec Henri V le traité de Troyes (21 mai 1420) : le roi d'Angleterre épouse Catherine, fille de Charles VI, et la couronne de France doit lui revenir à la mort du souverain ; il exerce la régence avant de succéder à son beau-père, et le dauphin Charles est purement et simplement déshérité.
La France est alors coupée en trois. Les Anglais contrôlent directement Calais, la Guyenne, la Normandie et les pays dits « de conquête » (Vexin, une partie du Chartrain et du Maine). Le dauphin Charles jouit du soutien de la plus grande partie de la France du Centre et du Sud. Paris et les bailliages qui entourent la capitale forment la France « anglo-bourguignonne » ; le duc de Bourgogne conserve toutefois le contrôle de ses propres possessions. Malgré la faible légitimité du dauphin, la partie est délicate pour l'envahisseur : les effectifs de l'armée anglaise restent insuffisants alors qu'elle ne cesse de se heurter à des actes de résistance, notamment en Normandie ; quant à la France anglo-bourguigonne, elle est contrôlée pour l'essentiel par des troupes bourguignonnes dont la fidélité n'est pas, tant s'en faut, à toute épreuve.
En 1422, après les morts successives d'Henri V et de Charles VI, Henri VI est proclamé roi de France et d'Angleterre, tandis que le dauphin Charles, qui a déclaré nul le traité de Troyes, se proclame roi de France sous le nom de Charles VII. Le jeune monarque anglais n'a alors que quelques mois, et son oncle, le duc de Bedford, devient régent de France et « protecteur » du royaume d'Angleterre.
Sur le plan militaire, la période 1420-1428 est confuse et indécise. En 1424, Bedford remporte la victoire de Verneuil, qui reste néanmoins sans lendemain. En 1428, pour s'ouvrir un passage vers le Berry, les Anglais lancent une grande attaque contre Orléans. Clé du centre et du sud de la France, la ville a une valeur stratégique et symbolique importante. La résistance farouche des habitants et l'intervention providentielle de Jeanne d'Arc, qui a convaincu Charles VII de lui confier le commandement d'une armée, aboutissent à la levée du siège le 8 mai 1429. L'événement a une résonance considérable, et cristallise des énergies désorientées par la situation politique et militaire. Jeanne d'Arc ne manque pas d'exploiter ce premier succès et d'accomplir l'autre volet de sa mission : elle entraîne l'armée royale à Reims et y fait sacrer Charles VII (18 juillet 1429), à l'issue d'une longue chevauchée qui révèle la faible capacité de résistance de la France anglo-bourguignonne. Son élan est néanmoins brisé devant Paris, car Charles VII ne lui accorde qu'un soutien ambigu. Capturée en 1430, elle est brûlée à Rouen l'année suivante, au terme d'un procès en hérésie dont les Anglais attendent un bénéfice politique : convaincre Jeanne d'Arc de sorcellerie, c'est discréditer du même coup le souverain qui lui doit son sacre.
Une guerre sans « fin » ?
Malgré leur impact sur les esprits, les succès de Jeanne d'Arc n'ont pas suscité dans le royaume un véritable élan. À la cour, nombreux sont les conseillers de Charles VII qui prônent la voie diplomatique, et plus particulièrement la réconciliation avec la Bourgogne. Tendance si dominante que le gouvernement de Charles VII ne réagit ni à la capture de Jeanne d'Arc ni à sa condamnation.
La réconciliation franco-bourguignonne est concrétisée en septembre 1435 par le traité d'Arras. Charles VII désavoue le meurtre de Jean sans Peur, dispense Philippe le Bon de l'hommage et lui garantit les acquisitions faites à la faveur de la guerre. Concessions lourdes, mais qui permettent le retour sous obédience royale des régions contrôlées par les Bourguignons. Paris est libéré quelques mois après le traité d'Arras, en avril 1436.
Devant l'impossibilité de mettre fin au conflit, en avril 1444, Français et Anglais se résignent à conclure, à Tours, une trêve qui dure quatre ans. Charles VII en profite pour réorganiser ses armées et rompt la trêve en 1449. La Normandie est reconquise en un an, d'août 1449 à août 1450 (victoire de Formigny, 15 avril 1450) ; la Guyenne l'est plus difficilement, de 1450 à 1453 (victoire de Castillon, 17 juillet 1453). Aucun traité de paix n'est signé. Mais la guerre des Deux-Roses ne tarde pas à mobiliser les énergies de l'Angleterre et à éloigner durablement de son horizon toute entreprise continentale.
Étrange guerre, qui finit sans connaître d'achèvement officiel. Jusqu'à la fin du XVe siècle, les relations entre les deux royaumes restent difficiles, et les Français continuent de redouter une intervention anglaise en Guyenne. Sous Louis XI, en 1475, une armée anglaise conduite par Édouard IV, allié de Charles le Téméraire, débarque en France. Mais les deux rois concluent le traité de Picquigny, que d'aucuns considèrent, à tort ou à raison, comme la fin officielle de la guerre de Cent Ans. L'effondrement de l'État bourguignon, après la mort de Charles le Téméraire (1477), modifie la donne politique en Europe et éclipse le vieux conflit franco-anglais : la scène sera bientôt dominée par la lutte des Valois et des Habsbourg, qui, durant deux siècles, vont se disputer l'hégémonie en Europe. L'Angleterre, dans cette lutte, sera tantôt l'alliée des Impériaux et tantôt celle de la France.