Beaumarchais (Pierre Augustin Caron de),
homme d'affaires et homme de lettres (Paris 1732 - id. 1799).
Fils d'un artisan horloger de Paris du nom de Caron, il s'impose comme l'une des figures de l'espace public en constitution à la veille de la Révolution. Le premier différend qui l'oppose, jeune inventeur d'un échappement de montre, à un horloger célèbre qui prétend s'approprier son invention est caractéristique de sa conduite dans les affaires qui vont se succéder tout au long de sa vie : il s'adresse à l'Académie des sciences pour faire reconnaître son droit. Il refusera toujours la loi du plus fort et dénoncera l'injustice sur la place publique.
Un touche-à-tout de génie.
• Il fait d'abord carrière à la cour comme fournisseur en montres, comme professeur de harpe des filles du roi, puis comme titulaire de plusieurs offices (contrôleur de la bouche, secrétaire du roi, lieutenant général des chasses). Il prend le nom de Beaumarchais et s'initie au monde de la finance grâce à Lenormant d'Étioles, le mari de Mme de Pompadour, puis à Pâris-Duverney. La mort de ce dernier, celles de sa première puis de sa seconde femme l'entraînent dans des procès en chaîne qui mettent en cause sa fortune, son honneur, sa liberté. D'accusé il se fait accusateur, dénonce la justice d'Ancien Régime, se retrouve au cœur des conflits qui opposent les parlements au pouvoir central. Il intervient dans tous les débats publics, mais se mêle aussi des trafics de l'ombre : il spécule partout où il le peut, négocie à Londres avec les pamphlétaires qui font chanter le gouvernement français, le chevalier d'Éon ou Théveneau de Morande, monte la société Roderigue Hortalez pour fournir en armes les insurgents américains qui viennent de déclarer leur indépendance et que la France ne veut pas soutenir officiellement. Il mène de front ces activités contradictoires, passant de la faveur royale à la suspicion, des honneurs à la prison, des applaudissements de l'opinion à la méfiance envers un parvenu doublé d'un spéculateur. Il tente à chaque fois de rebondir en mettant les rieurs de son côté. Il introduit l'ironie dans les débats juridiques et prend le public à témoin dans les Mémoires qu'il fait imprimer.
Les coups de maître d'un amateur.
• La pratique littéraire est partie intégrante de son activité d'homme d'affaires, de même qu'il s'intéresse à la production littéraire d'un point de vue financier : il fonde la Société des auteurs dramatiques (1777), qui lutte pour obtenir la reconnaissance du droit d'auteur, et la Société littéraire et typographique (1780) à Kehl, hors du territoire français, pour faire imprimer les ×uvres complètes de Voltaire, qui vient de mourir, puis celles d'autres grands écrivains. Il a commencé sa carrière d'auteur dramatique par des parades pour le théâtre privé de Lenormant d'Étioles, s'est ensuite essayé au genre nouveau du drame en faisant représenter à la Comédie-Française Eugénie (1767), puis les Deux Amis (1770), et en proposant une théorie du drame, Essai sur le genre dramatique sérieux (1767). Mais il n'atteint le succès qu'avec ses comédies, le Barbier de Séville (1775) et le Mariage de Figaro (1784), qui associent la tradition moliéresque, la présence physique de la commedia dell'arte et la satire sociale. Chaque représentation devient un jeu avec la censure. Beaumarchais utilise habilement ses relations à la cour pour opposer les unes aux autres les autorités d'Ancien Régime. La Révolution française casse ce jeu d'audace et de conformisme. Beaumarchais essaie d'acheter des armes pour l'armée française, veut faire payer leurs dettes aux États-Unis, mais n'évite la guillotine que de justesse. La Mère coupable (1792), suite larmoyante du Mariage, souligne qu'une page de l'histoire est tournée. Balzac naît lorsque meurt Beaumarchais.
Bedford (Jean de Lancastre, duc de),
régent du royaume de France ( ? 1389 - Rouen, 1435).
Fils du roi d'Angleterre Henri IV, le duc de Bedford est régent en Angleterre pendant la conquête de la Normandie par son frère Henri V (1415-1419). En 1422, à la mort du roi de France Charles VI, peu après celle d'Henri V, il recueille, selon les termes du traité de Troyes, l'héritage du royaume de France pour le jeune Henri VI et en devient régent. Maître de la France anglo-bourguignonne, il doit s'appuyer sur l'État bourguignon, et épouse Anne de Bourgogne en 1423. Son administration tente de concilier intérêts anglais et bourguignons, mais il lui faut lutter à la fois contre Charles VII et contre des insurrections locales ; à partir de 1429, l'intervention de Jeanne d'Arc devant Orléans marque le début des revers anglais. Bedford abandonne la régence en 1430, fait couronner Henri VI à Paris en 1431, et se replie en Normandie. Toutefois, l'alliance anglo-bourguignonne vacille, et s'achève lors des négociations d'Arras de 1435 : Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et Charles VII signent la paix, tandis que Jean de Bedford meurt le 14 septembre de cette année-là.
Deux analyses s'opposent aujourd'hui quant à l'histoire de la double monarchie. La première présente son échec comme inévitable, en raison des difficultés économiques et politiques de Bedford en France et en Angleterre. La seconde fait valoir la viabilité du principe, ainsi qu'en témoigne l'union des couronnes d'Aragon et de Castille. Une telle approche rend à l'entreprise de Jeanne d'Arc une importance historique déterminante.
béguines
et bégards, en France du Nord, à partir du XIIIe siècle, laïcs vivant en communauté et s'adonnant au travail et à la prière.
Cette nouvelle forme de vie religieuse, qui s'inspire des principes des ordres mendiants, connaît un certain succès au XIIIe siècle en Flandre et dans les régions rhénanes, alors qu'elle est rare en France méridionale. Sans prononcer de vœux, les bégards (ou béguins), et surtout les béguines, plus nombreuses, vivent en communauté, parfois à l'ombre de monastères, poursuivant un idéal de pauvreté et de vie évangélique. Solitaires ou regroupées dans les béguinages, qui se multiplient dans les villes, les béguines, qui doivent être veuves ou célibataires et se distinguent par le port d'un voile nommé « béguin », se consacrent à la prière, à l'artisanat, à l'assistance aux pauvres et à l'éducation des enfants.