Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

charte,

au Moyen Âge, document qui consigne par écrit un acte juridique et lui confère une valeur authentique.

On distingue traditionnellement deux types de sources écrites pour l'histoire médiévale : les sources narratives, telles les chroniques et les textes littéraires ; les sources dites « diplomatiques » ou « documentaires », qui rassemblent les documents écrits par les hommes du Moyen Âge dans le cadre de leur activité. Il peut s'agir de registres de comptes, de contrats de vente ou de mariage, d'actes de donation, de traités entre États, etc. Le terme de charte désigne, de manière assez large, ceux de ces documents qui possèdent une valeur juridique, les actes. Ils peuvent être d'origine publique ou privée.

Les actes publics sont produits par les chancelleries des États souverains, royaumes, papauté ou empire, mais aussi par certains duchés (Bretagne, Bourgogne). La chancellerie des rois de France, qui se développe à partir du XIIIe siècle, produit un grand nombre d'actes royaux. Seuls les plus solennels, munis du grand sceau royal, conservent le nom de chartes. Les autres sont appelés « préceptes », « lettres patentes », « mandements », « lettres missives » et « lettres closes ». Certains de ces actes très solennels accordent des privilèges à des villes (chartes de communes) ou des libertés féodales : ainsi la charte aux Normands, accordée par Louis X aux barons normands en 1315, ou encore la Grande Charte, extorquée par ses barons au roi d'Angleterre Jean sans Terre en 1215.

Les actes privés sont beaucoup plus nombreux que les actes publics ; ce sont le plus souvent des transferts de droits, des donations ou des ventes, ou encore des testaments.

Peu d'originaux munis de leurs sceaux et de tous leurs signes de validation sont parvenus jusqu'à nous. On a surtout conservé des registres ou cartulaires dans lesquels sont recopiés les textes des chartes, et des minutes, brouillons servant à la préparation des documents authentiques. L'étude des caractères formels (écriture, sceaux, ordre des phrases, support, etc.) des actes publics et privés du Moyen Âge - et, dans une moindre mesure, de l'Ancien Régime - relève d'une science auxiliaire de l'histoire, la diplomatique. Elle permet de déterminer l'authenticité des documents et de dépister les faux.

Charte constitutionnelle,

Constitution de la France de 1814 à 1848, modifiée en 1830.

À la chute de Napoléon, en 1814, l'Europe victorieuse juge que les Français n'accepteront pas un retour à l'absolutisme. Louis XVIII promet une Constitution, mais préfère parler de « Charte », terme plus médiéval que révolutionnaire, et prétend l'accorder librement, d'où le nom de « Charte octroyée ». Son préambule escamote vingt-cinq ans d'histoire - depuis 1789 -, et affirme la continuité monarchique, mais le texte garantit les libertés fondamentales, l'égalité juridique et la propriété, y compris celle des biens nationaux. Cette dualité reflète celle du régime, une monarchie ni parlementaire ni absolue. Le roi détient le monopole de l'initiative des lois, nomme les ministres et les membres de la Chambre des pairs. Il signe les ordonnances « nécessaires à l'exécution des lois et à la sûreté de l'État ». En outre, il peut dissoudre la Chambre des députés. Celle-ci est élue au suffrage censitaire : les électeurs doivent avoir 30 ans et payer 300 francs d'impôts directs ; les candidats éligibles, avoir 40 ans et payer 1 000 francs ; ils ne sont, respectivement, que 110 000 et 15 000. En retour, députés et pairs peuvent paralyser l'exécutif, car ils votent les lois et le budget - celui de 1814 étant le premier, en France, adopté ainsi.

Au-delà des Cent-Jours, où Benjamin Constant fait de la Charte la base de l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire, et malgré les limites de son libéralisme, ce texte permet d'implanter et de développer le parlementarisme, et sert de rempart contre les nostalgiques de l'Ancien Régime, au point que « Vive la Charte ! » devient un cri séditieux. Sa défense, contre les ordonnances de Charles X, est à l'origine de la révolution de 1830 ; dès le 31 juillet, Louis-Philippe déclare qu'elle sera désormais une « vérité ». Elle est amendée, son préambule supprimé ; le drapeau tricolore est rétabli ; le catholicisme cesse d'être religion d'État ; toute censure est officiellement abolie ; les Chambres obtiennent l'initiative des lois, les ordonnances royales étant limitées à leur stricte exécution ; le cens n'est plus fixé, ce qui aurait pu permettre son abaissement progressif et un passage en douceur au suffrage universel, comme cela allait advenir en Angleterre ou en Italie. Le sort de la monarchie de Juillet va dépendre des modalités d'application de ce nouveau compromis entre républicains et monarchistes, ou entre démocrates et libéraux, et non plus, comme en 1814, entre libéraux et absolutistes.

Charte du travail,

projet corporatiste élaboré par le régime de Vichy.

Promise par le maréchal Pétain le 1er mars 1941, dans un discours aux ouvriers de Saint-Étienne, la Charte du travail est promulguée le 26 octobre. Cette « loi sur l'organisation sociale des professions » résulte d'un compromis entre la volonté de créer, plus qu'un texte juridique, un « élément spirituel » annonciateur d'un « ordre nouveau » - où les syndicats se verraient assigner la mission d'instituer des relations harmonieuses entre patrons et salariés en abolissant la lutte des classes et la concurrence -, et les objectifs de René Belin, ministre du Travail, qui souhaite mener, sous l'autorité de l'État, une réforme du syndicalisme prétendant faire prévaloir l'intérêt général sur les intérêts particuliers. La rédaction, laborieuse, s'étale du 22 août au 26 octobre, et la Charte donne lieu à quelque six versions, âprement discutées. Le syndicat professionnel, qui perd toute liberté, devient unique, et l'adhésion, obligatoire pour les salariés comme pour les employés. La grève et le lock-out sont interdits ; le droit d'association se voit limité au seul niveau régional. À l'échelon local, la participation des travailleurs est encadrée par des comités sociaux chargés de « discipliner » leurs adhérents et de les représenter sur le plan strictement professionnel. Vivement critiqué, cet essai de corporatisme était difficilement applicable, en raison des nombreuses ambiguïtés et lacunes du texte.