Urbain (Appolline Thomas Urbain, dit Ismaïl),
publiciste, conseiller de Napoléon III pour la politique algérienne (Cayenne 1812 - Alger 1884).
Ce fils naturel d'un commerçant marseillais et d'une esclave affranchie vient à Paris en 1832, où il se lie aux saint-simoniens. Après avoir travaillé à la construction d'un phalanstère à Ménilmontant, il fait, avec Prosper Enfantin, un voyage à Constantinople, et gagne ensuite l'Égypte, pays qui symbolise, à ses yeux, le lieu de la fusion entre la race noire et la race blanche. Il se convertit à l'islam en 1835, puis se rend en Algérie, où il adopte le prénom d'Ismaïl et épouse une musulmane en 1840. Secrétaire du général Bugeaud, et présent lors de la capture de l'émir Abd el-Kader par le duc d'Aumale, il est présenté à la famille royale. Dès cette époque, hostile à la doctrine de l'assimilation-pacification, il prône une association entre Français et Algériens. Mais il ne devient influent que sous le Second Empire, sans parvenir pour autant à modifier véritablement l'esprit de la colonisation. Deux brochures, publiées anonymement en 1860 et en 1862 (L'Algérie pour les Algériens et l'Algérie française, indigènes et immigrants) lui permettent de préciser sa vision : chaque peuple doit suivre sa voie spécifique vers le progrès ; en Algérie, la colonisation agricole doit être l'œuvre des indigènes et la colonisation industrielle, celle des immigrants. En inspirant à Napoléon III son idée d'un « royaume arabe », il s'attire la haine du parti colonial. Cependant, plusieurs révoltes indigènes conduisent l'empereur à laisser l'armée se ranger aux côtés des colons. Interprète de Napoléon III en Algérie en 1865, Urbain parvient encore à l'informer de la famine qui y sévit en 1867, et que voulait dissimuler le gouverneur Mac-Mahon. Éloigné des milieux officiels après la chute de l'Empire, il continue cependant sa lutte en faveur de l'Algérie, où il retourne avant de mourir.
Uriage (école d'),
école créée en novembre 1940, et destinée, à l'origine, à fournir au régime de Vichy des élites capables d'encadrer la population.
Pierre Dunoyer de Segonzac, son fondateur, un militaire pétri d'humanisme, a alors deux préoccupations. Il s'agit d'abord, pour lui, de donner une solide éducation physique aux futurs cadres de la nation afin, semble-t-il, de préparer une revanche militaire de la France. Il convient en outre de leur offrir une formation intellectuelle fondée tout à la fois sur la réflexion et sur l'apprentissage de valeurs morales jugées essentielles à toute quête spirituelle. Cours théoriques et réunions de réflexion alternent donc avec les exercices sportifs. Cette démarche s'inscrit dans le droit fil de la condamnation de la « décadence » des années 1930, exprimée par les spiritualistes comme par les « non-conformistes » qui projettent de régénérer les hommes et le pays. Mais, dans un premier temps, elle intéresse surtout le maréchal Pétain et son entourage, qui y trouvent un écho à leurs préoccupations d'« assainissement » de la France. Toutefois, dès 1941, la trop grande indépendance de l'école, sa dénonciation d'un régime jugé trop conservateur, finissent par provoquer les réticences de Vichy. Alors qu'un nombre croissant de ses membres rejoignent la Résistance, l'école est dissoute par le gouvernement Laval, en décembre 1942.
L'école d'Uriage a exercé une influence considérable sur les élites de l'après-guerre. Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde, Joffre Dumazedier, auteur de nombreux ouvrages sur l'éducation populaire et l'organisation des loisirs, Emmanuel Mounier et sa revue Esprit, ont participé à la diffusion de l'« esprit d'Uriage », dans la presse, l'enseignement (pédagogie), l'entreprise même, en accordant une place fondamentale à la réflexion, à la diffusion de la culture et à la gestion des hommes.
Utrecht (traités d'),
ensemble de traités signés en 1713 entre la France et l'Espagne, d'une part, et les puissances coalisées (moins le Saint Empire), d'autre part.
En janvier 1712, un congrès de paix se réunit à Utrecht (aujourd'hui ville des Pays-Bas) pour mettre fin à la longue guerre de la Succession d'Espagne, commencée en 1701. Les négociations portèrent d'abord sur les questions dynastiques. Le gouvernement anglais souhaitait, pour éviter la réunion de l'Espagne et de la France, avoir des garanties : le roi d'Espagne, Philippe V, petit-fils de Louis XIV, dut renoncer à ses droits à la couronne de France ; son frère, le duc de Berry, et son cousin, le duc d'Orléans (le futur Régent), à leurs droits à la couronne d'Espagne. Louis XIV acceptait aussi la succession protestante en Angleterre telle qu'elle avait été organisée par Guillaume III : à la mort de la reine Anne Stuart, la maison de Hanovre, protestante, obtiendrait la couronne d'Angleterre. Le « prétendant » Stuart, le frère catholique de la reine Anne, qui vivait en France, dut quitter ce royaume. Des troupes anglaises occupèrent temporairement Dunkerque dont les fortifications devaient être détruites.
Dans la nuit du 11 au 12 avril 1713, les premiers traités furent signés entre la France, d'un côté, l'Angleterre, le Portugal, la Prusse, la Savoie et les Provinces-Unies, de l'autre. La France abandonnait l'Acadie, les territoires de la baie d'Hudson, l'île de Saint-Christophe et Terre-Neuve, où les marins français conservaient néanmoins le droit de pêche. Elle gardait l'île du Cap-Breton, à l'entrée du golfe du Saint-Laurent : les Français du Canada se rassemblaient donc dans la vallée de ce fleuve. Le duc de Savoie devenait roi de Sicile et Louis XIV reconnaissait l'Électeur de Brandebourg comme roi de Prusse. Un traité de commerce entre la France et l'Angleterre avait été signé mais le Parlement anglais refusa de le ratifier. En outre, Philippe V conservait l'Espagne et les colonies espagnoles d'Amérique, mais abandonnait ses possessions italiennes, et laissait Gibraltar et Minorque à l'Angleterre.
La paix entre Louis XIV et l'empereur germanique ne fut signée que le 6 mars 1714, à Rastadt (ou Rastatt), et fut confirmée à Baden, en Argovie (Suisse), région située entre la France et l'Empire (7 septembre 1714). L'Alsace et Strasbourg restaient françaises. Cependant, Louis XIV rendait toutes les terres de la rive droite du Rhin - Brisach, Kehl, Fribourg - mais gardait Landau. Les Électeurs de Cologne et de Bavière étaient simplement restaurés. L'empereur Charles VI, quant à lui, ancien prétendant au trône d'Espagne, devait avoir la souveraineté sur les Pays-Bas, jusqu'alors espagnols, et obtenait le Milanais, Naples, la Sardaigne, et des places en Toscane.