Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
U

Union française, (suite)

L'Union française est une construction bâtarde, fruit d'une tentative de synthèse entre deux tendances incompatibles : l'assimilation et l'association. Elle ne correspond à aucune catégorie connue du droit constitutionnel (confédération, fédération, État fédéral) ; aussi est-elle qualifiée par un contemporain de « monstruosité juridique ». L'historienne Denise Bouche estime qu'« au terme d'une gestation pénible, l'Union française n'était pas née viable », et le juriste Pinto écrit : « En fermant aux nationalistes [...] les voies pacifiques d'une transformation progressive, la Constitution ouvrait le cycle infernal des insurrections et des guerres civiles. »

Les institutions fonctionnent en effet très mal, et le Haut Conseil ne se réunit que de 1951 à 1954. L'Assemblée, dont les membres métropolitains sont souvent désignés parmi des candidats battus aux législatives et n'ont pas de compétence en la matière, offre surtout un « lot de consolation pour recalés du suffrage universel ». Elle élabore divers projets de réorganisation, qui ne sont finalement pas étudiés par le législateur. L'échec de l'Union française est particulièrement net en Indochine, où les États associés cherchent rapidement à s'affranchir du régime qui leur est imposé. L'Union française disparaît en septembre 1958, avec l'adoption de la Constitution de la Ve République, et fait place à une nouvelle structure à l'existence éphémère (1958-1960), la Communauté.

Union générale (krach de l'),

faillite d'une banque d'affaire qui, en 1882, met fin à un important mouvement de spéculation.

À la fin des années 1870, l'économie française bénéficie d'une conjoncture favorable : afflux de capitaux, hausse des valeurs boursières, lancement des grands travaux publics du plan Freycinet... les signes d'optimisme ne manquent pas. C'est dans ce contexte propice à la spéculation que l'ingénieur Eugène Bontoux fonde l'Union générale, en mai 1878. Ce catholique conservateur entend rivaliser avec la « finance juive ou protestante » : la plupart des actionnaires et des administrateurs de la nouvelle banque sont issus des milieux orléanistes ou légitimistes, ainsi que de la bourgeoisie lyonnaise. Bontoux, qui multiplie les opérations financières en Europe centrale, se lance dans une course effrénée à la spéculation. Soutenue par des petits souscripteurs, l'ascension de la banque est rapide et le cours de ses actions s'envole. Mais cette réussite est artificielle, dans la mesure où Bontoux cherche à accroître le capital de l'Union générale en spéculant sur ses propres titres et sans disposer de réserves financières suffisantes. En janvier 1882, la conjoncture se retourne, emportant l'Union générale dans la spirale du krach boursier : mis en faillite, l'établissement entraîne alors dans sa chute de nombreuses entreprises et banques d'affaires. Rappelant l'échec du Crédit mobilier (1871), le krach de l'Union générale marque fortement les contemporains et incite les banques d'affaires à une gestion plus prudente de leurs intérêts dans un environnement économique déprimé.

Union nationale,

formule de majorité parlementaire mise en œuvre sous la IIIe République, de 1926 à 1928 et de 1934 à 1936.

L'expérience du Cartel des gauches, menée en 1924, à la suite de la victoire de la coalition unissant radicaux et socialistes, aboutit en juin 1926 à un échec, sanctionné par la chute du gouvernement radical d'Édouard Herriot. Pour faire face à la baisse du franc, le président Doumergue fait appel à Raymond Poincaré, ancien président de la République et dirigeant du centre droit, qui bénéficie de la confiance des épargnants. Celui-ci forme un cabinet appuyé sur une nouvelle majorité, qui regroupe le centre - axe de la combinaison -, la droite et les radicaux, la participation de ces derniers étant acquise au nom de la « défense de la monnaie nationale », en écho à l'« union sacrée » de 1914. Le nouveau président du Conseil prend des mesures d'assainissement financier, tandis que Briand, aux Affaires étrangères, poursuit sa politique d'apaisement. Mais la coalition se défait, en novembre 1928 : au congrès radical d'Angers, la gauche du parti parvient à imposer la sortie du gouvernement, en vue d'un rapprochement avec les socialistes.

La seconde expérience, tentée en 1934, fait suite à l'émeute sanglante du 6 février, à l'issue de laquelle la majorité de gauche élue en 1932 s'est disloquée. L'ancien président Doumergue, rappelé de sa retraite, prend alors la tête d'un gouvernement appuyé sur le centre, les radicaux et la droite, avec un double objectif : réaliser la « réforme de l'État » et assainir la situation financière. Mais l'opposition des radicaux et l'impopularité de sa politique de déflation le contraignent à la démission, en novembre 1934. Sous ses successeurs, Flandin et Laval, l'Union nationale survit péniblement, constamment menacée par la défection des radicaux, qui subissent l'attraction du Front populaire. En janvier 1936, elle a vécu : un cabinet de transition, dont la droite ne fait pas partie, est formé sous la direction du radical Sarraut ; il gère les affaires courantes jusqu'aux élections de mai-juin 1936, qui voient la victoire du Front populaire.

union sacrée,

expression qui renvoie à la volonté collective des Français, en 1914, d'oublier leurs divisions et leurs querelles au seul bénéfice de la défense de la patrie.

L'« union sacrée », image même de la France de 1914 tout entière dressée contre l'Allemagne, naît de la somme des différentes formes du sentiment national sollicitées par l'état de guerre. La formule, due au président de la République Raymond Poincaré, est lue à l'Assemblée nationale le 4 août 1914 par le président du Conseil René Viviani : « La France vient d'être l'objet d'une agression préméditée, qui est un insolent défi au droit des gens [...]. Étroitement unie en un même sentiment, la nation persévérera dans le sang-froid dont elle a donné, depuis l'ouverture de la crise, l'exemple quotidien [...]. Elle sera héroïquement défendue par tous ses fils, dont rien ne brisera devant l'ennemi l'union sacrée. »