Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

déportation, (suite)

Les premiers gazages homicides ont eu lieu dès septembre 1941, dans les sous-sols du bloc 11 d'Auschwitz I : des malades jugés incurables et des prisonniers soviétiques qualifiés de « fanatiques » ont été asphyxiés à l'aide de zyklon B. Mais c'est à partir de juillet 1942 que les gazages prennent une tournure systématique. Le 4 juillet, une première « sélection » est opérée sur un convoi de juifs slovaques : les prisonniers déclarés « aptes » au travail sont séparés des « inaptes » - tous les enfants, vieillards, femmes enceintes -, destinés à être exécutés immédiatement. Dès lors, tous les convois de déportés juifs de France seront soumis à cette sélection, un nombre variable, mais toujours faible, de déportés étant admis dans le camp. Sont mis alors en chantier quatre crématoires d'une conception nouvelle puisqu'ils comportent, outre les installations de crémation, une salle de déshabillage et une chambre à gaz ; ils fonctionneront, en totalité ou partiellement, de mars 1943 à novembre 1944, date à laquelle Himmler donne verbalement l'ordre d'arrêter les gazages.

Le 7 octobre 1944, les détenus chargés de faire fonctionner la chambre à gaz-crématoire IV, un des Sonderkommandos (commandos spéciaux), se révoltent et la détruisent. À partir de décembre 1944, les Allemands font procéder au démantèlement des chambres à gaz-crématoires II et III. Le 18 janvier 1945, devant l'avancée de l'Armée rouge, ils jettent sur les routes quelque 60 000 détenus déjà exténués, les dirigeant par un froid polaire, tantôt à pied, tantôt en wagons à bestiaux découverts, vers les camps de concentration de l'Ouest : Buchenwald, Dachau, Bergen-Belsen... Cet épisode est resté dans les mémoires comme la « Marche de la mort ». Le 27 janvier 1945, les avant-gardes soviétiques libèrent les camps du complexe d'Auschwitz. Il ne reste plus alors que 6 000 détenus environ - dont quelques centaines de déportés de France -, ceux qui étaient trop faibles pour se déplacer ou qui avaient réussi à se soustraire aux évacuations. Aussi, l'immense majorité des survivants d'Auschwitz sont-ils libérés dans d'autres camps, en avril ou mai 1945.

Le retour.

• Le rapatriement des déportés, toutes catégories confondues, commence en mars 1945. Il est quasiment terminé en août. La grande majorité d'entre eux arrivent à Paris, à l'hôtel Lutétia, principal centre de rapatriement. Ils sont pour la plupart très diminués et doivent séjourner dans des hôpitaux ou des maisons de repos. Presque tous souffriront, leur vie durant, des séquelles psychiques ou physiques de leur déportation.

Dès leur retour, les déportés témoignent, rédigeant notamment de nombreux récits. Ils se regroupent en associations, pour se retrouver, défendre leurs droits, aider les plus démunis, organiser des cérémonies commémoratives et ériger des mémoriaux. Dans ces années d'après-guerre, la déportation est largement assimilée à la Résistance, et la spécificité du sort des juifs est peu évoquée. Le camp-symbole est alors Buchenwald, celui où la Résistance, organisée principalement par les communistes allemands, fut la plus importante. Le réveil de la mémoire juive s'affirme dans les années soixante. Dès lors, la déportation des juifs de France, effectuée avec la complicité du gouvernement de Vichy, donne lieu à plusieurs affaires judiciaires. Auschwitz a désormais remplacé, dans la mémoire collective, Buchenwald comme symbole des crimes nazis.

dérogeance,

manquement, sous l'Ancien Régime, à l'incompatibilité coutumière entre l'exercice d'une activité manuelle ou mercantile et l'état de noblesse, qui entraîne la perte de celui-ci.

Cette règle souffre néanmoins des exceptions professionnelles - dont profitent verriers, métallurgistes et, après 1544, avocats - ainsi que provinciales : au XVe siècle, la coutume de Champagne autorise les nobles à vivre « noblement ou marchandement » selon leur convenance ; en Bretagne, la dormition de noblesse permet à un gentilhomme d'« assoupir » sa qualité pendant qu'il se livre aux « trafic de marchandises et usage de bourse commune », à charge pour lui de s'acquitter des impôts roturiers et de la « réveiller » dès qu'il déclare mettre fin à sa dérogeance, alors que, dans les autres provinces, il doit solliciter du roi des lettres de réhabilitation. Voulant, tour à tour, maintenir la cohésion de la société d'ordres et stimuler le grand commerce, la monarchie a longtemps louvoyé : à l'édit de 1462, qui autorise les nobles à « user de marchandise sans préjudice de leur nom et de leur état », s'oppose l'ordonnance d'Orléans de 1560, dont, en réponse aux doléances du tiers état, l'article 119 défend «  à tous gentilshommes et officiers de justice le fait et trafic de marchandises et de prendre ou tenir ferme par eux ou personnes interposées », sous peine d'être privés, les uns de leurs privilèges et les autres de leur charge. Pour attirer la noblesse vers le grand large, le Code Michau (1629), l'arrêt du Conseil du 5 décembre 1664 et les édits d'août 1669, décembre 1701 et mars 1765 affirment la non-dérogeance du commerce maritime. Mais, sauf en Bretagne, l'ancienne noblesse y répugne, tandis que, une fois anoblis, nombre de négociants investissent leur fortune en terres et en offices. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la « noblesse d'affaires » se borne à un millier de personnes, dont environ 300 armateurs, alors que le refus de la marchandise est au cœur de la réaction nobiliaire : face à l'abbé Coyer qui, dans la Noblesse commerçante (1756), prône l'abolition de « cette loi singulière et gothique de dérogeance » pour permettre aux gentilshommes pauvres de relever leur condition, le chevalier d'Arc exalte les vertus de la Noblesse militaire. La vigueur de ce préjugé nourrit les accusations d'inutilité sociale portées contre la noblesse, jusqu'au décret des 4-11 août 1789 stipulant que « nulle profession utile n'emportera dérogeance ».

Déroulède (Paul),

poète et homme politique (Paris 1846 - Nice 1914).

Fils d'un avoué parisien, Paul Déroulède poursuit des études d'avocat, mais ses faveurs vont à la poésie. Volontaire lors de la guerre de 1870, prisonnier, évadé, il s'engage dans l'armée de Bourbaki, où il est remarqué pour sa combativité. Il participe ensuite aux combats contre la Commune, puis quitte le service actif en 1874. Comme bien des hommes de sa génération, il est profondément humilié par la défaite, et par la perte de l'Alsace-Lorraine. Très vite, au travers des Chants du soldat (1872), il met son talent littéraire au service de la cause qui apparaît essentielle à ses yeux : la grandeur de la patrie et la gloire de son armée - instrument d'une future revanche sur l'Allemagne. En 1882, il participe à la fondation, dans les milieux gambettistes, de la Ligue des patriotes, et devient une sorte de poète officiel.