antifascisme,
courant d'opinion ou mouvement de défense contre le fascisme.
Que la menace d'une montée de la droite totalitaire ait été réelle ou surestimée, l'antifascisme n'en a pas moins largement contribué à unifier la gauche française dans les années trente. Rassemblant des démocrates et des révolutionnaires autour d'un refus, il a évité la confrontation entre des projets inconciliables. De ce fait, certains, telle l'historienne Annie Kriegel, le considèrent comme un piège tendu par les communistes, tenants d'un totalitarisme de gauche. D'autres remarquent qu'il répond à un danger manifeste, et que ceux qui y participent - libéraux, démocrates-chrétiens, socialistes ou libertaires - sont souvent loin d'entretenir des illusions quant à leurs alliés staliniens.
Dans les années vingt, il n'est encore guère question d'antifascisme en France, hormis chez les réfugiés italiens fuyant le régime de Mussolini. Ceux-ci rencontrent quelque élan de solidarité, mais le fascisme semble une spécificité transalpine, ne relevant que de la pure politique étrangère. Si seul le Parti communiste s'affirme antifasciste, c'est pour mieux dénoncer tout ce qui n'est pas lui, à commencer par la SFIO. La situation change après l'arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne, en 1933. Les réactions ne sont pas immédiates ; le danger que le nazisme fait peser sur l'URSS conduit cependant Staline à chercher des rapprochements entre États et entre partis, sur la base de l'antifascisme. Après le 6 février 1934, un mouvement spontané de militants de base et d'intellectuels voulant s'unir contre une menace fasciste en France se crée. Le risque d'un fascisme français est sans doute surestimé ; il n'en réveille pas moins une culture politique commune héritée de l'école républicaine et de l'affaire Dreyfus. Il met l'antifascisme à l'ordre du jour et entraîne l'émergence du Front populaire. Les intellectuels jouent un rôle pionnier, grâce au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes (CVIA), aux hebdomadaires tels que Vendredi, d'André Chamson et de Jean Guéhenno, et Marianne, d'Emmanuel Berl, ou encore grâce à la tenue du Congrès international pour la défense de la culture. Celui-ci réunit à Paris, en juin 1935, André Gide, Louis Aragon, Romain Rolland, Jules Monnerot, Emmanuel Mounier ou Victor Marguerite, côté français ; y participent aussi Bertolt Brecht, Boris Pasternak, Herbert Marcuse, Tristan Tzara, Robert Musil ou Aldous Huxley. Mais c'est aussi chez les intellectuels que les fissures apparaissent le plus vite. La réalité du régime soviétique que dépeint Gide, les procès de Moscou, la répression contre les opposants tel le romancier Victor Serge, divisent les partisans de l'antifascisme ; s'y ajoute la question du pacifisme, débattue entre ceux qui en font un principe absolu et ceux qui prônent la résistance aux dictatures, les premiers étant accusés de travailler pour Hitler, les seconds pour Staline. La guerre d'Espagne, au sujet de laquelle deux positions de principe se font jour (non-intervention, et soutien actif à la République espagnole), et la marche à la guerre mondiale donnent au débat une tragique actualité. Par ailleurs, l'illusion d'une entente avec l'Italie fasciste contre l'Allemagne nazie peut faire oublier l'antifascisme. Avant même l'année 1939, le thème n'est plus fédérateur. D'ailleurs la guerre, l'Occupation, la Résistance, ne lui redonnent pas un rôle central, même s'il est officiellement le ciment de la coalition anti-hitlérienne : en France, le réflexe national prime sans doute, y compris chez les communistes après juin 1941 ; la distinction entre Allemands et nazis, conférant une dimension idéologique au combat, émane plutôt des socialistes humanistes et, surtout, de catholiques qui, réunis autour de Georges Bidault ou de Témoignage chrétien, continuent leur combat d'avant guerre contre le racisme et la « statolâtrie » totalitaire.
Après 1945, avec la chute du fascisme et du nazisme, l'antifascisme peut sembler hors de propos. Même s'il suscite des élans populaires - contre le putsch des généraux en 1961 ou contre l'OAS -, l'usage abusif que le Parti communiste a voulu en faire, par exemple contre le gaullisme, au temps du RPF ou en 1958, a transformé, comme le note l'historien Pierre Milza, « en simple slogan politique la référence à une métaphore idéologique qui a puissamment structuré le combat contre les dictatures totalitaires ».
antijudaïsme,
attitude d'hostilité religieuse à l'égard des juifs.
Leur présence dans les sociétés profondément croyantes du Moyen Âge et de l'époque moderne a suscité de très nombreuses manifestations d'inimitié, qui ne se sont pas limitées à la seule controverse doctrinale.
Positions théoriques et débordements populaires.
• Considérant que les juifs doivent demeurer, au sein de la Chrétienté, le peuple témoin de la Passion du Christ, l'Église a cherché à restreindre les contacts entre juifs et chrétiens. La polémique antijuive se développe dès le haut Moyen Âge : Agobard, archevêque de Lyon dans la première moitié du VIIIe siècle, et son successeur Amolon critiquent l'activité des juifs dans l'Empire carolingien. Cet antijudaïsme d'origine cléricale ne cesse de s'exprimer dans de nombreux traités de polémique (Adversus ou Contra judaeos).
À la fin du XIe siècle, l'antijudaïsme revêt un caractère plus populaire, et menace parfois l'existence même des communautés juives. Les tensions s'exacerbent, favorisées par l'effervescence religieuse de la croisade : en 1096, à Rouen et à Metz, des croisés en route pour la Terre sainte attaquent des juifs, assimilés aux meurtriers du Christ. Des accusations de meurtres rituels, de profanation d'hostie (affaire du « miracle de la rue des Billettes », Paris, 1290) ou de tout objet du culte chrétien provoquent des déchaînements populaires. L'art et la littérature véhiculent des assertions chimériques au moment où les juifs sont de plus en plus perçus comme une menace intérieure pour la Chrétienté. L'attitude des autorités oscille entre protection ponctuelle et exclusion. Ainsi, en 1182, Philippe Auguste expulse les juifs du domaine royal et confisque une partie de leurs créances (la mesure d'expulsion sera annulée en 1198). Tout en interdisant les conversions forcées, l'Église impose aux juifs le port d'un signe distinctif. En 1240 est organisée, à Paris, une controverse entre juifs et chrétiens à propos du Talmud, dont tous les exemplaires sont saisis et brûlés lors du concile œcuménique du Latran IV (1215), Louis IX ordonne, en 1269, qu'une rouelle de couleur jaune identifie les juifs de son royaume ; déjà, ceux d'Alsace, en terre d'Empire, étaient astreints au port d'un chapeau pointu.