Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
P

Philippe VI de Valois, (suite)

À son avènement, Philippe VI est âgé de 35 ans ; il est comte de Valois depuis la mort de son père en 1325 et a peu fait parler de lui en dehors d'une ambassade auprès des Visconti. Son caractère chevaleresque et les circonstances particulières de son accession au trône le mènent en août 1328 à la tête de l'armée française en Flandre, où une sévère défaite est infligée aux milices urbaines à Cassel. Ce « jugement de Dieu » lui donne la légitimité des armes, alors qu'apparaissent les prémices de la guerre de Cent Ans. Si le roi Édouard III d'Angleterre vient faire hommage au roi de France à Amiens en 1329 pour son fief aquitain, c'est en des termes ambigus, qui ne sont précisés qu'en 1331. Dans le même temps, Philippe VI doit faire des concessions sur tous les fronts : rendre à Jeanne de France le royaume de Navarre, rouvrir le procès de Robert d'Artois, son beau-frère, finalement banni du royaume. Lorsqu'en 1337 Édouard III d'Angleterre revendique la couronne de France, Philippe VI confisque le fief aquitain et est prêt à en découdre. La destruction de la flotte française à L'Écluse en 1340, puis les trêves d'Esplechin l'année suivante, mettent fin aux hostilités directes, qui se poursuivent néanmoins, par personnes interposées, en Bretagne, avec la guerre « des deux Jeannes » qui oppose les partisans de Jean IV de Montfort à ceux de Charles de Blois. Philippe VI se débat également dans des difficultés financières, convoque à plusieurs reprises des assemblées d'états pour en obtenir des subsides, et cherche une nouvelle fois à s'imposer par les armes face aux Anglais. La défaite de Crécy en 1346, puis la prise de Calais en 1347 affaiblissent définitivement son gouvernement. De 1347 à 1350, c'est le fils du roi, le futur Jean II le Bon, qui tient les rênes du pouvoir.

Inaugurant la guerre de Cent Ans, le règne de Philippe VI voit aussi l'accroissement du domaine royal avec l'annexion du Valois, de Chartres, de l'Anjou et du Maine, de la Champagne et de la Brie, ainsi que de Montpellier, acheté au roi de Majorque en 1349, et du Dauphiné, acquis pour le fils aîné du roi de France.

phylloxéra,

insecte originaire d'Amérique du Nord, qui, en s'attaquant à la vigne, fait disparaître le tiers du vignoble français de 1863 à la fin des années 1880, donnant son nom à la plus rude des crises qui frappent le monde rural au XIXe siècle.

Observés d'abord dans le Gard, le jaunissement des feuilles, le rabougrissement des sarments puis la mort du cep se répandent vite : le Var, le Bordelais et la vallée du Rhône sont touchés en 1869, la Bourgogne l'est vers 1880. Dès 1884, 1 million d'hectares sur les 2,6 millions plantés de vignes sont perdus. Le responsable est identifié en 1869 : c'est un insecte proche du puceron, qui suce la sève des plantes ; d'où son nom, phylloxéra, créé à partir du grec phullon (« feuille ») et xéros (« sec »). Aux États-Unis, cette espèce parasite ne provoque pas les ravages constatés en France car elle ne s'attaque qu'aux parties aériennes des plants, où elle est tuée par les insecticides courants. Mais, introduit en Europe après l'importation de ceps américains, le phylloxéra trouve un terrain plus favorable : les racines des ceps européens sont moins résistantes. C'est pourquoi son éradication y est difficile. Certes, on peut exterminer ses larves en inondant les terres un mois et demi par an, mais cette opération s'avère impossible sur les sols en pente, qui donnent souvent les meilleurs vignobles. Dès 1874, on importe des ceps américains, résistants, mais le vin qu'ils produisent n'est guère apprécié ; il est même dangereux, comportant du méthanol, ou alcool méthylique, un solvant qui mène les buveurs à la démence. En 1877, le Bordelais Léo Laliman propose de greffer les ceps locaux sur les racines américaines, pour conserver les qualités du vin et limiter les ravages du parasite. Certains viticulteurs, au nom de la préservation des traditions, s'en tiennent à des injections soufrées dans le sol, qui restent très coûteuses, malgré les subventions. Le dernier bastion à avoir appliqué cette méthode, le domaine de Romanée Conti, n'y renonce que durant l'Occupation, du fait de la pénurie de produits chimiques. Ailleurs, les ceps greffés ont triomphé depuis longtemps. Reste qu'un nouveau plant ne produit qu'après quatre ans : malgré des exonérations fiscales, décidées fin 1887, et les capitaux accumulés lors des années de prospérité du Second Empire, maints viticulteurs ne peuvent se passer de revenus aussi longtemps et abandonnent la terre, accroissant l'exode rural alors même que la dépression économique ferme le marché du travail urbain.

Si la crise du phylloxéra a eu des effets positifs, en imposant notamment l'abandon de productions médiocres, comme en Auvergne, elle s'est aussi soldée par une multitude de drames individuels.

physiocratie,

théorie économique agrarienne et libérale, élaborée par un groupe de disciples réunis autour de Quesnay, médecin de la Pompadour et de Louis XV.

Après une période de mise au point (1756-1763), cette doctrine acquiert une relative audience politique en France comme à l'étranger (1763-1770), puis subit un désintérêt qui se renforce après l'échec de Turgot au contrôle général des Finances (1774-1776). Elle tire son nom d'un recueil d'écrits de Quesnay, Physiocratie ou Constitution naturelle du gouvernement le plus avantageux au genre humain, publié par Dupont de Nemours en 1767.

Après ses articles « grains » (1756) et « fermier » (1757) de l'Encyclopédie, Quesnay donne son Tableau économique (1758), texte fondateur de la doctrine physiocratique. À la source de sa vision, la reproduction des biens : ceux de l'agriculture étant les seuls à s'autoreproduire, ils constituent l'unique richesse ; et puisque la mise en forme de la matière n'est qu'une création secondaire, il dit l'industrie « stérile ». Augmenter les richesses revient donc à développer la production agricole, laquelle doit bénéficier d'un régime de libre circulation afin d'obtenir (par le jeu du marché) de « bons prix », en hausse tendancielle. Les propriétaires fonciers seront ainsi encouragés à réinvestir des revenus croissants. Cette recommandation libérale, si elle heurte la traditionnelle « économie morale » selon laquelle une réglementation (des prix, des stocks, des transports) doit garantir à tous une nourriture de survie, ne vise qu'à systématiser des pratiques déjà courantes hors crise frumentaire.