Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
C

cabochienne (révolte), (suite)

La révolte cabochienne s'inscrit dans un contexte de guerre civile qui oppose les partisans de Jean sans Peur, duc de Bourgogne, et ceux de la famille d'Orléans-Armagnac. Profitant de la folie du roi Charles VI, les deux partis s'affrontent pour le contrôle du Conseil royal et des finances royales. Depuis 1408, Jean sans Peur domine Paris, où se tient la cour ; pour ce faire, il s'appuie sur le parlement et l'Université, favorables à une réforme de l'administration royale, ainsi que sur le puissant réseau des bouchers parisiens, qui cherchent à s'intégrer à la haute bourgeoisie de la capitale. Au début de l'année 1413, la crise financière est telle que le Conseil royal se résout à convoquer les états généraux de langue d'oïl afin d'obtenir leur consentement à la levée d'un nouvel impôt. Mais ses membres exigent préalablement la réforme de l'administration et de la fiscalité royales. Favorable à une telle réforme, Jean sans Peur soutient l'agitation antifiscale menée par les riches bouchers. En avril et en mai, manifestations et émeutes se succèdent ; la population parisienne s'en prend violemment aux officiers royaux et aux hôtels de la reine et du dauphin, Louis de Guyenne. Du 26 au 29 mai, les représentants des états généraux présentent enfin au roi une grande ordonnance de réforme de l'État. Il s'agit en fait d'un programme modéré, essentiellement administratif, qui ne témoigne d'aucune velléité de contrôle du pouvoir par les états. Mais cette ordonnance demeure lettre morte, car, dans les rues de la capitale, le mouvement populaire se radicalise et échappe au contrôle du duc de Bourgogne. Le 1er juillet, le prévôt de Paris, Pierre des Essarts, est exécuté et un impôt forcé sur les riches, exigé. Ces excès finissent toutefois par inquiéter les réformateurs modérés et la bourgeoisie parisienne, qui se rapprochent alors du dauphin. Le 4 août, avec l'aide de la milice bourgeoise, celui-ci parvient à s'imposer lors d'un rassemblement populaire. Les cabochiens sont aussitôt dispersés ; certains parviennent à s'exiler en terre bourguignonne. Le 23 août, Jean sans Peur préfère à son tour fuir Paris. Le 31 août, le dauphin autorise les chefs de la fraction des Armagnacs à entrer dans la capitale. L'échec de la révolte cabochienne est alors consommé.

Le premier effet de cette défaite est de discréditer le duc de Bourgogne au profit des Armagnacs. À plus long terme, la révolte compromet durablement le programme de réforme modérée proposé par les états généraux : le 5 septembre, l'ordonnance de mai, dite « cabochienne », est ainsi solennellement déchirée, et, à la fin du mois, l'administration est sévèrement épurée de ses éléments réformateurs et favorables aux Bourguignons. En définitive, la révolte cabochienne apparaît comme l'une de ces nombreuses protestations antifiscales qui témoignent de la difficile naissance de la fiscalité royale à la fin du Moyen Âge.

Cachin (Marcel),

homme politique (Paimpol, Côtes-du-Nord, 1869 - Choisy-le-Roi, Seine, 1958).

Fils de gendarme, élève brillant, boursier, licencié de philosophie, Cachin milite très tôt dans le mouvement socialiste : adhérant dès 1892 au Parti ouvrier français de Jules Guesde, il met tout son talent d'orateur et de publiciste au service de cette formation, puis de la SFIO (Section française de l'Internationale ouvrière, qui unifie les différents partis socialistes). Durant la Grande Guerre, il se montre d'abord partisan résolu du soutien à l'« union sacrée », puis adhère au courant « centriste » - pacifiste modéré - du parti, majoritaire en 1918, et prend la direction de l'Humanité. En 1920, Cachin devient le chef de file, avec Frossard, des « reconstructeurs », et joue un rôle majeur, lors du congrès de Tours, dans la fondation du Parti communiste, dont il sera un dirigeant inamovible (comité directeur, 1920-1924 ; bureau politique, 1923-1958). Cette surprenante longévité ne s'explique pas seulement par la souplesse tactique de l'homme : Cachin symbolise la continuité du mouvement révolutionnaire, et son réseau de relations dans la classe politique - il fut député de 1914 à 1932, puis de 1944 à 1958, sénateur de 1935 à 1940 - représente pour le mouvement communiste un atout précieux. Fidèle à ses options, il refuse en 1939 de désavouer son parti, qui appuie le pacte germano-soviétique, et témoigne en faveur des députés communistes jugés au printemps 1940. En août 1941, il est arrêté par les Allemands, qui le contraignent d'émettre, dans un long document, des réserves sur la pratique des attentats individuels prônée par le PCF. Néanmoins, Cachin reprend à la Libération son rôle à l'Humanité, au Parlement et au sein des instances dirigeantes de son parti, qui lui voue jusqu'à sa mort un véritable culte.

cadastre,

terme générique désignant les documents qui sont à la base du calcul et de la perception de l'impôt foncier, c'est aussi un précieux outil pour l'histoire des structures agraires et du paysage.

Avant le cadastre dit « napoléonien », élaboré de 1807 à 1850, il n'existe pas de cadastre général couvrant l'étendue du territoire. Cependant l'entreprise cadastrale se développe dès le XVIIe siècle et prend de l'ampleur au siècle suivant. Elle a pour but de rendre homogène une emprise, qu'elle soit royale ou seigneuriale. Elle procède aussi d'un impératif de rationalisation de l'espace et de l'impôt. Elle participe enfin à l'apparition de l'« individualisme possessif ».

Au XVIIe siècle, quelques provinces, tel le Languedoc, sont déjà pourvues de cadastres qui servent au calcul de la taille réelle (cet impôt est assis à partir des biens roturiers et non des personnes). Des essais de cadastration sont par ailleurs tentés, comme en 1621 dans l'élection d'Agenais. Ils s'appuient sur le modèle seigneurial du « livre-terrier ». Le terrier (ou censier) est formé de l'ensemble des documents fonciers dans lesquels les biens possédés sous forme de tenures sont sommairement dénombrés (nom du tenancier, nature du bien, redevance). Au cours du XVIIe siècle, ces documents deviennent plus précis (description du bien, qualité du tenancier) et sont de plus en plus fréquemment accompagnés d'un levé des plans. À cet égard, le domaine royal et l'administration donnent l'exemple aux seigneuries laïques ou ecclésiastiques. Le terrier du roi, dressé vers 1700-1705 à Paris, sert de modèle aux grandes censives ecclésiastiques de la capitale telle celle de Sainte-Geneviève. Parallèlement, une importante infrastructure administrative est mise en place, constituée des arpenteurs-géographes du roi et des agents des maîtrises des Eaux et forêts. Au service de la seigneurie et des agents de la « réaction féodale », les arpenteurs, les leveurs de terriers et de plans et les feudistes forment la base du nouvel ensemble des professionnels de la cartographie. Cette dernière joue son rôle dans la montée de l'« individualisme possessif », car « la carte fixe le rapport des individus à l'espace par la possession et le droit » (Daniel Roche). Toutes ces entreprises participent donc à la réflexion sur l'impôt qui conduit, après l'échec de diverses tentatives de déterminer l'assiette de la contribution foncière (de 1790 à 1802), à l'établissement, par la loi de finances du 15 septembre 1807, du cadastre parcellaire.