alleu,
terme d'origine germanique désignant, au Moyen Âge, les biens patrimoniaux.
À la différence de la tenure ou du fief, l'alleu, qu'il soit nobiliaire ou paysan, ne relève pas d'un seigneur : aucun service, aucune taxe ne pèse sur lui. Du haut Moyen Âge à la fin du Xe siècle, il est le mode de possession du sol le plus répandu, en particulier dans le Midi, le Centre et certaines régions de l'est de la France. Mais, à partir du XIe siècle, les terres allodiales se raréfient en raison de l'essor des donations à l'Église, de l'extension du fief et, surtout, de l'avènement de la seigneurie banale. Le phénomène revêt cependant des formes différentes selon les régions. En France du Nord, où l'adage « Nulle terre sans seigneur » s'impose à partir du XIIIe siècle, l'alleu disparaît complètement. En revanche, dans le Midi, en Bourgogne et sur les terres comprises entre la Meuse et le Rhin, il subsiste plus ou moins durablement. D'une part, l'alleu nobiliaire, parce qu'il est fréquemment le fondement même du pouvoir aristocratique, se maintient au moins jusqu'à l'affermissement de la puissance royale et princière au XIIIe siècle. D'autre part, l'alleu paysan, à l'occasion des défrichements et de la mise en valeur de nouveaux terroirs, reprend parfois vigueur, quoique momentanément. La disparition progressive de l'alleu est, en définitive, l'un des principaux signes de l'affirmation de la seigneurie entre le XIe et le XIIIe siècle.
Alliance républicaine démocratique,
formation politique fondée en 1901 et dissoute en 1978, et qui connut son heure de gloire sous la IIIe République.
L'Alliance républicaine démocratique (ARD), créée le 23 octobre 1901, mais dont l'ébauche remonte au mois de mai de la même année, regroupe les républicains de gouvernement. Pour faire face à la poussée antiparlementaire exercée par les nationalistes, ces modérés soutiennent depuis 1899 le gouvernement de Défense républicaine de Waldeck-Rousseau, et forment, avec les radicaux et les socialistes, le Bloc des gauches en vue des élections de 1902. Même si ces fervents laïques combattent fermement le cléricalisme et défendent avec ardeur le régime parlementaire, ils divergent des radicaux sur des questions économiques et sociales, puis sur la « loi des trois ans », à laquelle ils se montrent favorables. À la veille de la Grande Guerre, l'ARD a glissé du centre gauche vers le centre : elle est devenue « le pivot de toutes les combinaisons politiques » (Jean-Marie Mayeur) et le vivier du personnel gouvernemental du régime, comme l'attestent les carrières de deux de ses plus illustres dirigeants : Raymond Poincaré et Louis Barthou. Ce rôle se confirme durant les périodes du Bloc national (1919-1924) et de l'Union nationale (1926-1928). Au cours des années 1930, l'Alliance, qui passe sous la houlette d'une nouvelle génération de dirigeants, tels Pierre-Étienne Flandin et Paul Reynaud, est rejetée vers la droite après la formation du Front populaire. À la veille de la guerre, les problèmes extérieurs la divisent : une majorité pacifiste et munichoise, menée par Flandin, s'oppose à une minorité favorable à la fermeté, animée par Reynaud. Après 1945, la formation ne retrouvera jamais son influence d'antan.
Sous la IIIe République, l'ARD, composée de « bons républicains » attachés à la laïcité et au régime parlementaire, mais aussi au libéralisme économique, représente bien une force du centre, qui va contribuer à « brouiller la bipolarisation » (Rosemonde Sanson).
almanach,
calendrier annuel ou pluriannuel, accompagné de renseignements variés, et qui fut, du XVIe au XIXe siècle, un vecteur important de la littérature et de l'imagerie populaires.
Le terme, vraisemblablement d'origine arabe (al-manah, du syriaque l-manhaï, « l'an prochain »), apparaît pour la première fois en français en 1303 (« almenach »). En effet, c'est du Moyen Âge que datent les premiers almanachs : le Vray Régime et gouvernement des bergers, de Jean de Brie (1379), et, surtout, le Grant Kalendrier et compost des bergers avec leur astrologie et plusieurs autres choses, ouvrage savant publié en 1491 et qui constituera le modèle du genre durant trois siècles.
L'invention de l'imprimerie va assurer aux almanachs une large diffusion. Encore relativement coûteux au XVIe siècle, ils touchent un large public lorsque la littérature de colportage s'en empare au XVIIe siècle. Une version populaire du Grant Kalendrier des bergers est publiée chez l'éditeur troyen Oudot en 1657, dans la « bibliothèque bleue ». C'est avant tout un ouvrage d'astrologie fournissant des « pronostications » (« faire des almanachs » signifie « faire des prévisions ») assorties de conseils médicaux, culinaires ou horticoles, en liaison avec les signes astraux.
À côté de ce modèle « standard », des concurrents apparaissent (le Mathieu Laensberg ou le Messager boiteux), et de nouvelles formules voient le jour : des calendriers annuels, à partir de 1647, ou des recueils de prédictions valables pour quinze à vingt ans. En même temps que la formule se diversifie, le contenu évolue. L'astrologie conserve une place non négligeable, mais le divertissement, l'information ou un savoir plus technique sont aussi développés : histoire, actualités, nouvelles de Paris, renseignements concernant les foires et marchés, faits divers plus ou moins fantaisistes, curiosités « naturelles » (comètes, monstres), facéties, récits empruntés au folklore, etc. Littérature d'évasion qui propose des réponses simples à la question du destin individuel et des solutions pratiques aux problèmes de la vie quotidienne, l'almanach constitue « le livre unique qui groupe l'essentiel de ce qui est utile au gouvernement de la vie » (G. Bollème). Il rencontre un tel succès qu'au XVIIIe siècle il devient un phénomène de mode auprès des élites de la cour comme de la ville. Ainsi paraissent un Almanach de la cour, des almanachs littéraires (Almanach des Muses, 1765) ou libertins (les Dons de Cérès, le Bijou des dames).
À côté de ces livrets, un autre type de production se développe au XVIIe siècle : les almanachs muraux publiés par les éditeurs d'estampes ; placards de grand format où l'image - édifiante, commémorative ou satirique, accompagnée de brèves légendes explicatives et de « vers de mirliton » - envahit la quasi-totalité de l'espace, réduisant le calendrier à une simple vignette. Le rappel des événements de l'année fournit l'occasion de mettre en scène et de célébrer le pouvoir : victoires militaires (le thème le plus fréquent sous Louis XIV...), événements dynastiques, célébrations de la religion, des arts ou des sciences, etc. Ainsi, ces almanachs représentent une sorte d'art officiel à l'usage d'un public populaire.