Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
D

défaite de 1940, (suite)

Les Français, confiants dans l'invulnérabilité de la ligne Maginot et dans les défenses naturelles des Ardennes, ont décidé de porter la guerre en Belgique, afin d'arrêter les Allemands le plus au nord possible (manœuvre Dyle-Breda). Mais ce genre de manœuvre suppose une étroite coordination avec les Belges et l'organisation d'une offensive de grand style, contraire à l'esprit et aux moyens de l'armée française. Au total, la surprise sera complète pour les chefs militaires français, incapables de reprendre la maîtrise des événements.

Sur le papier, les forces sont pourtant équilibrées : les Allemands massent à l'ouest 114 divisions, dont 12 blindées et 6 motorisées : les Alliés disposent de 135 divisions (94 françaises, 22 belges, 10 britanniques, 9 néerlandaises) et d'un net avantage en matière d'artillerie. Toutefois, ce rapport de forces théorique masque une réalité plus inquiétante : les forces alliées sont médiocrement coordonnées, et leur écrasante supériorité navale ne sera d'aucun effet. L'Allemagne détient un faible avantage quantitatif en blindés (2 800, contre 2 300) ; mais, les Franco-Britanniques manquent de blindés modernes, et, surtout, leur doctrine d'emploi est archaïque : alors que les Allemands regroupent leurs panzers et les conçoivent comme des éléments de pénétration, les Français les dispersent (à peine 4 divisions cuirassées de réserve, ou « DCR ») et les relèguent à une mission de soutien de l'infanterie. Enfin, sur le plan aérien, la domination allemande est évidente : aux 1 800 appareils modernes français et britanniques (auxquels s'ajoutent 1 400 appareils que la Royal Air Force [RAF] tient en réserve, et qu'elle n'engagera pas) répondent les 4 800 avions allemands, qui disposeront d'une complète maîtrise du ciel.

La débâcle.

• Le 10 mai 1940, Hitler lance à l'ouest l'offensive qu'il a déjà plusieurs fois retardée à l'automne 1939. Les troupes allemandes envahissent les Pays-Bas, où, le 15 mai, le général Winkelmar capitule. La VIIe armée française est bien parvenue jusqu'à Breda, mais pour y découvrir une armée néerlandaise taillée en pièces. Pour que la manœuvre ardennaise réussît, il était nécessaire aux Allemands de s'emparer des fortifications belges érigées le long du canal Albert. Dès le 11 mai, le fort d'Eben Emaël est pris, et tout le dispositif belge se trouve menacé. L'armée belge se replie sur la ligne Anvers-Namur, réalisant une jonction très imparfaite avec la VIIe armée française et le CEF britannique.

L'attaque principale a lieu dans les Ardennes, secteur mal défendu, à la jonction des IIe et IXe armées françaises. Von Kleist y engage trois Panzerkorps (dont celui de Heinz Guderian), soutenus par l'aviation, et perce le front français dans la région de Sedan. Le 14 mai, Guderian franchit la Meuse, et, après cinq jours de combats, l'armée française est potentiellement vaincue. Gamelin doit alors contre-attaquer pour éviter l'encerclement des 47 divisions franco-britanniques aventurées en Belgique. Mais, plutôt que de lancer les DCR dans une attaque frontale, l'état-major français, prisonnier des « leçons » de 1918, s'obstine à « colmater les brèches », et engage la 3e DCR par « petits paquets ». La 4e DCR, sous les ordres du colonel de Gaulle, stoppe durant quelques jours les blindés de Guderian, mais ceux-ci reprennent vite leur course à la mer. Le 19, Guderian est à Péronne ; le 20, à Abbeville.

Devant l'imminence du désastre, le président du Conseil Paul Reynaud tente de faire face. Le 19 mai, il limoge Gamelin, et le remplace par Weygand, l'ancien adjoint de Foch. Le 5 juin, il remanie son gouvernement. Mais la décision est contradictoire, puisque, aux « bellicistes » Mandel et de Gaulle, il associe le maréchal Pétain, dont les options pacifistes sont notoires. Weygand, reprenant l'ultime plan de Gamelin, engage la manœuvre de la dernière chance. Il s'agit, pour percer les lignes allemandes et pour rompre l'encerclement, de mener une double attaque, par le nord avec les Ire et VIIe armées, l'armée belge et le CEF, et par le sud avec les « débris » des IIe et IXe  armées. C'est dans ce but que Weygand convoque la conférence interalliée d'Ypres (21 mai), à laquelle assistent le Britannique Gort et le roi des Belges Léopold III. Mais la fragilité de la coalition éclate au lendemain de la conférence. Le général Gort, à la tête de la seule armée dont dispose alors l'Empire britannique, ne songe qu'au rembarquement de ses troupes. Le 25 mai, il ordonne le repli vers Dunkerque, une opération qui plonge les Belges dans une situation désespérée : le 27, sans prendre l'avis des Français, Léopold capitule. Le même jour, la 4e DCR lance, en vain, une offensive sur Abbeville : la bataille est perdue. Dès lors, il s'agit de sauver ce qui peut l'être. Le 26, l'amirauté britannique a commencé à évacuer par la mer les troupes du CEF repliées dans la poche de Dunkerque (opération Dynamo). Profitant de l'arrêt inattendu des blindés allemands, du sacrifice des soldats français, et du soutien de la RAF, qui déploie enfin tous ses appareils, les Britanniques parviennent, jusqu'au 4 juin, à évacuer 230 000 des leurs, ainsi que 110 000 Français, mais au prix de l'abandon de monceaux de matériels (1 200 canons, 80 000 véhicules).

Weygand tente alors d'établir un dernier front sur la Somme et l'Aisne (4 juin). Mais il ne dispose plus que de troupes faibles et disparates privées de tout soutien aérien. Ce front est disloqué : le 9 juin, Rommel entre dans Rouen. Alors que plus de 8 millions de personnes prennent le chemin de l'exode, l'armée française achève de s'effondrer. Le territoire est livré à l'invasion, et l'armée allemande rafle quelque 1,8 million de prisonniers. La ligne Maginot, qui a englouti des millions de francs, et immobilisé 48 divisions, n'aura servi à rien. Seul point positif dans cette déroute, l'Italie, venue à la curée, voit son offensive, lancée le 10 juin, stoppée net par l'armée française des Alpes. Le 10 juin, le gouvernement Reynaud quitte Paris, qui est pris le 14. Ne subsistent que des poches de résistance isolées : sur la Loire, dans le Nord-Est, sur la ligne Maginot. Le 16 juin, Reynaud démissionne. Pétain lui succède aussitôt, et, le 22 juin, il conclut l'armistice de Rethondes.