Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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principautés territoriales, (suite)

En fait, aux XIe et XIIe siècles, le domaine royal n'est guère qu'une principauté territoriale parmi les autres. Il a comme atout d'être situé dans la région la plus riche et la plus peuplée du royaume, celle de Paris, que les rois défendent contre les Normands et les Champenois. Par ailleurs, les principautés connaissent, à l'occasion des minorités et des partages, des périodes de décomposition plus ou moins durables. En revanche, on constate l'ascension de la dynastie angevine, qui s'assure la maîtrise de la Touraine. Avec Thibaud le Tricheur, décédé en 975, les vicomtes de Tours deviennent comtes de Blois, Chartres et Châteaudun. Puis, en 1023, le petit-fils de Thibaud, Eudes II, hérite de la plus grande partie de la Champagne, encerclant ainsi le domaine royal. Mais le roi des Francs a l'avantage d'être le seigneur de tous les princes, qui sont ses vassaux. Progressivement, son autorité et son influence s'accroissent. Louis VI (1108/1137) et Louis VII (1137/1180) interviennent hors de leur domaine, dans le Massif central et les pays d'oc. Toutefois, en 1154, un fait lourd de conséquences se produit : Henri Plantagenêt, duc de Normandie et d'Aquitaine, comte d'Anjou, du Maine, de Touraine, devient roi d'Angleterre, et se trouve ainsi à la tête d'un véritable « empire angevin ». Les principautés de l'ouest de la France dépendent désormais d'un souverain étranger, qui reste toutefois, pour ses possessions continentales, vassal du roi des Francs.

Les principautés à l'époque des grands rois capétiens.

• La situation se modifie au XIIIe siècle, époque des grands rois capétiens. L'affrontement entre le roi de France - appellation désormais en usage - et le roi d'Angleterre Jean sans Terre brise le lien féodal entre les principautés continentales et le souverain anglais. Philippe Auguste s'empare de la Normandie, de la Touraine, du Maine et de l'Anjou, et son fils Louis VIII du Poitou et d'une partie de la Gascogne.

D'autres succès renforcent la couronne de France. Après la capture du comte Ferrand à Bouvines en 1214, le comté de Flandre passe sous allégeance royale. En Champagne, dès le règne de Philippe Auguste, l'influence du souverain est déterminante. Après la mort de Louis VIII en 1226, le comte Thibaud IV, qui a d'abord combattu Blanche de Castille, lui abandonne les comtés de Blois, de Chartres et de Sancerre, ainsi que la vicomté de Châteaudun. En 1275, l'héritière du comté, Jeanne, est promise en mariage à l'un des fils de Philippe III, le futur Philippe le Bel, qu'elle épousera en 1284. Toutefois, le rattachement de la Champagne au domaine royal n'aura lieu qu'en 1361.

Les ducs de Bourgogne, après une ultime révolte du duc Hugues III, n'ont pas cessé d'être des vassaux loyaux de la couronne. Quant à la Bretagne, elle a été cédée en 1113 au duc de Normandie, Henri Ier, roi d'Angleterre. Mais, en 1206, Philippe Auguste, en lutte contre Jean sans Terre, prend en mains le gouvernement du duché. Il marie l'héritière à un prince de la famille royale, Pierre Mauclerc, qui se montre docile pendant les règnes de Philippe Auguste et de Louis VIII, mais participe aux coalitions contre Blanche de Castille. Il doit se soumettre en 1237, et ses successeurs se montrent, au XIIIe siècle, des vassaux fidèles.

Enfin, le développement de l'hérésie cathare, contre laquelle le pape Innocent III déclenche la croisade dite « des albigeois », va permettre à Louis VIII d'intervenir dans le comté de Toulouse. Le comte Raimond VII doit accepter les traités de 1229 et de 1243. À sa mort, en 1249, ses possessions reviennent à sa fille Jeanne et à son époux Alphonse de Poitiers, troisième fils de Louis VIII.

Les Capétiens, en effet, n'ont pas cherché à supprimer les grands fiefs du royaume. Leur conception de la monarchie est purement féodale. Ils pensent réaliser l'unité du royaume en mettant des princes de la famille royale à la tête des grands fiefs, et prennent l'habitude, surtout à partir de Louis VIII, de donner à leurs cadets des apanages. Cette institution, à l'origine de droit privé, permet de concilier la coutume du partage des biens entre tous les enfants et la nécessité d'une aînesse, qui évite l'émiettement du patrimoine. Ainsi, par son testament de juin 1225, Louis VIII décide que toutes les terres héritées de son père Philippe Auguste reviennent de droit à son fils aîné, Louis. Le second fils, Robert, reçoit l'Artois ; le troisième, Jean, l'Anjou et le Maine ; le quatrième, Alphonse, le Poitou et l'Auvergne, auxquels s'ajoute le comté de Toulouse. L'apanage doit revenir au roi en l'absence d'héritier mâle.

Cette politique n'est pas dépourvue de risques, même si Louis IX ne donne à ses fils cadets que des apanages plus modestes. Néanmoins, lorsque débute la guerre de Cent Ans, au XIVe siècle, le problème des principautés ne présente pas, d'une manière générale, un caractère de gravité. L'avènement de Philippe VI en 1328 entraîne le retour au domaine royal du Valois, de l'Anjou, du Maine. Les apanages qui subsistent sont de moindre importance : comtés d'Alençon, du Perche, d'Artois, d'Évreux, de Beaumont-le-Roger. Les relations du roi sont bonnes avec les ducs de Bourgogne et de Bretagne, ainsi qu'avec le comte de Flandre. Seule subsiste l'épineuse question de la Guyenne, possession du roi d'Angleterre, qui est d'ailleurs l'une des causes de la guerre.

De la principauté à l'État princier.

• La question des principautés est relancée par la politique des apanages, pratiquée généreusement par le roi Jean le Bon, et par le développement des institutions princières, du fait des besoins créés par la guerre de Cent Ans. Jean le Bon dote ses fils cadets de vastes apanages : Louis reçoit l'Anjou et la Touraine ; Jean, le Berry, le Poitou et l'Auvergne ; Philippe, la Bourgogne. Il ne faut certes pas confondre apanage et principauté. L'apanage de Jean de Berry n'a pas donné naissance à une principauté durable. En revanche, des princes comme le duc de Bretagne et les comtes de Foix et d'Armagnac ne sont pas apanagistes et tiennent leurs principautés en fief. Mais ces principautés des XIVe et XVe siècles disposent d'institutions inspirées de celles de la royauté (chancelier, Chambre des comptes, Grand Conseil, administration financière, armée). Elles sont parfois plus vastes et plus artificielles que celles des siècles antérieurs parce qu'elles sont constituées de comtés et de duchés dépourvus de liens à l'origine.