La première expression désigne traditionnellement la transformation interne de l'Église catholique au XVIe siècle ; cette transformation déborde largement la seule opposition au protestantisme - ou Contre-Réforme -, même si ce dernier concept rend bien la tonalité de combat qui anime le catholicisme après le concile de Trente.
Si la lutte contre la « Réformation » (Réforme luthérienne et calviniste) a accéléré et orienté la réforme interne du catholicisme, elle ne lui a pas donné naissance, car celle-ci est antérieure à la rupture protestante. De l'Église de la fin du Moyen Âge à l'Église baroque, la mutation est en effet profonde et continue ; elle est la réponse aux changements culturels et la mise en ordre d'un idéal de réformes pluriséculaire.
Un héritage médiéval de réformes.
• La Réforme catholique est née au concile de Vienne, en 1311, avec la notion de Reformatio in capite et in membris (« Réforme de la papauté et des différents corps de l'Église »). Elle intervient un siècle après le concile du Latran IV (1215), qui avait lancé une réforme pastorale en profondeur, et lié le salut de tout chrétien à la confession et à la communion pascale annuelles obligatoires dans sa paroisse. Elle exalte la charge d'âmes en fixant les droits, les devoirs et l'honneur de celui qui l'exerce, dénommé désormais « curé ». Cet effort est sensible au XIVe siècle, mais l'aggravation de la conjoncture après la Grande Peste puis le Grand Schisme (1378-1417) enlisent le processus. La réforme reste un idéal, la critique obligée des structures ecclésiales ; elle n'est plus un programme d'action, moins encore une politique épiscopale.
Au XVe siècle, la vie religieuse fait pourtant preuve d'un grand dynamisme, marqué par le culte de la Passion et de l'Eucharistie. La Fête-Dieu devient un sommet de l'année liturgique, éclipsant l'Ascension et la Pentecôte. Dans des processions de plus en plus unanimistes et grandioses, on transporte ensemble les reliques et le saint sacrement : la Cour céleste siège ainsi au milieu de l'Église locale. Le développement du « culte de la présence réelle » provoque la généralisation du tabernacle, la permanence du luminaire, la solennisation du transport du Viatique. Le culte eucharistique correspond à une perception de l'eucharistie qui s'était élaborée tout au long du Moyen Âge. Il en est de même de la dévotion à la Vierge, attestée par le succès de l'Ave Maria, qui provoque la naissance de la méditation du rosaire, que répand le dominicain Alain de La Roche (mort en 1485).
Ces pratiques constituent une éducation à l'intériorisation de la foi par l'intermédiaire d'un culte sensible : les illettrés comme les lettrés ont accès à la dévotion nouvelle. Au-delà du foisonnement excessif des rites, et stimulée par le développement de l'examen de conscience, une élite grandissante de « virtuoses du religieux » expérimente le dialogue personnel et intérieur avec le Christ et ses saints. Cette élite réclame des pasteurs exemplaires. Or, précisément, le retour à la paix permet une restauration de l'institution et l'élaboration d'une politique de réformes, promue à la fois par l'Église et par l'État, ce que tentent la Saxe (1485) et la France (1485, 1493).
Réforme en continuité et Contre-Réforme (1490-1563).
• La réforme du clergé est conduite dans une grande dispersion. Les ordres religieux centralisés, plus homogènes, sont les premiers à rechercher la « vie apostolique » voulue par leur règle primitive ; après les dominicains, les carmes et les minimes, les bénédictins se réforment à Cluny et à Chezal-Benoît. Nombre d'humanistes parisiens rejoignent alors la vie monastique, tels Guy Jouenneaux à Chezal-Benoît (1492) et Jean Raulin à Cluny (1497). Ils y favorisent l'essor des nouvelles pratiques de dévotion. Soutenues par la croyance en la fin du monde, les réformes sont entreprises dans une tension parfois insoutenable. La violence n'est pas rare : elle témoigne d'une urgence rénovatrice, qui ne tarde pas à provoquer la rupture luthérienne.