Montaigne (Michel Eyquem de), (suite)
« Philosophe imprémédité ».
• En 1571, Montaigne cède la charge qu'il occupait au parlement de Bordeaux. Il fait graver au mur de sa bibliothèque une inscription qui témoigne de son désir de se consacrer « à sa liberté, à sa tranquillité et à ses loisirs ». Il commence alors à travailler au premier livre des Essais. La première édition - constituée des livres I et II - paraît en 1580. Cette studieuse retraite est néanmoins entrecoupée de missions politiques, de voyages de découverte et de tâches liées à ses charges publiques. En 1572, Montaigne joue le rôle de négociateur entre Henri de Navarre et le duc de Guise. En 1580-1581, il effectue un voyage qui, par la Suisse et l'Allemagne du Sud, le mène en Italie, jusqu'à Rome. À son retour, il apprend que ses concitoyens l'ont élu maire de Bordeaux ; il occupe cette charge avec un remarquable sens de ses responsabilités de 1582 à 1584. Réélu, il fuit la ville devant la peste en 1585, et son second mandat s'achève sans gloire. À partir de 1586, il travaille au troisième livre des Essais. Deux ans plus tard, à l'occasion d'un long séjour à Paris, où ses activités politiques le conduisent dans l'entourage d'Henri III, il fait la connaissance de Marie de Gournay, sa future « fille d'alliance ». Cette même année 1588 paraît une nouvelle édition augmentée des Essais, incluant le troisième livre. Montaigne continuera à travailler jusqu'à sa mort à une nouvelle édition. Les annotations marginales de son exemplaire personnel - l'exemplaire dit « de Bordeaux » - constitueront la base de cette édition (posthume), réalisée en 1595 par Marie de Gournay et Pierre de Brach.
« Philosophe imprémédité », selon sa propre expression, Montaigne n'a pas développé dans ses Essais une réflexion conceptuelle : il s'est efforcé de pousser le plus loin possible une expérience de soi constamment enracinée dans l'existence quotidienne la plus concrète. Cette visée apparemment modeste n'en a pas moins une valeur historique et culturelle fondamentale : en une époque de chaos politico-religieux et de bouleversement de tous les repères, Montaigne s'est attaché à repenser et à négocier au mieux les rapports entre conscience intime et obligations mondaines, entre souci de sa propre intégrité et participation à la vie publique.