Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Terreur, (suite)

Cet aspect des choses est essentiel. Sous couvert d'idéologie, un certain nombre d'hommes profitent des principes de la Terreur pour se livrer à des actes violents et laisser libre cours à leur perversité. Les mises en scène macabres de Nantes, les fusillades perpétrées à Angers et les exactions commises en Vendée par une partie des « colonnes infernales » commandées par Turreau trouvent là leur explication. Néanmoins, il convient de comprendre la « Grande Terreur » comme un procédé politique, entre autres, employé par Robespierre pour tenter de contrer à la fois cette terreur provinciale et une ligne politique montagnarde plus radicale, qui a laissé proliférer une violence jugée dangereuse pour la survie de la Révolution elle-même. La reprise en main robespierriste s'accompagne de l'abandon de la déchristianisation, du contrôle des prix et de l'indépendance des sociétés populaires. Mais l'échec de Robespierre tient à ce souhait de contrôler la Terreur sans vouloir en répudier les principes, puisque l'Incorruptible admet que la Terreur soit utilisée à l'encontre des récalcitrants à la loi révolutionnaire.

Des conséquences considérables et des échos lointains.

• Le bilan de cet ensemble de « terreurs » est complexe. Selon les seules archives judiciaires, on en dénombre quelque 40 000 victimes, mais il conviendrait d'ajouter à ce chiffre toutes les personnes exécutées sans jugement, massacrées dans les campagnes, ou mortes des conséquences des guerres civiles. Les mesures terroristes ont également suscité, en France et en Europe, des réactions de panique. En France, elles ont poussé des paysans alsaciens à fuir leur région en nombre, elles ont radicalisé les guerres civiles, et ont finalement contribué à détacher la masse de la population du régime. Si la violence a pu être momentanément admise, alors que les pressions exercées par les contre-révolutionnaires étaient les plus fortes, les excès des commissions militaires, les dérives de certaines troupes et, surtout, le maintien des contraintes alors que les menaces s'affaiblissaient ont rendu la Terreur inacceptable. Le revirement de l'opinion est perceptible à Paris dans l'été 1794 ; il est général au moment de Thermidor, et lorsque les atrocités commises à Nantes sont largement dévoilées. En Europe, la Terreur jette un discrédit sur la Révolution : les intellectuels allemands ou anglais, favorables jusque-là aux luttes contre l'Ancien Régime, ne peuvent pas non plus justifier les brutalités exercées envers les populations des pays conquis par l'armée française.

Après Thermidor, les conventionnels assimilent l'ensemble de l'épisode montagnard et robespierriste à la Terreur. Le coup d'État permet aux thermidoriens de conclure une paix avec Charette en Vendée et d'entamer des rapprochements avec les royalistes modérés. La dénonciation de la Terreur est utilisée, de façon polémique, par des pamphlétaires comme Babeuf, mais aussi par des opportunistes, tel Fouché, qui entament une nouvelle carrière politique. Enfin, toute une historiographie contre-révolutionnaire s'empare de la Terreur pour dénoncer l'ensemble de la période révolutionnaire, l'interprétation du phénomène « terroriste » donnant lieu à d'intenses polémiques qui se prolongent jusqu'à la sphère politique. Récemment, la Terreur a été amalgamée aux systèmes totalitaires, dans la mesure où elle a limité les droits individuels au profit de l'État.

Pourtant, la Terreur n'a jamais été un système organisé, mais une succession de « moments » pendant lesquels des équilibres différents ont été réalisés. Même la Grande Terreur, fondée sur une vision politique globale, a largement dépendu du climat de rivalités et de l'obsession des complots qui a facilité la mise en œuvre des mesures violentes. La confusion provient des proclamations déclamatoires qui accompagnaient et justifiaient les mesures terroristes, mais aussi de la condamnation thermidorienne, qui a ainsi unifié ce qui ne l'avait jamais été.

La notion de « terreur » doit être replacée dans l'horizon esthétique et philosophique de l'époque : elle participe de l'idée du « contrat social » qui ne fait pas de place aux individus qui lui seraient hostiles. La Terreur doit également être comprise comme un épisode charnière. Elle est en effet la continuation de pratiques de violences héritées, qui ont ponctué - et permis - le cours de la Révolution depuis le printemps 1789 et qui ont été illustrées par les événements du 14 juillet et des 5 et 6 octobre 1789. Elle trouve également un prolongement dans la « Terreur blanche », mouvement d'épuration politique - témoignant lui aussi des mœurs du temps - marqué par les actes de vengeance et de répression commis à l'initiative des contre-révolutionnaires envers les jacobins et les sans-culottes vaincus après 1794, et qui se solde par quelques milliers d'assassinats. Enfin, la Terreur participe bien de cet empiètement accru de l'État sur les libertés individuelles. Par l'énoncé de principes radicaux, elle remet en cause les modes de gouvernement fondés sur les traditions, introduisant la désacralisation des pouvoirs qui sera au cœur des débats du XIXe siècle et annonçant le contrôle des individus par l'État, qui est, lui, au cœur des débats du XXsiècle.

Terreur blanche,

nom donné aux mouvements d'épuration politique et de représailles sanglantes déclenchés à la fin de la Révolution (1795-1797), puis au début de la Restauration (1815-1816).

La chute de Robespierre, le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), et la fin de la Terreur, suivie de la libération massive de détenus, sonnent l'heure des règlements de compte. Commence alors, outre l'épuration légale, une chasse à l'homme contre les « terroristes » - jacobins, prêtres constitutionnels ou acquéreurs de biens nationaux -, qui prend la forme de représailles, collectives ou personnelles. Ces agissements sont facilités par une série de lois, votées entre février et avril 1795, qui obligent les anciens cadres de l'an II à se regrouper dans leur commune d'origine, qui désarment et astreignent à résidence les militants populaires, et autorisent le retour d'exil des émigrés partis après la chute des girondins. Cette Terreur blanche, exercée par des royalistes hostiles à la République mais aussi par des notables soucieux d'éliminer le péril démocrate, se solde par des meurtres ou des massacres, souvent perpétrés dans la plus complète impunité par des bandes armées, telles les Compagnies de Jéhu ou du Soleil. Elle est particulièrement violente du printemps à l'automne 1795 (an III) dans le Lyonnais, la vallée du Rhône et la Provence, régions qui ont connu la guerre civile et une pacification brutale en l'an II. À l'été 1795, cependant, les thermidoriens s'émeuvent de la résurgence du royalisme et parviennent à endiguer le phénomène après l'échec de la révolte royaliste du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795). Dès lors, si elle resurgit avec une moindre intensité en 1796 et en 1797, la Terreur blanche se confond avec le simple brigandage.