Boulanger (Georges Ernest Jean Marie), (suite)
• Cette agitation inquiète désormais les républicains, en premier lieu Jules Ferry. En dépit des pressions exercées en sa faveur, Boulanger n'est pas repris dans le ministère qui succède au gouvernement Goblet, renversé le 17 mai 1887. Une campagne de sympathie, soutenue par quelques journalistes de talent comme Henri Rochefort, s'organise en réponse à cette exclusion. Muté au commandement du 13e corps d'armée à Clermont-Ferrand par un gouvernement qui le craint, Boulanger est acclamé lors d'une manifestation organisée à la gare de Lyon, pour son départ le 8 juillet 1887. Les républicains lancent alors une contre-propagande : le divorce entre Boulanger et Clemenceau est consommé. Les boulangistes s'unissent autour d'un « parti national » qui rassemble tous les mécontents de la République : républicains revanchards regroupés au sein de la Ligue des patriotes (tel Paul Déroulède), radicaux déçus, bonapartistes, monarchistes qui fournissent des subsides, et même socialistes. Les outils de propagande sont directement inspirés des méthodes électorales américaines. Le 26 février 1888, les partisans de Boulanger - officier inéligible - présentent ce dernier à des élections partielles : premier succès. Le 27 mars, le « brave général » est mis à la retraite : il se trouve ainsi libre de poursuivre sa carrière politique.
Armé d'un programme flou - la révision constitutionnelle -, fort du soutien financier des milieux conservateurs, profitant de son image intacte, il est élu député du Nord. Son audience électorale s'étend, en dépit des tensions qui s'exacerbent entre les monarchistes et lui. Lors d'une nouvelle élection partielle à Paris, en janvier 1889, le général remporte une victoire éclatante (245 000 voix, contre 160 000 à son principal adversaire). Certains partisans le poussent au coup d'État, mais il préfère attendre les élections générales qui doivent se dérouler à l'automne.
La contre-attaque républicaine.
• Le gouvernement ne lui en laisse pas le temps. L'action habile du ministre de l'Intérieur, Constans, le fait tomber dans un piège. Menacé d'arrestation pour atteinte à la sûreté de l'État, Boulanger s'enfuit à Bruxelles, le 1er avril 1889. Condamné par contumace par le Sénat réuni en Haute Cour le 14 août, il devient inéligible. Le « parti national », divisé, échoue aux élections de septembre : les boulangistes n'obtiennent que 42 sièges. Le 30 septembre 1891, le général Boulanger se suicide sur la tombe de sa maîtresse.
Le boulangisme ne constitue pas une doctrine politique. Son caractère composite de même que l'extrême diversité sociale et idéologique de ses clientèles politiques le rendent tout à fait inclassable. Populiste, nationaliste, parfois socialiste, monarchiste dans certaines régions, presque dénuée d'antisémitisme, empreinte d'une certaine tradition républicaine autoritaire, cette nébuleuse est avant tout une entreprise électorale engagée par ceux que les républicains au pouvoir n'avaient pas intégrés.