Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Carolingiens. (suite)

Charles le Chauve, devenu empereur en 875, va relever quelque temps l'éclat du titre impérial. Mais ce dernier, transmis après lui de roitelet carolingien en roitelet carolingien, perd définitivement toute valeur, avant de disparaître en 924. Dans la Francie orientale en voie de devenir Allemagne, les héritiers de Louis le Germanique (mort en 876), incapables de riposter aux attaques extérieures conduites par les Vikings et les Hongrois, doivent peu à peu abandonner leur pouvoir aux chefs des aristocraties régionales, appelés « ducs », notamment à ceux de Saxe. Ceux-ci accèdent à la royauté avec Henri Ier en 919, et, en 962, avec Otton Ier, restaurent un Empire prétendu « romain », en fait allemand.

En Francie occidentale, qu'on peut désormais appeler France, la royauté est confrontée à la même double menace : danger extérieur (surtout viking) et désagrégation intérieure, du fait des revendications d'autorité des grands qui, pendant la guerre civile, n'ont pas toujours su à quel roi ils devaient fidélité, et qui en fin de compte monnayent chèrement leur ralliement à Charles le Chauve. Celui-ci s'en accommode habilement, d'abord par l'accord contractuel de Coulaines (843), au terme duquel il accepte de gouverner avec l'aide et le conseil des grands, laïcs et ecclésiastiques, ensuite par le capitulaire de Quierzy (877), selon lequel il reconnaît le droit des fils de comtes à hériter de l'honneur de leur père, entérinant la pratique déjà bien ancrée de la patrimonialisation des charges publiques. C'est à ce prix que Charles remporte encore quelques succès. Mais, après sa mort (877), les plus puissantes des familles comtales, en particulier celles qui étaient le plus confrontées aux dangers extérieurs, revendiquent d'abord leur autonomie militaire, puis l'exercice de plein droit des prérogatives régaliennes dans leur comté (en matière de justice, d'impôts, de nominations ecclésiastiques) et, enfin, leur droit d'ingérence dans l'élection royale. C'est ainsi que trois membres de la famille des comtes de Paris, ou Robertides, deviennent rois contre des prétendants carolingiens : Eudes (888/898), Robert Ier (922/923), Hugues (987/996) enfin, qui, faisant sacrer son fils de son vivant, ainsi que Pépin III l'avait fait en 754, prend les mesures pour pérenniser dans sa descendance la succession dynastique. C'en est fini non seulement du dominium carolingien sur l'Occident, mais de l'unité de l'Occident, désormais livré à la dissolution des pouvoirs.

Le legs carolingien

Le legs des Carolingiens à l'Occident n'en est pas moins immense. Dans l'ordre économique et social, ils ont, par leur politique et leur législation, encouragé le développement des structures domaniales d'où allait émerger la seigneurie médiévale, orienté résolument les flux du grand commerce en direction du Nord, et multiplié l'usage des liens vassaliques qui donneront son tissu et ses déchirements à la société féodale. Dans le domaine religieux, ils ont approfondi la christianisation et étendu les limites de la chrétienté, la dotant partout - en concertation avec des papes considérés comme des bras droits en matière spirituelle - des mêmes structures d'encadrement et des mêmes pratiques liturgiques. Dans le domaine culturel, ils ont promu la multiplication des ateliers d'écriture et la diffusion de livres bien écrits (dont de nombreux exemplaires, copies d'œuvres plus anciennes ou œuvres originales, sont parvenus jusqu'à nous). Dans l'ordre artistique, ils ont encouragé, à partir de laboratoires parfois installés dans le palais même, le développement d'écoles de peinture (surtout sur parchemin) et de sculpture (surtout sur ivoire), et la promotion d'une nouvelle architecture religieuse opérant la synthèse de traditions antiques ou orientales et tendant à concentrer dans un même édifice - ce qui était nouveau - l'ensemble des cérémonies du cycle liturgique. Dans l'ordre politique enfin, ils ont rêvé l'unité de l'Occident, et ont imposé le modèle de la monarchie chrétienne : certes, comme on le sait, le rêve unitaire s'est brisé contre toutes les forces d'éclatement, mais le modèle du monarque chrétien s'est perpétué dans tous les États héritiers.

Carrel (Armand),

journaliste (Rouen 1800 - Saint-Mandé 1836).

Ce fils de drapier entre à Saint-Cyr pour embrasser une carrière militaire. Mais son caractère ardent et ses liens avec la société secrète de la charbonnerie lui valent l'hostilité de ses supérieurs. En 1823, il quitte l'armée, pour aller se battre en Espagne aux côtés des libéraux. Capturé, condamné à mort puis acquitté, il gagne Paris en 1824. Il s'y fait connaître par des articles et des ouvrages historiques (Histoire de la contre-révolution d'Angleterre, 1827). Avec Adolphe Thiers et Auguste Mignet, il fonde un puissant organe d'opposition, en janvier 1830 : le National. Les ordonnances du 25 juillet, destinées à bâillonner la presse et la Chambre des députés, l'indignent. Hostile, néanmoins, à toute idée d'insurrection, il ne participe pas aux journées révolutionnaires des 27, 28 et 29 juillet. Sous sa direction, le National se désolidarise peu à peu du régime de Juillet. La passivité française à l'égard des questions polonaise et italienne y est vigoureusement dénoncée, ainsi que la politique menée par Casimir Perier. En janvier 1832, Carrel se déclare républicain. Influencé par le modèle de la démocratie américaine, également fidèle au souvenir impérial, il est très écouté dans les milieux d'opposition. Les poursuites répétées qui visent sa personne ou son journal, et la haine farouche que lui voue Thiers - notamment lors de sa candidature malheureuse à la Chambre - n'entament pas sa détermination. C'est en tant que journaliste qu'il mène son ultime combat : en désaccord avec Émile de Girardin sur la presse à bon marché, il le rencontre en duel, et y laisse la vie.

Carrier (Jean Baptiste),

homme politique (Yolet, Cantal, 1756 - Paris 1794).

Fils d'un cultivateur aisé, procureur en 1785, membre du club jacobin d'Aurillac, il est élu en 1792 à la Convention, où il siège avec les montagnards. Représentant en mission, il est envoyé en Normandie en juillet 1793, puis à Rennes, et enfin à Nantes, du 8 octobre 1793 au 8 février 1794. C'est durant cette dernière mission qu'il s'illustre par la violence et la démesure de son action, procédant à des exécutions massives, dont les fameuses « noyades de Nantes ». Dénoncé au Comité de salut public, il est rappelé à Paris, où, craignant des sanctions, il ne s'oppose guère au 9 Thermidor. Cependant, en le décrétant d'accusation le 23 novembre 1794, les thermidoriens font de lui l'incarnation même de la politique « terroriste » de l'an II. Jugé avec les membres du comité révolutionnaire nantais par le Tribunal révolutionnaire, haï de tous, il est déclaré seul responsable et guillotiné le 16 décembre. « Patriote délirant », taciturne et exalté, Carrier demeure un objet de controverse, tant pour sa personnalité que pour le caractère et les conséquences de sa mission dans la guerre de Vendée.