écrivain et homme politique (Charmes-sur-Moselle 1862 - Neuilly-sur-Seine 1923).
Venu de sa Lorraine natale, le jeune Barrès fréquente à Paris les cénacles littéraires, lance une éphémère revue, publie Sous l'œil des barbares (1888, premier volume d'une trilogie consacrée au Culte du moi), que salue un article de Paul Bourget. Il entre ensuite en politique dans la mouvance boulangiste : député de Nancy (1889), il siège à l'extrême gauche de la Chambre. Après un échec à Neuilly, il stigmatise les mœurs politiques dans une pièce de théâtre (Une journée parlementaire, 1894), dirige une feuille (la Cocarde, journal antisémite du soir), prend parti contre Dreyfus et dérive vers un nationalisme droitier que traduit le Roman de l'énergie nationale (les Déracinés, 1897 ; l'Appel au soldat, 1900 ; Leurs figures, 1902). Poursuivant sa carrière littéraire (qui le conduit à l'Académie en 1906), il publie une ultime trilogie consacrée à glorifier les Bastions de l'Est (1906-1920), chante cette Colline inspirée « où souffle l'esprit » (1913), fait vibrer ses diverses harmoniques (le Voyage de Sparte, 1906 ; Greco ou le Secret de Tolède, 1911 ; Une enquête aux pays du Levant, 1923). Député de Paris à partir de 1906, il succède à Déroulède à la tête de la Ligue des patriotes avant de mettre sa plume au service de la patrie dans la Chronique de la Grande Guerre. Au lendemain du conflit, son influence décroît rapidement. Il meurt, laissant inachevés ses Cahiers, Mémoires dont la publication s'échelonnera de 1929 à 1951.
Le nationalisme barrésien.
• Boulangiste à l'origine, à la fois populiste et patriote, le nationalisme barrésien se radicalise avec l'affaire Dreyfus. De l'extrême gauche, Barrès s'oriente vers la droite entre 1894 et 1906. Après avoir milité en faveur d'un « socialisme fédéraliste » qui regroupe, contre les parlementaires corrompus par le scandale de Panamá, Maurras et quelques hommes de gauche, le disciple de Gobineau entreprend une campagne violemment antidreyfusarde, dont l'antisémitisme constitue le ciment. Puis son combat politique s'oriente de plus en plus contre la République, qu'il tient pour responsable de la perte de l'Alsace-Lorraine. Le terroir est en effet la composante d'une force personnelle, mystique, déterministe et réunificatrice. L'évolution politique de Barrès traduit le passage de l'égotisme raffiné au nationalisme social : « Ayant longtemps creusé l'idée du moi avec la seule méthode des poètes et des mystiques par l'observation intérieure, je descendis parmi des sables sans résistance jusqu'à trouver au fond et pour support la collectivité. » En réaction contre les trivialités humaines, et se nourrissant de l'ivresse de l'intellect, l'égotiste veut tout éprouver, s'exalter en savourant et en analysant chaque émotion ; mais, pour être maître de son destin, il doit être puissant et s'affranchir du monde sensible. Le culte du moi-individu délivre l'être de toute contrainte face aux « barbares », c'est-à-dire à tout ce qui lui est étranger, et conduit Barrès à celui du moi-nation. À l'instar d'un être vivant, la nation constitue un tout irréductible qui doit se défendre des forces destructrices qui menacent sa cohésion et doit exprimer son énergie ou sa puissance face aux autres peuples en s'isolant de l'étranger et en se refermant sur son identité. La nation, fruit d'une vision organique de l'homme et de la collectivité, remplace ainsi la religion révélée.