Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Barras (Paul François Jean Nicolas, vicomte de), (suite)

Parfois surestimée, l'influence politique de Barras durant la décennie révolutionnaire est en réalité limitée jusqu'à son élection au poste de directeur. Et, même alors, il n'est pas ce « roi de la République » que l'on décrit souvent. À l'origine de cette légende, le dénigrement du régime directorial - dont il devient la figure emblématique - par les brumairiens « révisionnistes » menés par Sieyès et par le clan Bonaparte. Barras a laissé des Mémoires peu fiables, qui ne contribuent guère à éclairer son parcours.

Barrès (Maurice),

écrivain et homme politique (Charmes-sur-Moselle 1862 - Neuilly-sur-Seine 1923).

Venu de sa Lorraine natale, le jeune Barrès fréquente à Paris les cénacles littéraires, lance une éphémère revue, publie Sous l'œil des barbares (1888, premier volume d'une trilogie consacrée au Culte du moi), que salue un article de Paul Bourget. Il entre ensuite en politique dans la mouvance boulangiste : député de Nancy (1889), il siège à l'extrême gauche de la Chambre. Après un échec à Neuilly, il stigmatise les mœurs politiques dans une pièce de théâtre (Une journée parlementaire, 1894), dirige une feuille (la Cocarde, journal antisémite du soir), prend parti contre Dreyfus et dérive vers un nationalisme droitier que traduit le Roman de l'énergie nationale (les Déracinés, 1897 ; l'Appel au soldat, 1900 ; Leurs figures, 1902). Poursuivant sa carrière littéraire (qui le conduit à l'Académie en 1906), il publie une ultime trilogie consacrée à glorifier les Bastions de l'Est (1906-1920), chante cette Colline inspirée « où souffle l'esprit » (1913), fait vibrer ses diverses harmoniques (le Voyage de Sparte, 1906 ; Greco ou le Secret de Tolède, 1911 ; Une enquête aux pays du Levant, 1923). Député de Paris à partir de 1906, il succède à Déroulède à la tête de la Ligue des patriotes avant de mettre sa plume au service de la patrie dans la Chronique de la Grande Guerre. Au lendemain du conflit, son influence décroît rapidement. Il meurt, laissant inachevés ses Cahiers, Mémoires dont la publication s'échelonnera de 1929 à 1951.

Le nationalisme barrésien.

• Boulangiste à l'origine, à la fois populiste et patriote, le nationalisme barrésien se radicalise avec l'affaire Dreyfus. De l'extrême gauche, Barrès s'oriente vers la droite entre 1894 et 1906. Après avoir milité en faveur d'un « socialisme fédéraliste » qui regroupe, contre les parlementaires corrompus par le scandale de Panamá, Maurras et quelques hommes de gauche, le disciple de Gobineau entreprend une campagne violemment antidreyfusarde, dont l'antisémitisme constitue le ciment. Puis son combat politique s'oriente de plus en plus contre la République, qu'il tient pour responsable de la perte de l'Alsace-Lorraine. Le terroir est en effet la composante d'une force personnelle, mystique, déterministe et réunificatrice. L'évolution politique de Barrès traduit le passage de l'égotisme raffiné au nationalisme social : « Ayant longtemps creusé l'idée du moi avec la seule méthode des poètes et des mystiques par l'observation intérieure, je descendis parmi des sables sans résistance jusqu'à trouver au fond et pour support la collectivité. » En réaction contre les trivialités humaines, et se nourrissant de l'ivresse de l'intellect, l'égotiste veut tout éprouver, s'exalter en savourant et en analysant chaque émotion ; mais, pour être maître de son destin, il doit être puissant et s'affranchir du monde sensible. Le culte du moi-individu délivre l'être de toute contrainte face aux « barbares », c'est-à-dire à tout ce qui lui est étranger, et conduit Barrès à celui du moi-nation. À l'instar d'un être vivant, la nation constitue un tout irréductible qui doit se défendre des forces destructrices qui menacent sa cohésion et doit exprimer son énergie ou sa puissance face aux autres peuples en s'isolant de l'étranger et en se refermant sur son identité. La nation, fruit d'une vision organique de l'homme et de la collectivité, remplace ainsi la religion révélée.

barricades.

Lors d'affrontements urbains, ces concentrations éphémères qui résultent d'un amoncellement de fortune tendent à fixer les combats, à protéger les insurgés et à désorganiser les communications adverses. Elles comptent parmi les symboles majeurs de l'histoire révolutionnaire parisienne au XIXe siècle.

Les barricades ne s'imposent durablement dans les combats qu'avec la révolution de juillet 1830. Jusque-là, elles n'apparaissent que de façon sporadique. Les premières sont érigées sous l'Ancien Régime, lors des combats de la Ligue (12 mai 1588), puis de la Fronde (26 août 1648). Au cours de ces deux « journées des barricades », la population parisienne défie avec succès le pouvoir royal. Des barriques remplies de terre et reliées avec des chaînes rendent les rues impraticables. En revanche, les barricades sont absentes des combats de l'été 1789, ainsi que des journées révolutionnaires des années suivantes - exception faite d'une timide apparition en prairial an III (mai 1795).

Les années héroïques.

• Leur retour soudain en 1830, pendant les Trois Glorieuses, n'en est que plus inattendu. Elles obstruent les rues du centre et de l'est de Paris, transformant l'espace en un inextricable labyrinthe. Les troupes royales dirigées par Marmont s'y empêtrent. Après chaque assaut, elles sont aussitôt reformées tandis que pleuvent les projectiles du haut des immeubles ; la capitale étant en perpétuel chantier, les insurgés peuvent se fournir en abondance en pavés, planches, meubles, véhicules de toutes sortes. Les combattants des barricades, artisans de la victoire sur Charles X, sont comblés d'honneurs, et les plus valeureux reçoivent la décoration de Juillet. Delacroix leur rend en 1831 un vibrant hommage en peignant la Liberté guidant le peuple. Mais le régime orléaniste ne les intègre pas parmi ses dirigeants ou ses cadres : la contestation endémique à laquelle doit faire face le régime dans les années qui suivent, nourrie par des crises économiques ou sociales récurrentes, prend à plusieurs reprises la forme de combats de barricades. On en dénombre plusieurs centaines les 5 et 6 juin 1832 dans les quartiers populaires de l'est et du centre de Paris. En avril 1834, elles ne sont plus qu'une trentaine, et moins encore lors de la prise d'armes de mai 1839. Le combat de barricades se révèle alors inadapté en l'absence d'un soutien populaire massif, tandis que s'accroissent les moyens des forces de l'ordre, épaulées par la garde nationale. De cette période date cependant la diffusion des barricades hors de Paris : canuts et républicains lyonnais en érigent des centaines lors des insurrections de novembre 1831 et d'avril 1834.