élément du système onomastique qui permet de désigner un individu, en le situant à l'intérieur d'un groupe familial, culturel et national.
La tradition romaine et sa disparition.
• La romanisation des Gaules entraîne le passage rapide du système onomastique uninominal de type celte et germain au système latin des tria nomina - nomen (signifiant l'appartenance à une gens), cognomen (signifiant l'appartenance à une branche d'une gens), et praenomen (marqueur de l'identité individuelle). Privilège du citoyen romain, le système trinominal est un signe de distinction puissant, d'autant que pérégrins, affranchis et esclaves usent simplement de deux noms ou d'un nom unique. Cependant, à partir du IVe siècle, l'onomastique romaine s'effondre, tant en raison de son évolution interne, après l'obtention de la citoyenneté romaine par tous les hommes libres de l'Empire (édit de Caracalla, 212) que sous la pression de phénomènes extérieurs. L'ancien système se transforme par l'abandon du nomen, puis du cognomen, le ou les prénoms devenant héréditaires. Partout, le sobriquet tend à devenir un nom unique.
Cette évolution peut être mise en rapport avec la fragmentation de l'Empire en petites entités autonomes car, plus le cadre de vie est restreint, moins le système onomastique nécessite d'être complexe, chacun étant connu de tous. Le christianisme renforce ce mouvement, en ne reconnaissant que le nom de baptême pour désigner le chrétien. Ces deux facteurs croisés expliquent que les peuples germaniques conservent, en s'installant, leur système onomastique uninominal.
La fixation des noms de famille.
• Cependant, cette extrême simplicité ne correspond plus, dès le Xe siècle, aux besoins de la société. La politique lignagère, qui signifie sa cohésion par l'usage d'un nombre limité de noms de baptême, pose de sérieux problèmes d'homonymie, d'autant que le stock onomastique se restreint par l'abandon progressif de nombreux noms germaniques. De plus, la multiplication des actes notariés authentiques accentue le besoin d'identification claire. Aussi, les surnoms sont-ils de plus en plus fréquents, d'abord pour les grands (Xe siècle) puis dans toutes les couches de la société (XIIe et XIIIe siècles). Ils sont formés à partir de la filiation, d'une indication topographique, d'une activité ou d'un état, ou encore d'une caractéristique physique. Ces surnoms deviennent héréditaires, en ligne agnatique, au cours des siècles suivants, et prennent valeur de noms de famille que l'État contribue à fixer. L'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) rend obligatoire l'enregistrement des baptêmes et des décès en français et celle de Blois (1579) impose l'inscription des mariages dans les registres paroissiaux. En 1667, ces derniers deviennent officiellement des registres d'état civil. Le même impératif de déclaration du nom est imposé aux protestants en 1787. Du XVIe au XVIIIe siècle, l'État accompagne donc, en le formalisant, l'usage qui se répand dans la société. Pourtant, on relève de nombreuses transgressions de la règle générale de fixité du nom, du fait de l'idéal de distinction qui caractérise la société d'Ancien Régime. Porter plusieurs noms et surnoms, reprendre un nom tombé en déshérence, prendre le nom d'une terre qu'on possède pour paraître noble - comme le Gros-Pierre, cité dans l'École des femmes, qui, ayant creusé un fossé autour de son champ, se fit appeler « Monsieur de l'Isle » -, sont des actes fréquents.
Le nom : une obligation légale.
• Il appartient à la période révolutionnaire de faire passer le nom de famille de la sphère de l'usage social à celle de la loi, de la relative fluidité à la plus stricte rigidité. Dans un premier temps (1789-1794), on assiste à une déstabilisation des principes nominaux de l'Ancien Régime. L'abolition des titres (19 juin 1790) n'est pas suffisante et la chasse est ouverte aux noms infâmes, comme l'illustre l'histoire du boucher Leroy, contraint de changer de nom par les autorités de Compiègne (18 octobre 1793). De même, c'est un changement de nom qui signe la déchéance de Louis XVI et la prochaine décapitation du « citoyen Capet ». Au fur et à mesure que l'on efface les symboles linguistiques de l'ancienne France, de nouveaux noms apparaissent, symboles de la rupture d'avec le passé et de l'auto-engendrement de l'homme nouveau. La mode est donc au changement de nom et au baptême révolutionnaire. C'est ainsi que Louis Philippe Joseph, duc d'Orléans, élu député de la Convention en 1792, devient « Philippe Égalité ». L'euphorie régénératrice entraîne l'adoption d'une loi très libérale, stipulant que « chaque citoyen a la faculté de se nommer comme il lui plaît » (24 brumaire an II/14 novembre 1793), s'il fait inscrire son nom à l'état civil, laïcisé depuis le 20 septembre 1792. Cependant, moins d'un an plus tard, la Convention thermidorienne adopte une loi extrêmement rigoureuse quant au principe de l'immutabilité des noms ; des poursuites sont en effet prévues contre les contrevenants, pouvant aller jusqu'à la dégradation civique en cas de récidive. C'est un tournant majeur dans l'histoire du nom, dont la stabilité est désormais garantie par l'état civil, et qui devient l'un des éléments essentiels du contrôle administratif des citoyens. Cette loi est reprise, avec quelques modifications, par celle du 11 germinal an XI (1er avril 1803). Le nouveau texte fixe les prénoms licites et les règles qui régissent l'approbation des changements de nom par l'État - procédure lourde qui, jusqu'à la réforme de 1993, nécessite l'intervention du Conseil d'État. Le « nom contemporain » est par la suite étendu à tous (juifs de France en 1808, anciens esclaves des Antilles françaises en 1848, « indigènes » de l'empire colonial, notamment en Algérie, à partir des années 1880) jusqu'à devenir l'évidence qui nous est familière.