Comme son antonyme « droite », le mot « gauche » acquiert une signification politique durant l'été 1789, lorsque les « patriotes » prennent l'habitude de siéger à gauche du président de l'Assemblée constituante.
L'appellation est devenue courante au XIXe siècle - la « gauche dynastique » sous Louis-Philippe, la « gauche républicaine » de Jules Ferry, dans les années 1870 - et reste revendiquée, au XXe siècle, en France mais aussi dans la plus grande partie du monde, par ceux qui, face à la droite, estiment représenter le changement, le mouvement, la lutte pour un monde meilleur. Cependant, comme la droite, la gauche a toujours été - et est encore - plurielle. Longtemps, la gauche française s'est définie, en priorité, par l'attachement aux principes de 1789 - les libéraux mettant plutôt l'accent sur la liberté, et les radicaux sur l'égalité - et par la méfiance à l'égard de l'Église catholique, jugée foncièrement hostile à la société moderne. Depuis le milieu du XIXe siècle, toutefois, la « question sociale », liée à la révolution industrielle, a favorisé l'apparition et le développement de nouvelles forces de gauche qui contestent le système capitaliste : le courant socialiste, d'ailleurs très divers, autoritaire ou libertaire, révolutionnaire ou réformiste.
La gauche libérale
Elle est l'héritière des Lumières et de la majorité des « patriotes » de 1789, qui ont voulu régénérer la France en y établissant solidement les libertés, l'égalité des droits et la souveraineté nationale, dans le cadre d'une monarchie constitutionnelle. Dans un premier temps, l'expérience a échoué : opposition du roi et des « aristocrates », radicalisation de la Révolution due à la guerre étrangère et civile, vaines tentatives de stabilisation sous le Directoire, dictature napoléonienne. Hostiles à celle-ci, les libéraux s'opposent ensuite très vite à la Restauration, au nom de la liberté de la presse, de la liberté religieuse (menacée par le « parti prêtre »), de l'égalité des droits (mise en cause par certains ultras) et, finalement, des droits du Parlement (bafoués par Charles X en juillet 1830). Ils peuvent s'appuyer sur la fraction éclairée de la noblesse et sur la plus grande partie de la bourgeoisie, et sont soutenus, lors des Trois Glorieuses, par le peuple de Paris et la majorité de l'opinion. Comme une quarantaine d'années plus tôt, ils se retrouvent alors aux prises avec l'agitation démocratique. Alors que le parti de la Résistance, formé d'ardents défenseurs de l'Ordre, tels Casimir Perier ou Guizot, s'emploie à la réprimer, le libéralisme de gauche (le parti du Mouvement, incluant la « gauche dynastique ») préconise l'élargissement d'un corps électoral étroitement censitaire, ainsi que d'autres concessions visant à écarter le danger d'une révolution nouvelle. Cependant, celle-ci éclate en février 1848 : le parti républicain modéré opère alors une première synthèse entre le libéralisme et la démocratie, symbolisée par l'instauration du suffrage universel masculin. Vouée à l'échec dans la conjoncture troublée du milieu du siècle, cette politique sera consacrée par l'installation et l'ancrage, dans les années 1870 et 1880, de la IIIe République. Gambetta, Jules Ferry et les opportunistes garantissent solidement les principales libertés (de la presse, de réunion, des syndicats), la laïcité de l'enseignement face à l'influence d'un clergé traditionaliste, et souhaitent réaliser l'union sociale grâce à la promotion par l'école.