Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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manufactures royales privilégiées, (suite)

Une soixantaine de fabricants reçoivent le titre de « manufacture privilégiée » sous les règnes d'Henri IV et de Louis XIII. Entre 1664 et 1683, Colbert distribue plus de cent dix privilèges ; ils représentent les instruments principaux de sa politique d'incitation industrielle. Au siècle suivant, ses successeurs persévèrent dans cette voie. Ainsi, sous l'Ancien Régime, le privilège constitue un moyen habituel pour encourager l'initiative et l'innovation.

maquis,

organisations de Résistance établies dans des lieux difficilement accessibles, pendant l'Occupation.

Le phénomène des maquis apparaît au début de l'année 1943, lorsque nombre de jeunes « réfractaires » préfèrent la clandestinité au Service du travail obligatoire (STO). Les premiers maquis surgissent dans les Alpes, puis couvrent peu à peu tout le territoire, les régions isolées ou montagneuses étant évidemment privilégiées. Les effectifs croissent de façon spectaculaire, et, à la fin de 1943, on compte plus de 40 000 maquisards. Les dirigeants de la Résistance sont d'abord surpris de leur brusque apparition. Toutefois, ils tentent d'y faire face en créant divers organes d'encadrement, comme le Service national des maquis ou le Comité d'action contre la déportation. Une tâche difficile, dans la mesure où les maquis manquent de tout, à commencer d'armes et d'argent, et où les Alliés demeurent circonspects quant à leur efficacité militaire. Il faut attendre le début de 1944 pour voir les parachutages d'armes s'intensifier, sans que, cependant, la question de l'armement soit jamais résolue.

On oppose souvent deux types de maquis. Ceux des Mouvements unis de Résistance (MUR) ou de l'Organisation de Résistance de l'armée (ORA) se caractérisent par l'importance de leurs effectifs (parfois plus de 500 combattants) et par la prégnance de l'encadrement militaire. Les maquis des Francs-Tireurs et Partisans (FTP), au contraire, sont constitués de petites unités (jamais plus de 100 hommes) qui évitent le contact direct avec l'ennemi et privilégient la guérilla. La question de l'utilisation des maquis fait rebondir la querelle de l'action immédiate. Les communistes et une bonne partie des résistants estiment qu'il est difficile de maintenir dans l'inaction les jeunes volontaires. Le Comité français de libération nationale (CFLN), pour sa part, entend réserver les maquis à l'application, le jour J, des ordres alliés. Pourtant, au printemps 1944, le même CFLN (Soustelle, Billotte) conçoit l'idée de « maquis mobilisateurs », des unités relativement lourdes (plus de 1 000 hommes) auxquelles reviendrait la tâche éminemment politique de libérer seules des portions de territoire, et de faciliter ainsi l'installation en France du CFLN. Enfin, l'attitude des Alliés n'est pas dépourvue d'ambiguïté. Ainsi, le 6 juin 1944, Eisenhower donne un ordre d'insurrection générale, dans le but de brouiller l'esprit des Allemands ; une insurrection que Kœnig, devant l'ampleur des pertes, doit freiner dès le 10 juin.

Il est difficile d'évaluer l'action militaire des maquis. Les gros maquis (Glières, mont Mouchet, Vercors) furent décimés par les Allemands et la Milice. En revanche, l'action de guérilla des petits maquis (comme celui de Romans-Petit, dans l'Ain) s'avéra souvent utile. Dans le sud de la France, les maquis contribuèrent à la libération de départements entiers, au moment, il est vrai, où les armées allemandes faisaient retraite.

Marat (Jean-Paul),

révolutionnaire (Boudry, Suisse, 1743 - Paris 1793).

Pour ses admirateurs aussi bien que pour ses détracteurs, Marat apparaît comme l'une des figures les plus emblématiques de la Révolution. Son influence auprès du mouvement populaire parisien, sa relative indépendance à l'égard des principaux courants politiques de son temps, son assassinat, qui l'a élevé au rang de martyr, en font une personnalité marquante de l'histoire révolutionnaire.

Un médecin éclairé.

• Né en Suisse d'un père d'origine sarde et d'une mère genevoise, Marat étudie au collège de Neuchâtel et se retrouve, à 16 ans, précepteur à Bordeaux. En 1762, il monte à Paris, capitale rayonnante d'une France où s'accroît la mobilité sociale. Il y complète sa formation philosophique et étudie la médecine, avant de gagner l'Angleterre en 1765. Dans ce pays qui s'impose aux esprits éclairés comme un modèle politique, Marat exerce son art et publie ses premiers ouvrages, en anglais. Il rédige notamment un Essay on the Human Soul (1772) et l'un de ses livres les plus célèbres, The Chains of Slavery (1774), dans lequel il énonce une théorie de l'insurrection et légitime la violence politique. Rentré en France en 1777, il devient médecin des gardes du comte d'Artois et poursuit des activités de recherche. Ses mémoires sur le feu (1780), la lumière (id.) ou encore l'électricité (1782) sont au cœur des préoccupations scientifiques du moment. Mais ses travaux et ses résultats, qui entendent mettre fin au système newtonien, sont rejetés par l'Académie des sciences, qui lui ferme sa porte. Les années 1780 sont pour lui une décennie de repli social : Marat cesse en effet d'exercer comme médecin auprès du comte d'Artois, et son existence quotidienne est fragilisée.

Un journaliste engagé.

• L'effervescence qui suit l'annonce de la convocation des États généraux remet Marat en selle. À la réflexion politique qu'il avait continué à mener après son séjour en Angleterre, notamment dans son Plan de législation criminelle (1780), succède l'engagement passionné. Dès le début de l'année 1789, il écrit des pamphlets sur la situation du royaume. La liberté de la presse, nouvellement acquise, lui permet, en septembre, de créer son propre journal, l'Ami du peuple, grâce auquel il fonde sa notoriété dans les mois qui suivent. Tiré à quelque 2 000 exemplaires, l'Ami du peuple , comme l'écrit l'historien Michel Vovelle , « est avant tout un long éditorial » et bénéficie d'un « public fidèle et attentif », sans être pour autant considérable. Tout au long du millier de numéros qu'il fait paraître, Marat en appelle à la vigilance populaire, afin d'éviter la confiscation de la Révolution au profit des nantis. Son propos, souvent violent, lui vaut des déboires, surtout lorsqu'il s'en prend à des personnalités comme Necker, Mirabeau ou La Fayette : à plusieurs reprises, entre 1789 et 1792, il doit fuir ou se cacher. Sa position se renforce considérablement après la journée du 10 août 1792. Élu en septembre à la Convention nationale, il siège avec les montagnards et soutient une ligne républicaine à vocation démocratique. Signe de son influence et de ses aspirations, son journal change de titre, adoptant celui de Journal de la République française. Marat continue d'y exalter les masses populaires, par qui et pour qui doit se construire le mouvement révolutionnaire. Il trouve légitime l'élimination des ennemis de la République et, sans les avoir provoqués, soutient les massacres de Septembre.