Sécurité sociale, (suite)
Il en découle les règles posées en 1945 : le financement est assuré par les cotisations des salariés et des employeurs ; la gestion incombe aux conseils d'administration des caisses, représentant les assurés et les entreprises. Le respect de l'héritage conduit à admettre une multiplication de régimes spéciaux sauvegardant des avantages catégoriels acquis, et une couverture complémentaire des risques assurée par des mutuelles.
Risques couverts et population concernée.
• Les risques couverts en 1945 sont ceux prévus dans les textes antérieurs : maladie, invalidité, accidents du travail et maladies professionnelles, vieillesse et décès ainsi que maternité ; en outre, les allocations familiales versent des prestations pour compenser certaines charges de famille. L'assurance retraite repose sur la logique de répartition, qui la met à la charge des actifs et la rend donc vulnérable aux déséquilibres entre actifs et retraités. Les allocations chômage restent en dehors du système.
La Sécurité sociale, en n'intéressant à l'origine que les seuls salariés, se mettait en contradiction avec le préambule de la Constitution de 1946, plus proche des principes de Beveridge, qui affirmait : « Tout être humain [...] a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens corrects d'existence... » Aussi, une loi du 22 mai 1946 prévoit-elle sa généralisation à tous les Français. Son histoire sous les IVe et Ve Républiques est celle d'un élargissement progressif à des catégories sociales qui n'en bénéficiaient pas en 1945 : après qu'une loi de janvier 1948 eut prévu des régimes pour non-salariés, l'assurance maladie est étendue aux exploitants agricoles en 1961, puis aux non-salariés non agricoles (artisans et commerçants) en 1966. Elle bénéficie aussi à partir de 1975 aux adultes handicapés, puis est quasiment généralisée en janvier 1978 avec l'instauration d'une « assurance personnelle ». Sans devenir pour autant partie intégrante de la Sécurité sociale, l'assurance chômage voit le jour par l'accord du 31 décembre 1958 entre patronat et syndicats créant les Assedic et l'Unedic.
L'accroissement des besoins et des déficits.
• Dès 1953, on avait constaté que la Sécurité sociale ne pouvait couvrir certains besoins, pris en charge par des formes traditionnelles d'assistance réorganisées sous l'appellation d'« aide sociale » ; en outre, l'action de l'abbé Pierre ou du Père Wresinski et, plus tard, celle de Coluche illustrent l'importance persistante de la charité - ou de la solidarité - privée (dans des domaines toutefois qui ne relèvent pas directement de la sphère d'intervention de la Sécurité sociale : logement, nutrition, formation). Enfin, la loi du 1er décembre 1988 portant création du revenu minimum d'insertion (RMI), en marge de la Sécurité sociale qui en reçoit néanmoins la gestion, entend répondre au problème de la marginalisation des sans-emploi. Le RMI est financé par l'État.
L'histoire de la Sécurité sociale est aussi, de longue date, celle de son déficit. La réforme Jeanneney de 1966-1967 avait essayé - sans grand succès - d'y répondre en séparant les caisses gérant les différents risques. Aujourd'hui, tandis que les ressources augmentent moins vite à cause du chômage, les dépenses se sont accrues, notamment à cause du vieillissement de la population. D'où une série de réformes visant à contrôler les dépenses de santé et le régime des retraites, d'une part, et à améliorer le financement de la protection sociale, d'autre part (création d'impôts tels que la contribution sociale généralisée, CSG). Le déficit demeure néanmoins élevé : pour le régime général, il atteignait 11,9 milliards d'euros en 2005.