Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
B

Bouvines (bataille de), (suite)

La coalition se reforme l'année suivante, et applique un plan d'encerclement : tandis que Jean sans Terre doit attaquer en Aquitaine, les armées flamandes et impériales se portent au nord. Le 2 juillet 1214, à la Roche-au-Moine, en Poitou, le prince Louis chasse Jean sans Terre, mettant fin à la menace qui pèse sur le royaume. Ne reste à Philippe Auguste qu'à livrer bataille au nord.

Conséquences et écho d'une bataille.

• La victoire de Bouvines, à laquelle participent les contingents envoyés par les communes du nord de la France et les évêques du Conseil royal, a durablement marqué les esprits. Les chroniques contemporaines célèbrent un événement qui s'enrichit au fil des versions : la légende s'empare de l'histoire, et devient la victoire du bien sur le mal. L'abbaye de la Victoire de Senlis est fondée pour commémorer la bataille.

La bataille de Bouvines assure l'hégémonie capétienne en France et en Occident ; à ce titre, c'est une victoire fondatrice, qui a, en outre, pour conséquences qu'Otton de Brunswick, battu, laisse la place à Frédéric de Hohenstaufen, tandis que Jean sans Terre, rentré en Angleterre, doit accepter la Grande Charte que lui imposent en 1215 barons et communes. L'année suivante, le prince Louis peut tenter de conquérir la couronne d'Angleterre.

 

• Oubliée aux siècles suivants, la bataille de Bouvines connaît aux XIXe et XXe siècles une exploitation politique aussi importante que celle de la figure de Jeanne d'Arc. Pendant la Restauration, Guizot fait valoir les mérites des contingents des communes rassemblés sous l'égide de la royauté, alors que Michelet ne peut se résigner à encenser une victoire « cléricale ». À partir de 1870, l'esprit de revanche et les mouvements nationalistes l'érigent en symbole. À la fois victoire contre les Allemands, victoire du peuple sur la féodalité et première manifestation du patriotisme français, la bataille se voit, à l'occasion de son septième centenaire, célébrée par l'Action française, l'armée et l'État. Seuls les socialistes refusent de s'associer aux manifestations. C'est l'apogée historiographique d'une victoire qui, aujourd'hui, ne recueille que quelques lignes dans les manuels, mais qui a encore pu intéresser, à titre ethnographique, la « nouvelle histoire » (le Dimanche de Bouvines, de Georges Duby, 1973).

Branly (Édouard),

universitaire et physicien (Amiens 1844 - Paris 1940).

 Reçu à l'École normale supérieure en 1865, Branly y demeure plusieurs années, après sa scolarité, en tant que directeur adjoint du laboratoire de physique. Nommé professeur au collège Rollin en 1875, il enseigne ensuite à l'Institut catholique de Paris. Docteur ès sciences, il est également docteur en médecine, et c'est à ce titre qu'il s'intéresse au mécanisme de transmission des influx nerveux dans les synapses, points de contact entre les neurones. Ces recherches orientent son attention vers le problème des contacts électriques imparfaits (passage du courant à travers un alignement serré de billes métalliques ou une couche de limaille). En 1890, il imagine le radioconducteur, ou « cohéreur » à limaille, qui permet la réception des signaux de télégraphie sans fil. Les applications seront nombreuses et d'une immense portée. C'est en perfectionnant l'appareil de Branly que le physicien anglais Oliver Lodge parviendra, en 1894, à effectuer la première transmission radio et à réaliser un récepteur propre aux utilisations industrielles ; et c'est en 1896 que l'Italien Marconi, combinant les découvertes de Branly et de Hertz, réalise un émetteur d'ondes capable de transmettre à distance. En 1891, Branly découvre l'action rayonnante de tiges métalliques verticales reliées à l'émetteur - les futures « antennes ». Il est reçu à l'Académie des sciences en 1911.

Brantôme (Pierre de Bourdeilles, seigneur et abbé de),

homme de guerre et mémorialiste (Bourdeilles 1537 ou 1540 - id. 1614).

Voué par son père à la carrière ecclésiastique, Brantôme s'éloigne rapidement de l'Église et entame une vie d'aventure, qui le conduit d'abord en Italie, puis en Écosse. À partir de 1562, il prend part aux batailles contre les huguenots, et, entre deux combats, se joint à des expéditions contre les Turcs, au Maroc (1564) puis à Malte (1566). Gentilhomme ordinaire de la Chambre d'Henri III, il éprouve une vive amertume lorsque, en 1582, le sénéchalat de Périgord, que le roi lui avait promis, échoit à un autre. Tenté d'offrir ses services au roi d'Espagne, il en est empêché par une chute de cheval qui le réduit à l'immobilité pour plusieurs années. Dès lors, toute son énergie s'oriente vers l'écriture, et le gentilhomme périgourdin ne quitte plus ses terres que pour de brefs voyages.

Ses Mémoires se composent des Vies des dames illustres, des Vies des hommes illustres et des grands capitaines, et des Vies des dames galantes. C'est ce dernier ouvrage, publié seulement en 1666, qui lui vaudra à la fois une réputation de scandale et l'admiration de nombreux écrivains. Galerie de portraits piquants et d'anecdotes volontiers licencieuses, ces chroniques de la vie amoureuse sous les derniers Valois sont l'œuvre d'un conteur plus que d'un historien. Elles n'en témoignent pas moins, avec une remarquable liberté de ton, de l'évolution du sentiment et de la sexualité à la fin de la Renaissance.

Brazza (Pierre Savorgnan de),

explorateur et administrateur (Castel Gandolfo, près de Rome, 1852 - Dakar 1905).

 Issu d'une famille italienne, le jeune Brazza est reçu à l'École navale en 1868, à titre étranger. Après avoir pris part à la guerre de 1870, il demande et obtient sa naturalisation. Envoyé en Algérie afin d'y réprimer l'insurrection kabyle, il ne participe à l'opération qu'avec réticence et forge les convictions pacifistes qui seront désormais les siennes. À l'issue d'une croisière au large des côtes du Gabon en 1874, il sollicite l'autorisation d'explorer le fleuve Ogooué. Son voyage commence au début de l'année 1876. Après avoir pénétré des territoires inexplorés, il doit rebrousser chemin devant l'opposition des peuples riverains. Il rentre à Paris à la fin de l'année 1878. Déclinant les offres de Léopold II de Belgique, il comprend que le Congo suscite d'intenses convoitises territoriales et met tout en œuvre pour réactiver l'influence française dans la région. Il est alors chargé d'une seconde mission, au cours de laquelle il fonde sur l'Ogooué le poste de Franceville et signe un traité avec Makoko, le roi des Tékés, qui accepte le protectorat français (10 septembre 1880). Après une campagne de propagande en faveur de l'expansion coloniale, il est nommé commissaire général du Congo français. Mais son œuvre d'administrateur se heurte, à partir de 1896, à l'ambition des grandes sociétés coloniales. Il est relevé de ses fonctions en 1898. Chargé en 1905 d'enquêter sur les exactions commises à l'encontre des populations indigènes, il meurt, épuisé et découragé, au cours de cette dernière mission.