Bouvines (bataille de), (suite)
La coalition se reforme l'année suivante, et applique un plan d'encerclement : tandis que Jean sans Terre doit attaquer en Aquitaine, les armées flamandes et impériales se portent au nord. Le 2 juillet 1214, à la Roche-au-Moine, en Poitou, le prince Louis chasse Jean sans Terre, mettant fin à la menace qui pèse sur le royaume. Ne reste à Philippe Auguste qu'à livrer bataille au nord.
Conséquences et écho d'une bataille.
• La victoire de Bouvines, à laquelle participent les contingents envoyés par les communes du nord de la France et les évêques du Conseil royal, a durablement marqué les esprits. Les chroniques contemporaines célèbrent un événement qui s'enrichit au fil des versions : la légende s'empare de l'histoire, et devient la victoire du bien sur le mal. L'abbaye de la Victoire de Senlis est fondée pour commémorer la bataille.
La bataille de Bouvines assure l'hégémonie capétienne en France et en Occident ; à ce titre, c'est une victoire fondatrice, qui a, en outre, pour conséquences qu'Otton de Brunswick, battu, laisse la place à Frédéric de Hohenstaufen, tandis que Jean sans Terre, rentré en Angleterre, doit accepter la Grande Charte que lui imposent en 1215 barons et communes. L'année suivante, le prince Louis peut tenter de conquérir la couronne d'Angleterre.
• Oubliée aux siècles suivants, la bataille de Bouvines connaît aux XIXe et XXe siècles une exploitation politique aussi importante que celle de la figure de Jeanne d'Arc. Pendant la Restauration, Guizot fait valoir les mérites des contingents des communes rassemblés sous l'égide de la royauté, alors que Michelet ne peut se résigner à encenser une victoire « cléricale ». À partir de 1870, l'esprit de revanche et les mouvements nationalistes l'érigent en symbole. À la fois victoire contre les Allemands, victoire du peuple sur la féodalité et première manifestation du patriotisme français, la bataille se voit, à l'occasion de son septième centenaire, célébrée par l'Action française, l'armée et l'État. Seuls les socialistes refusent de s'associer aux manifestations. C'est l'apogée historiographique d'une victoire qui, aujourd'hui, ne recueille que quelques lignes dans les manuels, mais qui a encore pu intéresser, à titre ethnographique, la « nouvelle histoire » (le Dimanche de Bouvines, de Georges Duby, 1973).