Ce concept, introduit en 1972 par l'Allemand F. Mendels, désigne celles des activités industrielles des XVIIe-XIXe siècles qui paraissent faciliter le passage à l'industrie mécanisée et à main-d'œuvre concentrée des XIXe et XXe siècles.
Textiles pour l'essentiel, elles prennent majoritairement la forme des « manufactures » dispersées dans des milliers de foyers ruraux. Elles sont parfois présentes depuis le Moyen Âge mais se ruralisent davantage à la faveur de la croissance des XVIIe et XVIIIe siècles, afin d'exploiter des ressources naturelles comme l'eau claire (coutellerie de Langres, textile du Nord-Ouest) ou le bois et le fer (forges), mais surtout parce qu'on trouve dans les campagnes une main-d'œuvre bon marché et dépourvue de l'encadrement corporatif des métiers urbains. Cependant, la naissance d'une proto-industrie suppose quelques conditions précises : une organisation d'ensemble de la production qui articule le travail (à façon et à domicile) des ruraux et celui des ouvriers urbains (employés à plein temps dans des ateliers) ; un écoulement des produits qui se libère de la conjoncture locale, à l'horizon d'un plus large marché ; et, pour nourrir les ruraux détournés des travaux agricoles, une agriculture qui fournit des surplus valorisés par un commerce efficace.
La proto-industrialisation revêt diverses formes. Il arrive qu'un négoce dynamique provoque l'essor de fabrications rurales traditionnelles : ainsi, les toiles de lin de l'Ouest (Bretagne, Maine), exportées par les ports atlantiques ; les draps du Languedoc, qui transitent par Marseille ; l'horlogerie de Franche-Comté ; ou encore la métallurgie de Haute-Normandie, qui domine, avec celle du Forez, la quincaillerie française. Il arrive aussi que marchands et marchands-fabricants procèdent à des délocalisations - de la ville vers la campagne. Ils se procurent la matière première (disponible sur place ou importée), distribuent le travail et commercialisent les productions. Souvent, la finition est assurée en ville. Ainsi, on compte à Beauvais cinq cents métiers drapants au début du XVIIIe siècle, mais plus de cinq mille dans le plat pays, qui travaillent, pour un marché européen les laines du Bassin parisien, du Berry, d'Espagne. Enfin, l'impulsion donnée depuis la fin du XVIIe siècle au nouveau textile cotonnier par des marchands ou manufacturiers (Rouen-Pays de Caux), par des états provinciaux (Vivarais), par l'État (Beaujolais) ou par une coalition d'intérêts (entrepreneurs-État, dans le Bugey), crée une activité qui n'existait ni en ville, ni à la campagne.