Desmoulins (Camille),
homme politique (Guise, Aisne, 1760 - Paris 1794).
Condisciple de Robespierre au collège Louis-le-Grand, il est avocat depuis quatre ans lorsque commence la Révolution. Les premiers événements - et l'historiographie - en font d'emblée une figure centrale de cette période fondatrice : célèbre est l'épisode du 12 juillet, au Palais-Royal, où, à l'annonce du renvoi de Necker, le jeune homme - qui bégaye - appelle les Parisiens à prendre les armes. Dans son journal, les Révolutions de France et de Brabant (1789-1791), il attaque Lafayette et Mirabeau. Le héros révolutionnaire, tel que Michelet l'a immortalisé, trouve son achèvement dans le rôle de l'amoureux - de sa femme (Lucile Duplessis, épousée en 1790), mais aussi de la patrie -, celui qui proclame son « amour du gouvernement républicain [...], seule constitution qui convienne à quiconque n'est pas indigne du nom d'homme ». Il est inscrit aux Clubs des cordeliers et des jacobins, et défend la légitimité et l'efficacité de l'insurrection populaire : il est ainsi l'un des acteurs de la prise des Tuileries (10 août 1792). Il partage avec Fabre d'Églantine la fonction de secrétaire du ministère de la Justice (dirigé par Danton) au moment des massacres de Septembre. Élu député de Paris à la Convention, proche de Danton, il s'oppose farouchement aux girondins, et demande leur éviction de l'Assemblée dans son libelle Histoire des brissotins ou Fragment de l'histoire secrète de la Révolution (mai 1793).
« Un égaré » (Robespierre).
• Il se tient ensuite à l'écart des séances de la Convention et, avec le Vieux Cordelier, journal qu'il lance en frimaire an II (décembre 1793), il s'engage dans la lutte contre les hébertistes et les ultrarévolutionnaires, devenus « le seul danger de la République ». Il les accuse de « tuer les principes et le patriotisme par les principes et le patriotisme poussés jusqu'à l'extravagance », et les qualifie d'agents de Pitt (le Premier ministre anglais) qui « a entrepris de faire par l'exagération ce qu'il n'avait pu faire par le modérantisme ». Pour Desmoulins, « la contre-révolution en bonnets rouges » est aussi fatale à la liberté que les girondins l'ont été. Ces positions lui valent une vive critique des cordeliers (il en est radié) et des jacobins (Robespierre lui en évite l'exclusion). Éclaboussé par les intrigues d'agiotage de Fabre d'Églantine, qui est impliqué dans la falsification du décret de liquidation de la Compagnie des Indes, il est arrêté avec les dantonistes dans la nuit du 10-11 germinal an II (30-31 mars 1794), avant d'avoir pu publier le no 7 du Vieux Cordelier, dans lequel il mettait en cause certains membres des comités. Dans son rapport d'accusation, Saint-Just stigmatise les partisans d'un « comité de clémence pour l'aristocratie », « l'indulgence qui est féroce puisqu'elle menace la patrie » et « Camille Desmoulins qui fut d'abord dupe et finit par être complice », « instrument de Fabre et de Danton ». Il est guillotiné le 17 germinal (6 avril). Lucile est exécutée huit jours plus tard.
« Un libre génie d'inspiration naïve et soudaine » (Michelet).
• Dans l'historiographie de la Révolution française, Desmoulins, qui est à la fois l'ami de Robespierre (témoin à son mariage) et celui de Danton, tient la place du révolutionnaire emblématique, du romantique idéalisé, au carrefour des tensions, des luttes, des paradoxes de l'an II et de la Terreur. Selon les courants, on insistera sur l'aveuglement de l'homme politique manipulé par Danton (« le naïf ») ou sur la lucidité du défenseur de la liberté de la presse (« le génie ») qui, avant d'être arrêté, écrit que « l'âme des républiques, leur pouls, leur respiration, et si l'on peut parler ainsi, le souffle auquel on reconnaît que la liberté vit encore, c'est la franchise du discours » (le Vieux Cordelier, no 7). À sa charge pour les uns, à sa décharge pour les autres. Il fut l'un des rares dantonistes à avoir été réhabilité par les thermidoriens.
despotisme éclairé,
formule désignant le mode d'exercice du pouvoir propre aux monarques ou ministres européens qui, adeptes des Lumières et influencés par les philosophes français du XVIIIe siècle, ont tenté de moderniser leur pays par la voie autoritaire.
Philosophes et souverains.
• La formule marque la rencontre, autour d'un programme réformateur, de souverains soucieux d'ordre, de fonctionnaires soucieux d'efficacité et de philosophes soucieux du bien public et du progrès. Il s'agit de moderniser la société, de subordonner les intérêts particuliers et les coutumes à un État censé représenter l'intérêt général. Éclairé, le gouvernement d'un tel État ferait de l'accroissement de la population, de la prospérité économique et de la diffusion de l'éducation les vrais critères de son action. Ainsi, la conduite des affaires publiques échapperait aux préjugés religieux pour se conformer aux principes de la raison. « J'ai fait de la philosophie la législatrice de mon empire », déclare, par exemple, Joseph II en 1781.
Ce mouvement de réformes imposées d'en haut est apparu aux philosophes des Lumières comme le seul moyen de faire sortir de leur arriération les pays de l'Europe centrale, orientale et méditerranéenne. En effet, faute d'une opinion publique avertie et d'une bourgeoisie suffisamment forte, le plus simple leur paraît de persuader le souverain. L'accord se fait autour d'une commune hostilité aux prétentions de l'Église, tandis que les monarques se flattent d'accueillir et d'écouter les Philosophes qui, réciproquement, louent leur action : Voltaire louange Frédéric II de Prusse (1740-1786), Diderot conseille Catherine de Russie (1762-1796). De même, Marie-Thérèse d'Autriche (1740-1780) et son fils Joseph II (1780-1790), le grand-duc de Toscane Léopold (1765-1790) et le roi d'Espagne Charles III (1759-1788) reçoivent-ils le soutien des élites éclairées. De fait, ces souverains ont mis en œuvre une politique de réformes inspirées par les idées des Lumières : rationalisation de l'appareil administratif et fiscal, tolérance religieuse, humanisation de la justice, laïcisation de l'enseignement et de l'assistance charitable.