Dictionnaire de l'Histoire de France 2005Éd. 2005
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Hôtel de Ville de Paris, (suite)

Sous l'Empire, le préfet de la Seine s'y établit, mais il faut attendre la monarchie de Juillet pour que de nouveaux bâtiments viennent doubler la longueur de l'ancienne façade. C'est seulement sous le Second Empire que les abords en sont dégagés : Haussmann, avec le percement de la rue de Rivoli, supprime les voies pittoresques (la Coutellerie, la Tixanderie, etc.) qui l'enserraient dans un véritable labyrinthe. L'édifice est désormais un vaste quadrilatère de 120 mètres sur 80. Siège du gouvernement de la Défense nationale en 1870, puis de la Commune en 1871, il est détruit pendant la Semaine sanglante ; de nombreux documents partent alors en fumée.

Dès 1873, l'Hôtel de Ville est reconstruit sur les plans de Théodore Ballu et d'Édouard Deperthes, qui s'inspirent de la façade du Boccador. Le chantier, l'un des plus vastes du XIXe siècle, dure neuf ans et coûte 30 millions de francs de l'époque. À travers cette cathédrale laïque, le conseil municipal, sous tutelle de l'État, entend alors affirmer « l'union de Paris avec le pays entier » et faire de l'édifice « une sorte de Panthéon artistique, un résumé brillant de l'état de l'art contemporain ».

Hôtel du roi,

ensemble des officiers domestiques au service du roi.

Aux XIe et XIIe siècles, la cour reste un ensemble assez flou, où les domestiques du souverain côtoient les vassaux qui le conseillent, et où les grands officiers de la couronne - sénéchal, bouteiller, chambellan, connétable et chancelier - continuent à jouer un rôle de premier plan. C'est à partir du XIIIe siècle que l'Hôtel du roi s'individualise plus nettement et prend, dans sa composition aussi bien que dans ses structures, sa forme achevée. Confiés à des spécialistes chevronnés qui y accomplissent toute leur carrière, les offices domestiques constituent autant de métiers : paneterie, échansonnerie (pour le service du vin), cuisine, fruiterie, écurie, fourrière et chambre assurent, sous la conduite du maître d'hôtel et sous le contrôle financier de la Chambre aux deniers, le confort matériel de tous ceux qui entourent le roi. Si le connétable prend la tête des armées, le titre de sénéchal n'est plus porté à partir de 1191, sous le règne de Philippe Auguste, tandis que le bouteiller est appelé plus tard à présider la Chambre des comptes, avant de disparaître à son tour (1449), et que le chambellan reste confiné dans des activités purement domestiques. L'essentiel des fonctions gouvernementales repose donc alors sur le chancelier : responsable de la rédaction des actes royaux, il est aussi le gardien des Sceaux et, à ce titre, dispose d'une mission de contrôle et de conseil qui peut l'amener à adresser des remontrances au souverain. Collaborateur le plus proche de ce dernier, il le remplace durant ses absences.

Mais le nombre sans cesse croissant des affaires qui aboutissent à l'Hôtel du roi nécessite le recours à des techniciens : auprès du monarque et du chancelier se multiplient ainsi des spécialistes de l'écrit, qui, chargés des problèmes les plus brûlants, doivent « le secret taire » (c'est peut-être l'origine du terme « secrétaire »). Les maîtres des requêtes de l'Hôtel du roi reçoivent et tranchent les plaintes et les appels dont, en vertu de sa justice « retenue », le souverain entend bien se saisir. Ainsi s'explique le fait que clercs et chevaliers s'effacent au profit des légistes nourris de droit romain, parmi lesquels le roi choisit les serviteurs dévoués qui peupleront les différents organes de l'administration centrale et locale.

Véritable centre du pouvoir, l'Hôtel du roi compte plusieurs centaines de membres dès la fin du XIIIe siècle ; les effectifs vont s'accroître : les queux, « potagers » et autres sauciers qui composent l'office de cuisine passent de 27 en 1285 à 73 un siècle plus tard, et les secrétaires attachés au roi, qui n'étaient que 3 en 1316, se retrouvent au nombre de 59 sous Louis XI. S'y ajoutent, au moins pour les offices domestiques, les « maisons » particulières qui se constituent peu à peu autour de la reine et des « enfants de France ». Pour s'attacher ces compétences multiples et variées, le roi doit verser des gages qui supposent une ponction notable sur ses revenus : vers 1250, ses débours ne sont encore que de 37 000 livres, que l'on peut aisément tirer du domaine ; mais, en 1329, ils se montent à 310 000 livres, et l'on doit alors recourir aux contributions levées en raison des guerres pour permettre au roi de maintenir son rang.

Hougue (bataille de La),

bataille navale livrée lors de la guerre de la ligue d'Augsbourg, qui se solde par une défaite française devant la flotte anglo-hollandaise, au large du Cotentin (29 mai-3 juin 1692).

L'amiral Tourville, glorieux vainqueur des Anglais à Béveziers en 1690, doit protéger l'embarquement pour Angleterre des troupes massées dans le Cotentin et destinées à soutenir Jacques II dans la reconquête de son trône. Il a reçu l'ordre de Louis XIV, irrité par sa prudence, d'engager le combat avec l'ennemi, quelles que soient les circonstances. Parti de Brest, Tourville n'a pu être rejoint par la flotte de la Méditerranée lorsque, dépassant Cherbourg, il arrive en vue de la pointe de Barfleur le 29 mai, et découvre au moins 88 vaisseaux anglo-hollandais (97, voire plus, selon certains récits) ; lui-même n'aligne que 44 vaisseaux et 3 142 canons, contre quelque 8 980 (les flottes de l'époque sont d'énormes concentrations d'artillerie, et le combat d'escadres est essentiellement un duel au canon). Obéissant aux instructions royales, Tourville accepte l'affrontement ; tandis que 8 vaisseaux français éloignent les ailes ennemies, empêchant une tentative d'enveloppement, les deux lignes qui se font face luttent pendant une douzaine d'heures. À la fin de la journée, Tourville a coulé 2 vaisseaux ennemis et n'en a perdu aucun, mais ses équipages sont décimés, et la plupart de ses bateaux, gravement avariés : il est donc contraint de battre en retraite.

Cherbourg n'est pas un port adapté aux gros vaisseaux, ce qui constitue une faiblesse majeure dans la logistique des côtes françaises. Seul Brest peut recevoir l'escadre, mais cette base est trop éloignée : 27 vaisseaux arrivent à la rallier ; les autres, gênés par leurs avaries et les courants contraires, harcelés par l'ennemi, sont, jour après jour, obligés de s'échouer entre La Hougue et Cherbourg, et les brûlots anglais viennent les incendier. Le prestigieux Soleil royal, navire amiral de 104 canons, sombre ainsi dans les flammes, tout comme 14 autres vaisseaux. Ces pertes n'ont pas constitué le désastre que l'on a souvent dénoncé : elles ont été vite comblées, et l'année 1693 voit le record de l'armement naval du règne. Loin d'être sanctionné, Tourville, admiré pour son courage, reçoit le bâton de maréchal, une distinction rare pour un marin ; il prendra sa revanche en détruisant un grand convoi de commerce anglo-hollandais au large du Portugal, à Lagos, le 27 juin 1693.